Lâchée lousse

À qui appartient mon poil pubien?

Ça fait des millénaires que la mode s’immisce dans nos culottes. Et qu’elle nous pousse parfois à faire des choix extrêmes…

Lache_lousse

Vous faire implanter des poils pubiens, ça vous dirait ? En Corée du Sud et au Japon, c’est très tendance, paraît-il. Prix moyen de l’intervention : 2 000 $.

Ben oui. Après avoir dépensé des milliers de dollars (et souffert le martyre) pour se débarrasser de leur toison intime, des femmes se tapent le chemin inverse. Qui coûte aussi cher et fait probablement encore plus mal.

Étonnant ? Pas tant que ça. Voilà des millénaires que la mode s’immisce dans notre culotte. Et avec elle, le droit, la politique, la religion, l’art, les coutumes, alouette, comme le raconte l’auteure française Diane Ducret. Dans La chair interdite (Albin Michel), elle retrace l’histoire du sexe féminin depuis l’Antiquité. Comment on l’a perçu, vénéré, torturé, contrôlé, traité ou maltraité à travers les âges, les civilisations et les continents.

Crédit photo: Plainpicture/Pictorium

Crédit photo: Plainpicture/Pictorium

Elle en aborde tous les aspects. Dont la délicate et foisonnante question du poil, cet ennemi qu’on déteste et qu’on traque sans relâche, au prix de mille douleurs au portefeuille et ailleurs… Au fil des siècles, les femmes, rivalisant d’ingéniosité et d’imagination, se sont mitonné des crèmes dépilatoires plus efficaces (et dangereuses !) les unes que les autres. Elles ont ainsi inventé des concoctions à base d’arsenic, de gras de porc, de chaux vive ou de térébenthine…

Mais pourquoi donc ? « Le poil est une preuve de notre animalité, dit l’auteure. Il rappelle que le sexe des femmes est soumis au plaisir, au désir. Il est aussi le signe distinctif de l’âge adulte et de la maturité. Il symbolise le pouvoir et le libre arbitre. »

À la Renaissance, en France et en Italie, à la faveur d’un mouvement de libération du « sexe faible », les femmes de la bonne société prennent le contrôle de leur pilosité. L’entrejambe se fait exubérant. On se frise la toison, on la teint et on la tresse, on la pare de rubans et de pierres précieuses (présumons que ces dames ne travaillaient pas aux champs et ne prenaient pas l’autobus). Une manière de revendiquer son corps et son sexe. De faire de la « poilitique », quoi…

Dans l’Antiquité, on rasait l’entrecuisse des femmes adultères avant de les promener, nues, dans les rues. Une manière de les déposséder, de les renvoyer à leur état de petite fille.

Dans certaines sociétés arabes, l’épouse devait être épilée intégralement en tout temps, comme signe de soumission à son mari. Les nazis rasaient non seulement la tête mais aussi le pubis des prisonniers à leur arrivée dans les camps. Et on a fait de même, à la libération de 1945, avec les femmes jugées coupables d’avoir collaboré avec les Allemands.

Est-ce une raison pour ne pas s’épiler ? « Bien sûr que non, répond Diane Ducret. Mais il est bon de connaître l’histoire. Et de savoir que l’épilation intégrale, présentée ces années-ci comme le summum de la libération, vient de la porno. Réaliser tout ça permet de faire la différence entre ce que nous choisissons vraiment et ce qu’on nous impose… »

En tout cas, ma décision est prise. Pour l’implantation pubienne, je vais passer mon tour.

Pour écrire à Louise Gendron: louise.gendron@chatelaine.rogers.com

Pour réagir sur Twitter: @lou_gendron

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