À bien y penser

Nombre record de femmes élues à Québec! Maintenant, qu’est-ce qu’on fait?

C’est fait, les femmes ont atteint la zone paritaire comme élues à l’Assemblée nationale. Il y a de quoi souligner cette nouvelle normalité!

Photo: istock.com/Jacob Ammentorp Lund

C’est en réclamant le silence autour de moi, le soir des élections, que j’en ai pris conscience: les femmes avaient bel et bien pris leur place en politique.

Lorsque j’ai augmenté le volume de la télé pour écouter Nathalie Roy, tout juste réélue pour la Coalition avenir Québec, c’était pour entendre ce qu’elle avait à dire en tant que bras droit de François Legault– donc en tant que députée d’importance. Je n’ai même pas pensé au fait qu’elle était une élue.

Pareil pour l’enthousiaste Catherine Dorion, nouvelle députée vedette de Québec solidaire. Qu’avait-elle à dire, cette jeune femme qui voit systématiquement l’angle poétique? C’est son propos qui m’intéressait, davantage que sa jeunesse ou que son genre.

Avec sa tuque sur la tête, elle cassait le moule de la politicienne à tailleur, bien coiffée, la voix toujours posée. Ces dernières années, les Agnès Maltais, Françoise David, Manon Massé avaient ébréché le modèle, mais avec madame Dorion, on en sort pour de bon. Enfin, même les femmes visant des fonctions sérieuses ont le droit d’être des personnages qui s’affichent jusque dans leur tenue vestimentaire!

Dans la donne politique qui se rebrasse en ce moment, il n’était pas non plus incongru d’entendre, dès lundi soir, évoquer les noms de Véronique Hivon pour le Parti québécois ou de Dominique Anglade pour le Parti libéral comme chefs potentielles. On ne pensait pas à elles comme à des «femmes de service»: elles étaient sérieusement considérées en raison de leur rôle dans leur parti respectif .

En plus, il y avait toutes ces femmes qui l’emportaient grâce à leurs efforts, parfois avec de fortes majorités. La victoire, ce n’est pas seulement attribuable à l’effet d’entraînement d’un parti, diraient sans peine Catherine Fournier, Émilise Lessard-Therrien, Geneviève Guilbault ou Marie Montpetit – toutes issues de l’un des quatre grands partis – qui ont «travaillé» leur circonscription.

Bref, si la politique, comme tous les milieux de pouvoir, reste associée à un jeu masculin, les joueuses sont bel et bien entrées dans la danse. Elles le font avec assurance, bien installées dans leur parti et leur siège de députée. On est loin des jours sombres où une Claire Kirkland-Casgrain et une Lise Bacon siégeaient seule. Ou de ceux où une Lise Payette se sentait très isolée comme femme ministre, même si en 1976, cinq femmes avaient été élues en même temps. Une première, à l’époque.

Aujourd’hui, elles sont dix fois plus nombreuses: 52 élues qui occuperont en même temps les banquettes de l’Assemblée nationale! Peut-on penser que ce sera pour de bon? Au point d’évacuer toute envie d’instaurer des quotas? Ce sera à voir. Dans le cas des femmes, je suis plutôt partisane de ne jamais rien tenir pour acquis. Notre histoire compte tant d’avancées oubliées et de grands noms effacés!

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Mais prenons quand même le temps d’applaudir. Jamais les femmes n’avaient été si nombreuses à se présenter à des élections québécoises, jamais les partis n’avaient fait autant d’efforts pour en recruter, et ç’a marché! On en a même vu quatre, représentant chacune les principaux partis, s’affronter dans l’Acadie, Charlevoix, Duplessis, Laporte… Loin d’y lire une faiblesse, je me réjouissais qu’on en soit rendues là et que ce ne soit même pas considéré comme une curiosité.

La prudence néanmoins s’imposait: y aurait-il vraiment plusieurs élues parmi toutes ces candidatures – 375 au total – ou les avait-on envoyées se casser le nez dans des circonscriptions perdues d’avance, comme ça s’était si souvent vu depuis 40 ans? De minutieux calculs le faisaient craindre.

Erreur! Cette élection, à juste titre qualifiée d’historique tant le chambardement est grand, signe aussi une nouvelle étape pour les femmes: 52 élues, c’est plus de 41% de l’ensemble de la députation. Cela correspond au 40% de femmes qui, tous partis confondus et indépendants inclus, se sont présentées à ces élections.

Mieux encore, c’est un net progrès par rapport à la campagne de 2014, alors que l’Assemblée nationale s’était retrouvée avec 27 % de femmes élues, un recul par rapport à 2012 où elles avaient été 33%. Le record de 41 députées de cette année-là n’avait-il été qu’un mirage?

Qu’en 2018, ce pourcentage passe à 41,6%, et 11 sièges de plus que ce qui avait été atteint en 2012 est donc plus qu’un pas en avant: c’est carrément un bond! L’idée de voir des femmes ensemble, regroupées plutôt qu’isolées ici et là dans une vaste assemblée masculine, me sourit totalement.

Pour la suite, il y a aura le conseil des ministres à évaluer: le nombre de femmes qui y accéderont tout comme les portefeuilles ministériels qu’elles obtiendront. Et il faudra, comme toujours, surveiller les politiques adoptées par le gouvernement et leurs effets sur les femmes en général.

Mais en si forte gang pour brasser la cage en coulisses, au sein de la députation caquiste, ou en commission parlementaire et à la période de questions du côté de l’opposition, garder les yeux ouverts devrait être beaucoup plus facile!

***

Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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