Vitalité

La Clef des champs, un fabuleux jardin médicinal

Pissenlit, plantain, chardon bénit…. Pendant qu’on fait la guerre aux mauvaises herbes, Marie Provost les cultive pour leurs mille et une vertus. Bienvenue à la Clef des Champs, l’herboristerie la plus florissante au pays !

Marie

Marie Provost, la propriétaire de l’herboristerie la Clef des Champs.

Pour Marie Provost, ces plantes médicinales, qui soulagent maux de tête, rhume, grippe, troubles digestifs, douleurs ­menstruelles, insomnie, stress, se situent entre l’amour maternel, le bouillon de poulet et la salle des urgences. « C’est le pendant ­naturel des médicaments en vente libre. » Elle en a fait son affaire en créant, il y a plus de trois décennies, une herboristerie traditionnelle à Val-David, dans les verdoyantes Laurentides.

Je m’y suis rendue par une belle journée d’été ensoleillée. Une odeur grisante monte des jardins en terrasses aménagés à flanc de montagne, comme on en voit au Pérou. En contrebas, la rivière du Nord apporte un peu de fraîcheur aux cyclistes qui roulent le long de la piste du P’tit Train du Nord. Le siège social de l’entreprise érigé juste à côté (pratique pour qui veut s’y rendre à pied ou à vélo) se fond dans le paysage avec sa structure en bois et son toit vert.

Bienvenue chez nous !

Marie m’accueille tout sourire. C’est fou comme cette femme respire le bonheur et la santé. À 58 ans, la maître herboriste est en pleine possession de ses moyens et de son art, dont elle a été la pionnière au Québec.

Elle avait tout juste 20 ans quand ce savoir ancestral est entré dans sa vie, au hasard d’un voyage initiatique en Amérique du Sud. De retour au pays un an plus tard, elle se lançait dans la fabrication d’onguents, en solo dans sa cuisine. La Clef des Champs était née. « Moi qui viens d’une famille conventionnelle, j’évoluais dans la contre-culture et j’aimais ça ! Je suis une vieille hippie qui en a fait du chemin », me raconte-t-elle d’un ton amusé. Son wall of fame édifié dans la lumineuse salle de réunion l’atteste : la première photo remonte à 1984, alors qu’elle habitait dans « sa cabane au Canada » sans électricité ni eau courante.

Aujourd’hui, Marie dirige une lucrative PME d’une quarantaine d’employés, logée dans un édifice ultramoderne de 11 000 pieds carrés construit selon la norme de développement durable LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). Les produits sont certifiés bios et homologués par Santé Canada. « On fait tout de A à Z, de la récolte à la transformation en passant par l’emballage », dit avec fierté la propriétaire en m’entraînant à « l’usine », au sous-sol, où s’effectue la production (la visite du jardin attendra encore un peu !)

 

Maison-Champs      

 

Les plantes fraîchement cueillies du matin sont lavées puis « démouillées » dehors avant l’étape de la transformation dans la cuisine-labo. Ce jour-là, des racines de pissenlit s’égouttaient sur une plateforme en attendant d’être taillées au couteau.

Dans une douzaine de mijoteuses, les onguents cuisent à petit feu. La macération se fait dans des barils et l’infusion dans des cafetières à piston. « On ne parvient pas à trouver un processus industriel. Les plantes sont récoltées au jour le jour en faibles quantités », explique Marie, devant mon air interloqué. Elle exécute elle-même les contrôles de qualité – goût, odeur, couleur – pour chacun des onguents et des teintures mères en se fiant à ses papilles. Les gallons de liquides sont ensuite embouteillés, étiquetés et emballés, puis expédiés aux 650 détaillants (boutiques d’aliments naturels, pharmacies, cliniques, épiceries, restos…) du Québec. Un distributeur s’occupe des envois dans le rest of Canada.

Tout ce qui est plantes séchées, thés et épices est issu du commerce équitable avec 35 pays. Marie compose les recettes. Par exemple, une tisane pour la grippe nécessitera du framboisier de France, du sureau de Croatie et de la menthe poivrée des États-Unis.

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Dehors, toutes !

Le soleil est déjà bien haut quand nous montons aux jardins. Une petite route de pierres mène au pavillon d’accueil, qui abrite une boutique et un bar santé. Au menu : frappés glacés, tisanes énergisantes et thés du monde. Bien calée dans un fauteuil Adirondack, je sirote mon milk-shake curcuma-gingembre-lait d’amande avant d’entamer l’ascension – prévoir de bonnes chaussures, une bouteille d’eau et un ­chapeau.

« Ça sent juillet ! » Comme dirait Marie, un champ de camomille, ça fleure l’été. Et ça enivre. Il y a beaucoup à apprendre des plantes médicinales. Outre leur odeur et leur beauté sauvage, elles possèdent chacune des propriétés et caprices que l’herboriste me détaille. La scutellaire, par exemple. Cette plante à fleurs bleues qui normalise la tension artérielle nécessite un déménagement tous les trois ans, sans quoi les insectes l’envahissent et la terre s’épuise. Une job de fou. La molène ? Impossible de semer en rangs cette plante à fleurs jaunes en épi qui tonifie le système respiratoire. Seule une graine sur dix germera.

Fleurs-main Fleurs-Champ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout en marchant, Marie m’indique différentes « plantes à femmes » – l’actée à grappes noires, qui atténue les chaleurs liées à la ménopause, l’achillée millefeuille, la feuille de framboisier et le pimbina, géniaux contre les douleurs menstruelles. Ici et là, des parcelles de terre laissées en jachère en vue des prochaines semailles. On est loin des jardins symétriques à la française ! La scène relève pourtant de l’esthétisme avec les sculptures d’artistes de la région disséminées le long des sentiers et les jardiniers qui s’affairent sous des parasols bleus.

Marie a mis deux ans à dénicher ce lopin de 70 acres tout en hauteur. Les terres agricoles sont rares à Val-David. Michaël, l’aîné de ses trois enfants – tous travaillent avec elle –, a supervisé le chantier. Il a fallu bûcher, tamiser la terre, couper les arbres, les passer à la déchiqueteuse pour en faire du compost ou les découper en planches pour le pavillon. On a réquisitionné les innombrables roches pour bâtir le muret de pierre qui délimite chacun des paliers. En 2004, le nouveau site était prêt à recevoir les 10 000 vivaces. Elles ont été transplantées en trois jours avec l’aide de 25 étudiants du Jardin botanique.

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Le mystérieux « jardin des sorcières », clin d’œil aux végétaux « magiques » tels l’absinthe, le pavot et le datura, est toujours en construction. « On n’utilise plus ces plantes aujourd’hui parce qu’elles sont “poison” ou hallucinogènes », précise Marie. Mais les enfants pourront s’amuser à découvrir les mythes et les légendes liés à la sorcellerie. Bien sûr, sans y toucher !

Encore quelques pas et on parvient au sommet. La récompense est de taille : une vue imprenable sur la ­vallée val-­davidoise. Et un profond bien-être.

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