Chroniqueuse du mois

Mère/père/parent, c’est quoi le problème?

Le débat s’est étiré, sur les réseaux sociaux et dans les médias. On lisait récemment que le gouvernement fédéral préfère identifier les parents par Parent 1/Parent 2 que par Mère/Père, dans le formulaire de demande d’un numéro d’assurance sociale, par exemple. Pour une question d’inclusion dont il faut réfléchir aux conséquences…

Photo: iStock.com/Rawpixel

Je suis d’accord pour une plus grande inclusion des différents modèles de famille. C’est important qu’on reconnaisse justement qu’on n’est plus dans le modèle familial papa, maman, bébé(s). La famille a tellement évolué depuis 30 ans!

Elle se compose, se décompose et se recompose, elle est en mono ou en stéréo. Elle est doublement paternelle ou maternelle. Elle accueille des enfants d’autres familles, d’autres origines. Elle est culturellement modifiée par ses expériences, son métissage et ses apprentissages.

Certains parents s’identifient au mot parent. D’autres moins. Certaines mères aiment appartenir au clan «maman», un mot doux, précieux pour elles – même si, des fois, elles voudraient bien ne pas l’entendre à répétition. Certains pères tiennent à leur paternité, leur rôle réservé, un rêve tant convoité. Entendre «papa» sonne comme de la musique à leurs oreilles (sauf à 3 h du matin, suivi de «j’ai vomi»). Mais ça, c’est un détail.

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Pas de numéro 2

Et si on respectait le besoin de chacun de se sentir important dans sa parentalité, dans sa maternité, dans sa paternité? Ça prendrait vraiment trop de papier, trop de place sur un formulaire d’utiliser la fameuse barre oblique entre chaque rôle qu’on souhaite tenir?

Et il n’y a pas que ça. Certains pères ne veulent pas être le numéro 2 (et on ne le veut pas non plus, au nom de l’égalité). D’ailleurs, certaines mères n’ont pas envie de jouer le numéro 1. Parce que les pères veulent aussi être aux premières loges. Ils espèrent aussi une reconnaissance pour ce rôle si important aux yeux de leur petit bout de chou. Pas de numéro 2, pas de sous-catégorie ni de parent de deuxième classe.

Depuis plusieurs années, les pères demandent à ce qu’on les inclue dans les politiques publiques. Raymond Villeneuve, du Regroupement pour la valorisation de la paternité, disait lors de la SU-Père conférence en début d’année qu’on voit enfin une ouverture de la part des gouvernements pour inclure les pères dans le vocabulaire administratif. Selon une étude menée par Diane Dubeau de l’Université du Québec en Outaouais et publiée en 2014, l’utilisation genrée père/mère reste à propos: «La mention genrée “mère-père” est pertinente et contribue à reconnaître l’existence des pères dans la sphère privée plus traditionnellement reconnue comme secteur d’expertise des mères. Par contre, il est important que ces mentions s’inscrivent dans un contexte ciblé (action, objectif, priorité, etc.).»

On pourrait voir sur la même ligne Mère/Père/Parent, avec une ligne pour le nom et, ensuite, un autre Mère/Père/Parent avec une autre ligne pour le nom. Tout le monde est compris. Et si l’administration publique a besoin de savoir davantage, au lieu d’avoir cette barre oblique, il pourrait s’agir de petites cases accompagnant les mots Mère, Père et Parent, deux fois. Les parents n’auraient qu’à cocher le mot auquel ils s’identifient.

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Inclure tout le monde

Pascale Navarro écrivait récemment à ce sujet: «Je n’ai rien, mais rien du tout contre le mot “parent”, un mot magnifique et plein de sens. Mais pourquoi enlever la possibilité, pour les personnes qui le désirent, de s’identifier comme père ou mère? Pourquoi ne pas additionner plutôt que soustraire?»

Oui, additionner pour l’inclusion, pour s’assurer que tous et toutes ont leur place dans le merveilleux monde de la parentalité. Pour que les pères se sentent concernés par les communications venant de l’école ou par les formulaires d’inscription des parents-accompagnateurs lors d’une sortie de la garderie; pour que les mères ne soient pas les parents de service sur lesquels on s’appuie pour le bon roulement de l’éducation des enfants; pour que les familles sans maman ou sans papa sachent qu’elles font partie de la communauté, qu’elles sentent qu’on s’adresse également à eux; pour que ceux qui ne s’identifient pas comme père ou comme mère puissent aussi jouer leur rôle essentiel auprès de leurs enfants, avec l’appui de la société et l’ouverture de leur administration publique. Pour que chaque parent se sente inclus et, par ricochet, engagé.

Parce que le plus important, c’est que les parents s’impliquent dans la vie de leurs rejetons, c’est qu’ils sachent que la société est derrière eux pour les appuyer, pour qu’ils jouent un rôle déterminant de leur existence: celui d’élever des enfants.

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Chroniqueuse du mois

Photo: Maxim Morin

Journaliste dans l’âme et mère curieuse de deux tannants de quatre et sept ans, Mariève Paradis est éditrice de Planète F Magazine depuis 2014. La maternité lui a fait redécouvrir la société dans laquelle elle vit, à travers le prisme de la parentalité. Récipiendaire de deux prix en journalisme, d’un diplôme d’honneur de l’Université de Montréal et d’une médaille d’argent d’éditrice indépendante de l’année 2016 aux Canadian Online Publishing Awards, elle aime réfléchir sur les enjeux de société qui jalonnent son parcours de parent.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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