J’ai trois fils âgés de deux, trois et cinq ans et j’ai toujours trouvé essentiel de leur inculquer des valeurs féministes. C’est pour cette raison qu’il y a quelques mois j’ai décidé de révéler que j’avais été agressée par Jian Ghomeshi.
Rendre cette histoire publique m’a été très douloureux. Mais je voulais faire comprendre à mes fils que les stéréotypes culturels et sociaux ainsi que les iniquités sexuelles systémiques ont fait que, même si je suis avocate et que je connais bien les lois, je n’avais jamais partagé mon histoire, jamais porté plainte à la police, jamais agi.
Il est difficile pour les parents de ne pas s’inquiéter du monde dans lequel nos enfants grandissent. Nos garçons traiteront-ils toujours les femmes avec respect ? Nos filles sentiront-elles qu’elles peuvent parler et être entendues? Nous avons besoin d’outils concrets pour promouvoir cet idéal.
Supervisez ce qu’ils regardent
« Les enfants exposés à la violence dans les médias sont plus agressifs et plus sujets à régler leurs différends par la violence », dit Karyn Kennedy, directrice générale de Boost Child Abuse Prevention & Intervention, un organisme de défense et de sensibilisation deToronto.
- Soyez présents. J’ai regroupé tous nos appareils dans la même pièce. Ainsi, la plupart du temps, il y a un parent avec eux quand mes enfants regardent la télévision, jouent à des jeux vidéo ou naviguent sur le Web. Expliquez aux plus âgés pourquoi vous surveillez ce qu’ils regardent. Je dis à mon fils de huit ans que mon rôle consiste à lui éviter de voir ou d’entendre des choses qui pourraient le troubler ou l’effrayer. Pour l’instant, ça fonctionne.
- Assurez-vous que vous enfants consomment des contenus appropriés à leur âge. Ça peut être aussi simple que de faire une recherche sur le Web et prendre connaissance des commentaires d’autres parents.
- Privilégiez des réseaux non-commerciaux, comme Télé-Québec par exemple. Une émission peut être convenable, mais pas les annonces publicitaires.
Montrez-leur comment fonctionnent les médias
Nous sommes bombardés de messages sexistes, violents et hypersexualisés. Il faut enseigner à nos enfants à leur porter un regard critique. Une des meilleures façons : regarder la télévision ou lire un magazine avec eux, puis en discuter. Vous tombez sur la photo d’une femme à moitié nue ? Ne faites pas semblant de ne pas la voir. Croyez-moi, vos enfants l’auront vue, eux ! Alors parlez-en. Demandez-leur ce qu’ils pensent que l’annonceur veut démontrer et pourquoi. En plus d’être éducatifs, ces échanges sont souvent très rigolos…
Tuez dans l’œuf la « honte du corps »
Être à l’aise avec son corps constitue la base d’une sexualité épanouie plus tard dans la vie et ça débute avec les mots que nous employons. Plutôt que d’utiliser des mots enfantins ou des euphémismes maladroits pour décrire les différentes parties du corps, choisissez les termes anatomiquement justes, qui mettent en valeur une image corporelle positive, qui augmentent la confiance en soi, qui favorisent une communication saine et qui, selon des spécialistes en éducation sexuelle, amenuisent leur vulnérabilité face à des agresseurs potentiels.
Si, comme moi, vous n’avez pas eu des parents aussi ouverts d’esprit, vous serez peut-être embarrassés d’utiliser les mots pénis et vagin dans une conversation avec de jeunes enfants, surtout en public. Mais persévérez! C’est le début d’une conversation sur la sexualité qui pourra durer jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’âge adulte.
Inculquez-leur le respect des limites et surtout, respectez les leurs
Le concept que «non veut dire non» commence dans les jeux. S’ils se chatouillent et qu’un des enfants n’aime pas ça, on arrête le jeu. Insister pour qu’un enfant donne des bisous ou fasse des câlins à un ami ou à un membre de la famille est l’une des façons les plus courantes de ne pas respecter ses limites. Comment ne pas blesser quelqu’un lorsque l’enfant refuse? Offrez-lui d’autres possibilités, comme souffler un baiser, serrer ou envoyer la main.
Cultivez leur empathie naturelle
Enseigner l’empathie (qui consiste à mesurer et à tenir compte de la portée de nos actions sur les autres), est essentiel pour développer l’intelligence émotionnelle d’un enfant. Des études révèlent que dès l’âge de deux ou trois ans, ceux-ci commencent à montrer de l’empathie devant la joie, la tristesse ou la colère des autres, car ce sont des émotions qu’ils ressentent eux-mêmes très intensément. Une bonne façon d’inculquer l’empathie est d’aider un enfant à reconnaître et à nommer ses émotions et l’inciter à réfléchir à celles d’autrui dans une situation donnée.
Déboulonnez les stéréotypes
La prise de conscience de « l’autre sexe » se produit vers l’âge de deux ans et demi. Dès la garderie, les enfants commencent à désigner certains jouets, certaines couleurs, ou la longueur des cheveux comme spécifiques à un garçon ou à une fille. Et à réprimander ceux et celles qui dérogent à ces «règles».
Rappelez à vos enfants que chacun fait ses choix selon ses propres préférences. Bannissez les phrases comme « Ce n’est pas comme ça qu’une demoiselle se comporte » ou « Un gars, c’est un gars ». Jouer au hockey, devenir danseur ou astronaute est un rêve accessible à tous. Garçons et filles.
Il est primordial de traiter vos garçons et vos filles de la même manière. Encouragez-les à vivre toute la gamme des émotions. N’hésitez pas à dire à vos garçons qu’ils ont le droit, tout comme les filles, de pleurer et de parler de leurs émotions.
Une étude récemment publiée dans le British Journal of Developmental Psychology démontre que les conversations que les mères ont avec leurs filles de quatre ans contiennent plus de mots et de propos relatifs aux émotions que celles qu’elles ont avec leurs fils. Les chercheurs croient que cette différence pourrait avantager les filles, leur permettant d’atteindre des niveaux plus élevés d’intelligence émotionnelle.
En conclusion, il appartient à nos enfants de devenir ce qu’ils sont vraiment, malgré les idées préconçues sur ce que les garçons ou les filles devraient être.
Reva Seth est l’auteure du best-seller The Mom Shift: Women Share Their Stories of Career Success After Children (Random House : 2014). Elle est aussi la mère de trois garçons.