« Le champagne est le seul vin qui n’enlaidit pas les femmes », prétendait la marquise de Pompadour… Je crois même qu’il nous embellit puisqu’il nous fait sourire !
Que la Champagne est belle… Des vallons à perte de vue, la coquette Épernay, Reims et sa cathédrale. Et tous ces villages où déguster du champagne. Il en existe 10 000 marques ! Parmi les producteurs, de nombreuses femmes. Elles travaillent avec passion et, avec une fierté bien légitime, s’illuminent en parlant de leurs crus et de leur coin de pays. Malgré les difficultés, elles n’ont jamais songé à vendre leur propriété, modeste maison ou grand domaine.
Elles ont de qui tenir. Avant elles, il y a eu la veuve Clicquot (oui, elle a existé), Barbe Nicole Ponsardin de son vrai nom, qui devenue veuve en 1805, à 27 ans, a pris les rênes de son domaine et l’a fait prospérer ; Louise Pommery, veuve aussi, avait construit un manoir de style Tudor pour séduire la clientèle britannique. Et, plus près de nous, Marie-Louise de Nonancourt a maintenu Laurent-Perrier à un niveau d’excellence malgré les ravages des pilleurs nazis…
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Qui sont les productrices d’aujourd’hui, qui marchent dans les pas de ces figures mythiques ? Nous vous en présentons quelques-unes.
Marie-France Baillette-Prudhomme, une histoire d’amour
Champagne Baillette-Prudhomme, Trois-Puits
Le pressoir, peint en rose, m’a fait sourire. L’histoire m’a émue. Voisins, Marie-France Baillette et Jean Prudhomme ont grandi ensemble. En 1982, ils ont littéralement uni leurs maisons en même temps que leurs destinées, faisant creuser un souterrain pour joindre les caves…
Au décès de Jean, survenu trop tôt, Marie-France Baillette-Prudhomme s’est inquiétée : saurait-elle préserver le style de la maison, qu’elle dirige maintenant avec ses filles Laureen et Justine ?
Soyez tranquille, chère Marie-France… Les arômes de framboise sauvage de votre Rosé de Saignée 100 % pinot noir, le parfum de tilleul de votre Héritage, votre délicate cuvée Memoris, tout cela assure la fidélité de votre clientèle grandissante.
Evelyne Roques-Boizel, l’élégance de la simplicité
Maison Boizel, Épernay
Dans ses caves, le temps suspend son vol. Sous un éclairage feutré y sommeillent des merveilles : l’étincelant Joyau de France, aux subtiles notes d’agrumes, la Tendre Réserve, à la robe d’or et aux saveurs de petits fruits, le Brut Rosé, qui rappelle la fraise des bois, et le Blanc de Noirs, qui fleure la pêche et la pâtisserie…
Evelyne Roques-Boizel parcourt le monde pour faire découvrir les splendides cuvées élaborées chez Boizel, connu comme négociant-manipulant. Après la mort de son père, elle a repris l’entreprise et la dirige aujourd’hui avec son homme, qui a renoncé à sa carrière d’ingénieur pour se consacrer au maintien de la maison.
La maîtresse des lieux dégage une affabilité, une ouverture d’esprit, une simplicité qui charment la visiteuse. Elle compare le champagne à « un vêtement de dentelle, aérien, très fin mais qui a du caractère », avant d’ajouter qu’il n’est ni féminin ni masculin. « On imagine trop souvent une petite chose sucrée lorsqu’on parle de vin féminin. C’est un cliché. Mais il est vrai que les femmes sont plus près de leurs souvenirs olfactifs. »
À chaque retour de l’étranger, souvent la Grande-Bretagne, où la maison Boizel est très bien implantée, elle respire ainsi, profondément, l’air de sa Champagne natale, à laquelle elle voue un attachement sincère. Réjouissons-nous, son Brut Rosé est disponible à la SAQ.
Sophie Signolle, l’audacieuse
Champagne Michel Gonet, Avize
Dans la Côte des Blancs, Sophie Signolle gère la grande maison familiale Gonet, qui a vu le jour en 1802 et qui appartient aujourd’hui à Michel Gonet, son père. Cette femme vive, dont la longue tresse blonde se balance à chacun de ses gestes, suit son intuition pour créer d’audacieux assemblages, pour décider de récolter plus tôt que ses voisins ou pour prendre, en 2010, le virage de la culture biologique. Elle se distingue par son penchant pour le « suspense » : plutôt que de répéter chaque année la même chose, elle se laisse inspirer par le côté magique des vins à composer. « Je fais un vin qui me plaît et parce qu’il me plaît, je peux le vendre. » Elle rappelle avec conviction (et j’abonde dans son sens !) que le champagne est le meilleur des antidépresseurs. Elle a ainsi des clientes âgées qui commandent des demi-bouteilles qu’elles sirotent avec des petits gâteaux. À leur place, j’hésiterais entre la superbe Cuvée Prestige 2004, au parfum de caramel et d’eau d’érable, crémeux, beurré, et l’imposant Blanc de Noirs 2009. L’agence Raisonnance (importation privée) nous permet de goûter aux crus de cette maison.
Alice Paillard, vigneronne de relève
Champagne Bruno Paillard, Reims
Alice a 30 ans. Comme la maison qu’a fondée son père, Bruno, et dont elle est directrice générale adjointe. « Nous ne sommes pas dans une logique d’héritage, tout est à créer ici », lance-t-elle avec enthousiasme.
Drapée dans sa grande cape, gracieuse comme un Modigliani, elle cadre à merveille dans cet univers de verre, de bois et d’inox où dominent les tableaux d’art moderne que collectionne son père.
Ce dernier n’a jamais eu peur de la différence. Et sa fille est une complice avertie qui voit clair dans ce monde d’hommes « où souvent, parce que vous êtes une femme, on vous confie automatiquement les communications et le marketing ». Elle n’a rien contre ces responsabilités mais tient à une vision globale des choses : elle rêve de développer la maison Paillard dans de nouveaux pays (elle est déjà présente dans 32)… tout en jonglant avec l’équilibre travail-famille ! (Les champagnes Bruno Paillard sont disponibles à la SAQ.)
Martine Pierson Loriot, la Champenoise d’adoption
Champagne Michel Loriot, Festigny
Ici, dans les caves, Mozart et Vivaldi bercent les bouteilles ! « Il semble que la musique agit sur la structure des protéines de levure », explique Martine Pierson. Voilà 34 ans qu’elle a quitté sa Lorraine natale pour adopter la Champagne. Et pour épouser Michel Loriot, le producteur indépendant qui a eu cette idée peu banale de concert pour grands crus…
Il a peut-être bien raison. En tout cas, j’y crois quand je goûte les délectables cuvées de la maison qui existe depuis plus de 100 ans. La Cuvée Authentique, 100 % pinot meunier au divin parfum de muscat, le Rosé Brut, fruit de trois assemblages, d’une étonnante vivacité, ou le Blanc de Blancs millésimé, d’une fraîcheur envoûtante. Sans oublier la splendide Cuvée Marie-Léopold.
Arriver à ce degré d’excellence est exigeant et laisse peu de loisirs à Martine et Michel. « Quand nous avons du temps, il est consacré à la famille, aux enfants, aux petits-enfants. » Souhaitons que ceux-ci aient envie de poursuivre l’œuvre de leurs parents et qu’ils aient la même ferveur qu’une arrière-arrière-grand-mère qui a exigé d’être enterrée face à sa vigne ! On peut s’initier à ces vins grâce à Sélection Caviste (importation privée).
Les coups de cœur de Chrystine à Reims
Virée shopping gourmand
Maison Fossier Biscuiterie célèbre pour ses fameux biscuits roses, si girly, et les nombreuses moutardes de la maison Clovis. 25 cours Langlet, Reims, fossier.fr
La Petite Friande Chocolatier, pour les bulles en chocolat fourrées à la liqueur de champagne. 15 cours Langlet, Reims, la-petite-friande.com
L’Atelier d’Eric Où les pâtisseries sont si jolies qu’on hésite quelques secondes avant de les savourer. 32 rue de Mars, Reims, justacote.com/reims
Pour un lunch sympa
Le Café du Palais Décor des années 1930, vitrail Belle Époque, longues banquettes… Et le service si sympa qui incite à prendre son temps pour savourer les tagliatelles aux escargots et aux morilles ou la formule champenoise (jambon de Reims, fromages locaux, verre de champagne et dessert pour 34 euros). 14 Place Myron Herrick, Reims, cafedupalais.fr
Les Berceaux, Bistrot le 7 Pour un dîner très vieille France. Il faut goûter l’œuf poché au champagne, présenté sur une salade au vinaigre de champagne, coiffé d’une émulsion crémeuse qui s’accorde divinement au champagne Agrapart, les 7 Crus, aux notes d’amande irrésistibles. 13 rue des Berceaux, Épernay, lesberceaux.com
… ou plus chic
Les Crayères Un des fleurons des Relais et Châteaux, inabordable le soir mais accessible le midi… Dans un cadre majestueux, Philippe Mille, le chef, officie avec un talent éblouissant. Foie gras poché dans un bortsch – le meilleur de ma vie ! –, renversant cabillaud en écrin de champignons secs, soufflé chaud au chocolat Guanaja. La perfection existe ! 64 boul. Henry-Vasnier, Reims, lescrayeres.com
Le soir
La Table Kobus Je m’y suis délectée d’une tartine de haddock fumé et saucisse de Montbéliard, d’un faisan farci accompagné d’une tatin au potiron, d’un Langres, l’intense fromage du coin, et d’un moelleux au chocolat. 3 rue Docteur Rousseau, Épernay, la-table-kobus.fr
Au Conti Pour étirer une soirée intime, un resto sis dans un immeuble datant de 1862. J’y ai mangé un succulent velouté de potimarron à la cardamome et une aile de raie au beurre noisette. 93 place Drouet d’Erlon, Reims, grandhotelcontinental.com
Merci à Air Transat, à Atout France et au Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), qui ont permis la réalisation de ce reportage.
La bible du champagne
Pour tout savoir sur cet élixir ?
Le Guide des champagnes et des autres bulles, de Guénaël Revel (Modus Vivendi) : élaboration, maisons à travers le monde, notes de dégustation, tout y est !
460 pages