Société

Maman à toute épreuve: Ervisa Xhelilaj

Des revers, on en connaît toutes. Mais certains sont au-dessus de nos forces – du moins, c’est ce que l’on croit. Ervisa Xhelilaj raconte comment elle a défié l’adversité et en est ressortie plus forte.

Maman de Andy, 2 ans, et Jenny, 6 ans, mariée, 29 ans, employée dans un atelier de menuiserie. Vit à Montréal. | Photo: Maude Chauvin

La petite histoire Quand Ervisa est arrivée au Québec avec sa fille, il y a trois ans, le froid et la neige glaçaient les routes. Mais elle s’en fichait. Tout ce qu’elle voulait, c’était sauver sa peau et celle de Jenny. Avec son mari, Luftar, débarqué au pays huit mois plus tôt, elle tirait un trait définitif sur l’Albanie. Prête à tourner la page d’un chapitre sombre de sa vie.

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Le coup dur La date du 11 décembre 2012 restera à jamais gravée dans sa mémoire. À la tombée de la nuit, deux hommes surgissent dans la cour de sa maison située dans la région de Mallakastër, où elle joue avec Jenny. L’un d’eux attrape la petite, tandis que l’autre se jette sur la jeune femme pour la violer sauvagement. Après leur départ, Ervisa s’effondre. « En rentrant, j’ai pris une douche, raconte-t-elle en baissant la voix. Un homme cherchait à se venger de mon mari et de mon beau-frère [NDLR : une histoire de crime d’honneur] ». Ne les trouvant nulle part (les deux avaient déjà émigré au Canada), il s’en est pris à Ervisa. Une semaine plus tard, encore ébranlée, elle s’enfuit avec sa fille en taxi jusqu’en Grèce, à sept heures de route, où une tante l’attend. Elle y restera plus d’un mois, le temps d’obtenir les passeports. Après une escale de 25 jours à New York, elle se pose enfin au pays.

La bouée de sauvetage Alors qu’elle attend un deuxième enfant, Ervisa se promène dans Parc-Extension, son quartier d’adoption, quand des poussettes à l’entrée d’un duplex attirent son attention. Elle pousse la porte de la Maison Bleue, qui offre des services aux femmes enceintes en situation de vulnérabilité.

La jeune femme trouve là des soins et du réconfort. L’art-thérapie lui permet d’évacuer ses mauvais souvenirs. Et de vivre avec sérénité l’arrivée de son fils. Sa fille Jenny cesse de sangloter la nuit et se remet à manger. Encore aujourd’hui, Ervisa va régulièrement à la Maison Bleue. « Tout le monde est gentil avec moi et m’aide avec les enfants. C’est comme une famille », dit-elle dans un français sommaire, appris dans des cours de francisation.

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Coup de gueule « Ce n’est pas facile d’immigrer ici ! » Ervisa se montre contrariée, elle qui voit toujours le bon côté des choses. Il y a de quoi : par deux fois, sa demande d’asile a été refusée. « La juge a été très dure, elle me disait de retourner vivre en Albanie dans un autre village », s’indigne-t-elle en montrant sur une carte l’État exigu d’Europe du Sud. Déboutée en appel, elle dépose une demande pour motifs d’ordre humanitaire. Elle doit payer des frais d’avocat et démontrer que son expulsion perturberait la vie de ses enfants – Andy est à la garderie et Jenny à la maternelle. Prouver qu’elle est une bonne citoyenne et qu’elle a un emploi.

Petites victoires Le long processus a porté ses fruits : le 8 décembre dernier, Ervisa obtenait sa résidence permanente. Elle souhaite maintenant reprendre des cours de français et suivre une nouvelle formation professionnelle.

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La Maison Bleue : services publics et gratuits, de la grossesse à la parentalité, Parc-Extension et Côte-des-Neiges.

Réseau d’intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée (RIVO) : soutien psychologique aux nouveaux arrivants – réfugiés et demandeurs d’asile – ayant subi de la violence à l’étranger.

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