Chroniqueuse du mois

Nous avons tous besoin d’un peu de tendresse, non?

Notre chroniqueuse invitée nous parle de bienveillance. Envers nous. Et pour le bonheur d’autrui.

Mes hommages. J’aime BEAUCOUP les miroirs. C’est un objet que je chéris et que je collectionne avec l’enthousiasme de feu Bowie pour les bas résilles. Les antiques. Les baroques. Les «avec des petits cœurs tout le tour». Les murs de mon 3 ½ en sont copieusement ornés et je les entends me chuchoter que je pourrais peut-être, possiblement, penser à envisager de cesser d’en accrocher, tandis que je m’apprête à suspendre ma douzième trouvaille à hauteur de genoux (on sous-estime l’espace disponible sur nos bas de murs, de dire la fille avec un entonnoir sur la noix). Toujours est-il que ces miroirs, en plus de refléter la douce lumière du jour, eh bien ils me reflètent aussi la bette. Je sais, c’est là une grande nouvelle.

Photo: iStock

Photo: iStock

C’est étrangement la caractéristique que j’ai tendance à oublier… Je fais le saut quand, parée à faire rissoler des petites patates barbecue, je m’entrevois le faciès dans un miroir rococo à côté du poêle: «Hippelaye! Vous êtes qui, vous?!», me surprends-je régulièrement à semi-hurler. En général, je passe mon chemin. Je travaille dans un milieu où l’image et le grain de peau priment (hélas) souvent sur le propos. J’ai beau frayer avec les caméras et l’infinie puissance de la haute définition, j’ai toujours essayé de n’accorder que peu d’importance à mon physique. Quand on me permet la chose, j’insiste pour être peu maquillée, pour m’exposer la broussaille du sourcil non redéfini par une main experte. Mon petit combat à moi. Mon petit William Wallace à cinq cennes.

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Mais comme toute ouaille, même si je me fais cavalière de l’estime de soi et du petit bec dans le cou auto-administré, il m’arrive parfois de me surprendre à être plantée depuis cinq minutes devant l’un de mes beaux miroirs et de réaliser que, ces cinq minutes, je les ai passées à m’inspecter. Vous savez, la grande et sournoise inspection qui ne finit plus de se détailler le détail. Qui fait ses petits deuils. Qui m’informe que soulever une couple de canisses de petits pois LeSieur une fois de temps en temps, ça me ferait peut-être pas de tort. Cette phrase, bien qu’elle fasse rire les copains (les petits pois LeSieur remportent toujours un vif succès), est pourtant dangereuse. Elle l’est d’autant plus lorsque prononcée devant autrui. À la caméra. Dans un micro. Oh, le commentaire que l’on dirige vers soi est souvent preuve d’un scintillant sens de l’autodérision et d’une aptitude à ne pas se croire meilleure que le pepsi. Ce je-ne-sais-quoi d’attachant et d’humain que les gens aiment donc.

 

Mais chaque fois qu’on verbalise une insécurité ou un complexe, ou pire, lorsqu’une vedette locale me confie courageusement via Instagram qu’elle entame une CURE INTENSIVE de bandelettes blanchissantes pour avoir la palette blanc «certifié NASA» en vue du grand gala télévisé dans trois semaines, l’envie de me défenestrer m’assaille.

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Dès qu’on le verbalise, ce qu’on a tendance à zapper, c’est qu’on confronte aussi l’autre à son propre complexe. «Elle se met des bandelettes blanchissantes. Elle se trouve pas correcte? Elle est pourtant si belle. Coudonc, est-ce que tout le monde regarde mes dents en se disant que je devrais en mettre, moi aussi, des petites bandes? Ciel, on me surnomme certes la jaunisse des plateaux.»

 

Même si j’ai l’audace de croire que ce corps, je l’aime et j’en accepte les imperfections, les traces de vie et les périls. Même si je me convie à sa célébration chaque jour. À l’audace du soutien-gorge absent. Au short qui révèle ce que jamais la vingtaine ne m’aurait autorisé. Malgré toute cette belle paix, une paix honnête, ces critiques, celles qui ne sont pourtant pas dirigées vers moi, se faufilent. Et la première affaire que je sais, c’est qu’elles sont en train de s’aménager une villa dans mon cervelet, et la tapisserie fait peur quelque chose de rare.

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Cette semaine, belles lectrices, j’ai envie de vous inviter à avoir un peu de tendresse envers vous-mêmes. À cesser de brandir le marteau du «Ce beigne-là, ça s’en va toute d’in fesses!», bien que le geste soit si machinal que vous ne le remarquez plus. Et par le fait même, vous aurez aussi beaucoup de tendresse pour autrui. Cet autrui qui n’avait peut-être pas prévu s’inspecter la fesse au retour du travail.

 

La bise.

 

 

Photo: Marie-Eve Levesque

Photo: Marie-Eve Levesque

 

Auteure, chroniqueuse et festive angoissée, Catherine Ethier se diversifie bec et plume dans Code F., à Vrak, en tant qu’Humeuriste à Gravel le matin, sur les ondes de CIBL, dans les pages du journal Métro et désormais un vendredi sur deux dans ses capsules «Doigt de dame» pour Châtelaine. Elle se déploie ici la cuisse pour tout mai, poing levé et petites pattes dans les étriers (l’âme Cavalia, le clavier acéré).

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