Entrevues

La bonne fée Jessie

Jessie Dorélien prépare des paniers-cadeaux, remplis d’accessoires et de produits de beauté, qu’elle offre à des jeunes filles défavorisées des centres jeunesse.

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Photo par Maude Chauvin

Que c’est triste Noël pour les « oubliés de la société »… C’est ce que s’est dit Jessie Dorélien en songeant aux jeunes filles défavorisées des centres jeunesse. Ses paniers-cadeaux, remplis d’accessoires et de produits de beauté, sont sa façon à elle de les dorloter.

Jessie Dorélien a reçu de la vie ce qui compte le plus : une famille aimante où régnait le bonheur. « On n’était pas riches, mais on était heureux. Je croyais que c’était comme ça pour tout le monde », soupire la trentenaire, les yeux noisette et les cheveux tressés attachés en queue de cheval. Elle a déchanté net en visionnant, en 2005, le documentaire Ces enfants de la DPJ, qui donne la parole à des jeunes « multipoqués ». « Mes parents m’avaient souvent parlé de la misère en Haïti, leur pays d’origine. J’étais bouleversée de voir qu’elle pouvait exister ici aussi. » Ce jour-là, Jessie s’est juré qu’elle ferait quelque chose. Elle a tenu parole.

Depuis un an et demi, cette bénévole aguerrie – elle s’implique depuis toujours au sein de son Église – distribue des paquets-cadeaux aux résidantes des centres jeunesse de la Montérégie et de Montréal. Elle y met toute son âme, tout son cœur et les petits bonheurs qu’elle aime s’offrir : lotions, masques, shampooings, maquillage, vernis à ongles, breloques, carnets, crayons… « Je me suis inspirée d’Oprah Winfrey, qui adore donner ses gâteries préférées, dit-elle en s’enthousiasmant. Moi, j’aime acheter des accessoires et des produits de beauté. »

En février 2013, alors qu’elle était en recherche d’emploi, elle a mis à profit ses études en relations publiques et son expertise en gestion des médias sociaux pour réaliser son vœu le plus cher : faire un geste concret pour sa communauté. Sur sa page Facebook et son blogue La petite Haïti dans Mtl, elle lançait l’opération « Les paniers de Jessie ». Son objectif : recueillir suffisamment de dons pour en confectionner une vingtaine pour autant de filles défavorisées de 14 à 17 ans.

Photo par Maude Chauvin

Photo par Maude Chauvin

L’appel a porté fruit. Deux mois plus tard, elle livrait ses précieux colis à la Fondation du Centre jeunesse de la Montérégie. Le coup de fil de la directrice générale, Suzie Roy, l’a convaincue de continuer. « Elle m’a dit : “Plusieurs de ces filles ont été abandonnées. Elles ne reçoivent rien, ni à Noël ni à leur anniversaire. Le fait que quelqu’un ait pensé à elles leur donne le sentiment qu’elles ont une valeur.”»

Pour répéter l’exploit, Jessie s’est lancée dans la chasse aux commandites, cette fois auprès d’entreprises de cosmétiques, d’hôtels, de magazines, de boutiques de bijoux et d’éditeurs (oui, oui, un peu de lecture !). Les dons se sont multipliés, les paniers aussi. Depuis, elle en prépare pour la rentrée, le printemps, le temps des fêtes, et a étendu son « territoire » aux refuges pour femmes en détresse et leurs enfants. Ce Noël-ci marque la sixième distribution des « Paniers de Jessie ». Elle vise 100 paniers !

Elle fait tout – envoi des courriels, réception des dons, emballage, livraison – toute seule, de l’appartement qu’elle occupe avec sa mère sur la Rive-Sud, en banlieue de Montréal. À l’occasion, elle organise dans sa cuisine des « partys de cartes » pour rédiger avec des amis les mots d’encouragement qui accompagnent chacun de ses cadeaux. Par exemple : « Mon panier ne peut pas te donner tout ce dont tu as besoin, mais sache que je pense à toi. » Et elle ne signe pas.

Une fois seulement, elle a rencontré des résidantes, à l’Hébergement Maison de la Paix, à Longueuil. L’expérience l’a troublée. « La directrice m’avait invitée à déposer mes paniers dans les chambres. Des adolescentes prenaient soin de leur nouveau-né. Ouf ! Elles ont tellement de force et de courage ! »

Ce qui l’a chavirée aussi, c’est d’entendre un garçon lui dire : « Madame, avez-vous du Nutella ? J’ai tellement envie d’en manger ! » Alors elle lance un défi à tous ceux que son initiative inspire. « Tout le monde peut faire des paniers, dit-elle avec aplomb. Il suffit de solliciter des dons auprès des entreprises de sa région. » Un conseil ? Les PME québécoises sont les plus généreuses. Il faut savoir aussi se montrer reconnaissant. Ce qu’elle fait systématiquement en remerciant chacun des donateurs et en publiant sur Facebook, Instagram et Flickr des photos (fort belles !) des produits reçus.

Au moment de notre rencontre, Jessie venait tout juste de décrocher un nouveau boulot dans une grande boîte de communication. Elle croit que ses paniers y sont pour quelque chose. « J’étais un peu gênée d’en faire mention dans mon CV, mais finalement, ça l’a enrichi ! »

Comme quoi, quand on donne beaucoup, on reçoit tout autant.

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