Entrevues

Danièle Henkel, l’entrepreneure venue de loin

Dans l’oeil du dragon l’a rendue célèbre. Depuis la première saison, au printemps 2012, divers hommes se sont relayés au sein du panel de l’émission, alors que Danièle Henkel est toujours la seule dragonne du clan.

Daniele-Henkel

Photo: Geneviève Charbonneau

Madame Henkel étant en déplacement, l’interview sera réalisée au téléphone. Même de loin, de ce quelque part d’où elle me parlait, le charme a opéré. Je l’imaginais aussi impeccable qu’à la télé, maquillée, coiffée, manucurée, vêtue avec soin et en talons hauts bien sûr (« mon péché mignon »). Le hasard l’a fait tomber Dans l’œil du dragon, mais ce n’en est pas un si elle est devenue une vedette. De cette femme à la forte personnalité émane un réel magnétisme. Soit, tout le monde n’y est pas sensible, mais qui peut se targuer de faire l’unanimité ?

Les circonstances qui l’ont menée jusqu’ici, elle qui est née au Maroc et a vécu en Algérie, Danièle Henkel les a racontées dans sa biographie à succès, Quand l’intuition trace la route (Les Éditions La Presse). Auprès de sa mère, personnage haut en couleur digne d’un roman, la fillette au tempérament de feu a connu la grande richesse et l’extrême pauvreté. À l’âge adulte, elle subira également des revers de fortune. Arrivée à Montréal sans le sou il y a 25 ans, la future dragonne fonde une entreprise dans le sous-sol de sa maison. L’idée de départ, intuitive : vendre un gant de crin, comme ceux utilisés dans les hammams du Maghreb, qu’elle baptisera Renaissance. « Si ce gant permettait à la peau de retrouver une nouvelle jeunesse, il était aussi pour moi le symbole de ce que j’entrevoyais comme une nouvelle vie. Une vie d’entrepreneure », écrit-elle dans son livre. Dont une « suite », Ce que la vie m’a appris, paraîtra dès le 1er novembre. Danièle Henkel y parlera « du bonheur, des croyances, du couple, des femmes et des affaires, de la famille, des échecs, du deuil, de la peur, de l’amour… » Et d’argent, bien sûr.

Les femmes, dit-on, entretiennent une drôle de relation avec l’argent. J’aime être une femme, mais sapristi qu’on est compliquées ! On se sent coupables même du succès qu’on a, vous vous rendez compte ? Coupables d’avoir un salaire plus élevé qu’un conjoint, qu’une amie, qu’un membre de la famille. Ça vient de l’éducation. Nos mamans et nos grands-mamans n’ont pas connu mieux. Elles nous ont donc transmis ce qu’elles ont reçu. Il ne s’agit pas de blâmer qui que ce soit, c’est comme ça.

Qu’enseignez-vous à vos filles ? Mes trois filles, tout comme mon fils, ont le même rapport à l’argent que moi : c’est un outil, comme le scalpel pour un chirurgien. Je pense, d’ici peu, céder ma place et prendre plus de temps pour moi-même. J’ai posé la question à mon équipe – car ma famille est aussi mon équipe [ses quatre enfants et son conjoint travaillent dans l’entreprise]. Qui assumera la relève ? Le rapport qu’ils ont à l’argent leur a permis de dire : « Maman, c’est Linda, l’aînée, qui va le faire. » Et il n’y a pas eu de chicane. Il n’y a jamais eu, entre mes enfants et moi, de discussion ou de désaccord à propos de l’argent. Ils sont là parce qu’ils l’ont choisi, ils font ce qu’ils aiment. Peu importe ce qui va arriver demain matin, ils savent qu’ils sont outillés pour faire face à la vie.

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Vous avez connu l’abondance et le dénuement. Que représente l’argent pour vous ? L’argent m’a causé tellement de joies et de déceptions que, pour moi, faire fortune n’est pas une fin. Je m’en suis détournée.

Le but ultime de ma mère était d’être riche, car dans sa jeunesse elle avait été pauvre et malmenée et elle avait compris – il faut se remettre dans le contexte de l’époque – qu’avec de l’argent elle se ferait une place dans la société. Je n’ai jamais pensé ainsi. Je ne me demande pas si je vais devenir multimillionnaire grâce à tel projet. Les entrepreneurs que j’ai accompagnés depuis les trois dernières années vous le diront, jamais je n’ai ce genre de conversation. S’enrichir n’est pas le but. Si un jour ça le devient, ce sera le début de ma fin.

Pourquoi alors vous être lancée en affaires ? Parce que j’avais envie de créer quelque chose à moi, tout simplement. Un sentiment d’appartenance. Et, à partir de là, j’ai choisi la santé et la beauté, des domaines qui me fascinent, qui me font vibrer.

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Comment vous décrivez-vous : à l’aise, riche, millionnaire ? Je ne dis jamais que je suis millionnaire. Je suis à l’aise. Et je suis à l’aise d’en parler aussi. En fin de compte, je ne pense pas posséder grand-chose, je partage, je redonne, je suis partenaire dans plusieurs entreprises. Gagner de l’argent est une chose, le faire de la bonne façon en est une autre. Je ne pourrais pas participer à un projet sans mission sociale ou socioéconomique.

Quel conseil donnez-vous aux femmes ? Le premier : réapprendre à être fière d’être femme, s’accepter comme on est, marcher la tête haute et les épaules ouvertes, et arrêter de vivre pour les autres. Le second : être responsable de ses choix de vie. Les femmes ont tendance à demander conseil à tout le monde sauf à elles-mêmes. Il faut s’écouter. C’est ce que j’ai fait.

Vous voulez vous gâter. Que faites-vous ? J’ai un faible pour les sacs à main et un plus gros faible encore pour les chaussures. Ça remonte au temps où je n’avais rien. Je m’achetais une blouse à 5 dollars et une jupe à 10 dollars, et je les portais avec des souliers à 100 $. Et j’avais l’air de sortir d’un magazine de mode. J’avais compris que c’est possible d’avoir une belle allure avec peu de moyens, mais la tête haute.

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