Tête à chapeaux

J’habite avec mon ex… par choix

Quand les mots sont sortis de ma bouche, je me suis demandé si j’étais folle: «veux-tu emménager chez moi, le temps que ça se place?». C’est l’amie qui parlait pendant que l’ex-amoureuse sonnait le signal d’alarme.

Photo: Unsplash

 

J’ai googlé «I live with my ex» (Je vis avec mon ex) pour essayer de me convaincre que nous étions normaux, qu’il existait une communauté de collexes (colocs + ex) enfouie quelque part sur le Web. Les témoignages dénichés relataient plutôt une cohabitation sous le signe de la contrainte financière et de la lourdeur émotionnelle.

Après 5 ans de vie commune, un enfant ensemble et un autre dont j’ai été la belle-mère, notre rupture s’est déroulée sans drame, mais a été chargée et douloureuse pour toutes les personnes touchées.

Je me suis trouvé un appartement et un second revenu, nous avons pris chacun notre route, et nous avons pansé nos plaies. Nos vies ont appris à se conjuguer au je. Le temps a fait son œuvre et nous sommes même redevenus des amis, capables de parler sans rancune du bien que ça nous a fait de ne plus être un couple.

Ce n’est pas exceptionnel comme histoire, mais je connais assez de familles déchirées par la séparation pour savoir que nous avons de la chance. Parfois, même avec toute la bonne volonté du monde, les circonstances rendent difficile la bonne entente.

Puis la vie a lancé une balle courbe au père de mon fils. Moi, elle me souriait à pleines dents. Quand les mots sont sortis de ma bouche, je me suis demandé si j’étais folle: «Veux-tu emménager chez moi, le temps que ça se place?». C’est l’amie qui parlait pendant que l’ex-amoureuse sonnait le signal d’alarme. As-tu fini de courir après le trouble, pour une fois que tout est smooth!!! En même temps, je n’avais pas l’habitude de suivre les sentiers battus, alors pourquoi commencer maintenant.

Autour de moi, peu de gens le savent. Ironiquement, ça avait été plus facile d’annoncer la fin de notre couple que le début de notre colocation. Les seuls dont l’avis fut demandé, ce sont les enfants. De toute façon, c’était temporaire, alors à quoi bon s’attirer les questions et les doutes de tout un chacun.

Nouvelle période d’adaptation. Partager une garde d’enfant (deux, dans son cas) et un appartement trop petit. Partager les tâches, les responsabilités, organiser les horaires. Avoir du temps et une vie à soi, malgré tout. Un échec cuisant aurait été tout sauf surprenant, et nous étions alertes et prêts à reculer au besoin. Puis, rien. Les semaines, les mois ont passé. Des frictions, il y en a eu quelques-unes, mineures, vite réglées. Une routine s’est installée et la vie a très platement suivi son cours. Nous serons toujours des ex, mais au jour le jour, nous sommes des colocataires, des co-parents et des amis depuis bientôt 10 ans.

À lire aussi: Est-ce que l’empathie est devenue une maladie mentale?

Quand a sonné l’heure du bilan, un high five était de mise. L’ambiguïté brillait par son absence et les enfants étaient heureux. Tellement qu’on s’est demandé si l’arrangement temporaire, pris dans l’urgence, ne pouvait pas s’étirer et mieux s’organiser.

«Et si on déménageait tous dans un espace assez grand pour y mener nos vies séparément, mais ensemble?» Lui pourrait continuer de travailler de nuit et moi d’avoir des horaires changeants sans que Fiston soit trimballé d’un foyer à l’autre. Financièrement, les avantages sont évidents. Nous avons pris le temps d’y penser. Encore une fois, les enfants furent consultés, et la décision fut unanime.

Et si l’un de nous deux trouvait l’amour? On n’est pas en train de partir une commune (le rêve!), donc on s’attend à ce qu’un jour ou l’autre l’un de nous deux parte, que ce soit pour l’élu.e de son cœur ou juste parce que. En attendant, on gère la garde partagée comme si on vivait à deux adresses, il a ses jours et j’ai les miens. En dehors de ceux-là, chacun a sa vie, ses activités. Et ramener des conquêtes à la maison, c’est non.

Le plus gros malaise demeure celui qui plane quand on expose notre mode de vie. Quelques personnes se sont enthousiasmées de notre «arrangement», mais en général, j’ai l’impression d’annoncer que j’organise une orgie au chalet de mes parents dans les Laurentides. Une réaction de surprise et de curiosité, je crois, plus qu’une de jugement.

Sommes-nous fous? Peut-être. En théorie, la situation a le potentiel de merder de façon spectaculaire. En pratique, le déraillement se fait attendre, et tant mieux.

Il fut un temps où cohabiter, copuler et coproduire des humains hors des liens sacrés du mariage était scandaleux, tout comme divorcer. Un temps où la famille recomposée (comme celle de la défunte série jeunesse Ramdam) était une famille anormale.

Dans un autre registre, mais pas tant, l’échangisme, le couple ouvert et le polyamour, trois concepts loin d’être nouveaux, sont couramment galvaudés ou interchangés, et demeurent tabous bien que pratiqués entre adultes consentants.

En somme, les modèles non-traditionnels de couple, de séparation et de familles sont nombreux et éclatés, mais demeurent discrets devant ceux plus traditionnels et reconnus.

Mais enfreindre la tradition, disait un poète russe, c’est aussi la tradition.

 

 

À lire aussi: Devrait-on demander aux gens leurs origines?

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.

DÉPOSÉ SOUS: