Entrevues

Louis Morrissette et son ByeBye

Voilà quatre mois que Louis Morissette y travaille.

Photo: Julien Faugère

Voilà quatre mois que Louis Morissette travaille au Bye Bye. On l’a sorti de son bureau pour une heure de jasette. Il nous a parlé de la société québécoise, de l’expérience, du maquillage… et de papillons dans l’estomac.

C’est votre quatrième Bye Bye… Le public devrait-il s’inquiéter ? Y aurait-il de la corruption là-dessous ? Le contrat ne devrait-il pas aller au plus bas soumissionnaire ?
Je pense que c’est ce qui s’est passé ! Avec les compressions à Radio-Canada, on ne pouvait pas soumissionner à la hausse, c’est clair… Sérieusement, j’ai hésité. Je reviens pour un dernier. Avant de prendre une pause, du moins. Il faut laisser la place à d’autres qui auront un point de vue différent. Il faut laisser l’actualité se renouveler.

Il y a eu Tremblay et Vaillancourt, Léo, Justin Trudeau, l’échangeur Turcot, la commission Charbonneau, la ministre ­Normandeau, nos amis Zambito et Accurso. Le Bye Bye pourrait presque durer trois heures cette année…
C’est vrai que l’actualité est très riche. Sauf qu’on tourne beaucoup autour des mêmes thèmes. L’idéal est d’avoir un certain équilibre entre le politique et le divertissement. Mais cette année, le show-business a été beaucoup plus tranquille et la sphère politique, très active. Donc, n’en déplaise à ceux qui aiment moins, le show va être pas mal politique. Je ne me plains pas ; les politiciens nous ont fourni des outils le fun.

Deux millions de personnes devant leur télé en plein party du jour de l’An… À votre connaissance, cette tradition-là existe-t-elle ailleurs ?
Pas que je sache. C’est une bizarre d’affaire. Avoir à créer un concept, jamais je n’irais proposer à un diffuseur une revue de l’année le 31 à 23 heures ! Les gens sont debout, ça parle, il y a toujours une matante qui a trop bu, un enfant qui veut jouer avec sa bébelle et quelqu’un qui se pointe dans le salon à 23 ­heures 22 pour demander : « Pis, c’est-tu bon ? » et qui se fait répondre : « Pas fort cette année ».

Rire de nous-mêmes tous au même moment… Est-ce que cette tradition joue un rôle dans notre société ?
Nous avons déjà fait certains sketchs dont je pensais qu’ils pourraient provoquer un éveil ou une discussion. Je pense à Tintin et le Plan Nord, du Bye Bye de l’an dernier, qui pour moi était un grand sketch. Mais le soir même, j’étais dans un party et j’ai réalisé que non. Les Chinois et les Américains qui viennent chercher nos ressources naturelles ? De quoi tu parles ? Le boulot d’une émission comme celle-là, c’est de faire rire et de rassembler. Ça ne brasse rien, ça ne joue aucun rôle, ça n’a aucun impact. Malheureusement. À minuit et demi, c’était drôle ou pas drôle, point à la ligne.

Le mot de l’année est certainement corruption. Comment ajouter quelque chose au feeling profond du Québécois moyen qui apprend à quel point il se fait plumer depuis des lustres ?
D’abord, comment le décoder, le « feeling profond du Québécois moyen » ? Pensez au printemps érable : les Québécois se sont tellement levés… qu’on est passés à un cheveu de réélire Jean Charest au mois de septembre. Quand j’écris, je dois faire le ménage entre ma pensée personnelle et ce que mon peuple veut retenir. Au printemps, on avait l’impression que tout le monde était dans la rue, mais la vérité, c’est que les deux tiers des gens appuyaient la hausse des droits de scolarité. Un sketch pro-carrés rouges, même très drôle, ne passera pas auprès d’une bonne partie du public. Il faut en donner un petit peu à tout le monde.

Pendant la période d’écriture, consultez-vous beaucoup ?
On travaille en équipe. Un texte auquel je travaille va aller à tous les auteurs, qui vont y ajouter leur grain de sel. Et vice versa. Mais on ne consulte pas beaucoup à l’extérieur du cercle d’auteurs. Parce que chacun a son opinion et que ça finit par être juste mêlant. Alors, on s’en tient à Alain Chicoine, le réalisateur-coordonnateur, Louise Richer et moi. Même avec les comédiens, je ne négocie pas : leur boulot est de jouer le texte qu’ils reçoivent et voilà. Parce que nous, les auteurs, on a réfléchi longuement, on sait pourquoi on veut dire ça. Si on se mettait à tout négocier, ça ne finirait plus.

Le plus grand stress ?
Le montage. Tant que tu écris, que tu tournes, tu peux toujours améliorer, couper, réécrire, « repuncher ». Après le tournage, c’est trop tard… Si tu t’es trompé, tu angoisses et tu t’en veux. Tu montes, tu remontes, tu coupes un quart de seconde, tu en rajoutes une demie… Pour les deux dernières éditions, j’ai organisé un focus group vers le 20 décembre. Ça me fait beaucoup de bien de voir réagir des gens du public. Ça permet de voir ce qui fonctionne et d’arranger ce qui va moins. Mais arrive un point où tu n’as plus de jugement, où tu te demandes si c’est drôle. Et là, tu as mal au ventre. Disons que, du 20 au 31 décembre, je ne suis pas la personne la plus agréable du monde…

Et si un événement majeur se produit le 20 décembre ?
Je me garde toujours une journée de tournage au cas où. En 2003, Saddam Hussein a été capturé le 20 décembre… On a dû retourner en studio le 22 ou le 23.

Quatre Bye Bye : l’expérience, ça donne quelque chose ?
À mes débuts, ceux qui me parlaient d’expérience me tapaient sur les nerfs. Maintenant, je suis conscient de sa valeur. Peut-être parce que j’ai gagné la mienne à coups de bravos et de tapes sur la tête… Mais avec l’expérience vient le danger de devenir frileux, de tomber dans la formule. J’essaie de rester sur la ligne entre l’expertise, la connaissance des risques et la nécessité de pousser. Il faut que ça brasse, que tu décoiffes le plus possible.

Qui décide qui va faire Pauline Marois ou Léo Bureau-Blouin ?
On fait des lectures, des essais. Et au final je décide, même si Stéphane Tessier, le gars des prothèses, a son gros mot à dire. Arrive un moment où il va me prévenir : « Arrange ça comme tu veux, mais Michel Courtemanche ne peut pas faire Amir Khadir. Il a la face trop ronde, ça ne fonctionnera jamais. » La première année, Hélène Bourgeois Leclerc devait faire Céline Dion. Mais j’ai demandé à Joël Legendre de l’essayer et le résultat était plus rigolo. Alors, on y est allés avec Joël.

L’auteur pense-t-il aux difficultés de tourner ce qu’il écrit ?
Pas trop, parce que c’est la meilleure façon de tuer la créativité. Il n’y a rien de pire pour un auteur que de se faire dire que sa super-idée va coûter trop cher. Donc, on écrit d’abord et on fait des choix après. Il faut faire des deuils, regrouper les choses, chercher des façons de faire.

Le plus difficile : parodier ses amis ou ses ennemis ?
Dans tous les cas, je m’assure que, si je croise la personne le 2 janvier, je vais être capable d’assumer chaque ligne. Si quelqu’un que j’aime beaucoup (Mahée Paiement, par exemple) fait l’actualité, je vais en parler mais je vais peut-être la prévenir. « Mahée, tu vas être dans le Bye Bye. Si t’as envie d’aller faire une marche à cette heure-là… »

À la limite, c’est plus difficile avec les gens qui ne nous aiment pas. Si je le fais pour me faire plaisir, ça va être cheap. Il faut que le propos soit clair, que la moitié du Québec soit derrière moi. Et puis que les avocats – les miens et ceux de Radio-Canada – l’aient lu.

Cela dit, je n’en peux plus d’entendre un mot à la mode – intimidation – utilisé à toutes les sauces. On ne peut plus rire de personne… On mélange les pommes (quelqu’un qui agresse un enfant dans une cour d’école) et la confiture de betteraves (un humoriste qui fait un gag en spectacle). On peut dire que tous les politiciens sont voleurs, mais pas qu’un artiste a un gros nez. Je ne comprends plus. Il y a des gens qui n’ont juste pas le sens de l’humour.

Le 31 décembre à 23 heures, vous êtes où, vous faites quoi ?
Au chalet en famille. Le chalet a deux étages. La parenté regarde le Bye Bye en bas. Moi, je suis en haut, tout seul avec mes papillons plein l’estomac. Je ne veux pas être avec eux. Si un gag passe dans le beurre, je ne veux pas voir leurs faces et je ne veux pas qu’ils voient la mienne. Alors, je reste en haut et j’écoute leurs réactions en surveillant ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Mon party commence après.

Les dessous du Bye Bye

Le temps
« On sait depuis mars ou avril qu’on va faire le Bye Bye. Alors, bien sûr, on y pense un peu toute l’année. Mais le vrai travail se fait sur environ quatre mois. On commence à rédiger en septembre (on écrit trois ou quatre fois plus de matériel que ce qu’on va garder) et on tourne à partir de la fin novembre. Et novembre et décembre, c’est du temps plus que plein. »

Les gens
« Une soixantaine de personnes travaillent à cette émission. C’est un gros bateau. Et quand, comme en 2008, il coule à cause d’erreurs que tu as faites, c’est très difficile. Je me suis senti très coupable. »

Les métamorphoses
Les prothèses, le maquillage, la perruque… il faut trois heures et demie pour transformer Louis Morissette en Jean Charest. Quatre heures pour Lucien Bouchard. Et une heure et demie de démaquillage après le tournage. « Jean Charest, l’an dernier, on l’a fait trois fois ! Les jours qui précèdent, il faut bien manger, bien dormir et, surtout, ne pas boire d’alcool. Sinon, tu te mets à suer et tout décolle ! »

Le tournage
« Un sketch simple, sans transformation physique, peut demander moins d’une heure. Mais d’autres prennent une éternité. Il a fallu 14 heures pour tourner les 42 secondes du sketch Délugeland l’an dernier. »

Cette année, il n’y aura pas…
… de saut en parachute à 36 km d’altitude. « C’est la faute de Guillaume Lemay-Thivierge : on le lui a proposé, mais il refuse d’aller plus haut que 15 000 pieds ! Il est vraiment chicken. »

Mais il y aura certainement…
… du hockey. Françoise David. La juge Charbonneau.

La grande hésitation
« Parlera-t-on du mariage de Louis Morissette et Véronique Cloutier ? En a-t-on entendu parler au point où c’est un incontournable et ne pas le faire reviendrait à se protéger ? Ou ce serait s’accorder une importance démesurée ? On n’a pas encore décidé. »

Ne viendront pas faire un tour en personne
Julie Snyder et Jean Charest.

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