Si, comme bon nombre de Québécois, vous croyez qu’après avoir vécu 10, 20 ou 30 ans avec votre conjoint de fait, vous aurez les mêmes droits que si vous étiez mariée et que vous hériterez automatiquement de ses biens (et vice-versa), détrompez-vous. Seuls le mariage et l’union civile feront de vous des gens mariés.
Votre conjoint de fait n’est pas votre héritier légal…
Si vous êtes mariée ou unie civilement, votre conjoint devient un de vos héritiers légaux. Ainsi, en vertu des dispositions du Code civil du Québec, si vous décédez sans testament, il héritera de vos biens conjointement avec vos autres héritiers légaux (enfants ou famille directe), et ce, en plus d’avoir droit aux valeurs découlant du partage du patrimoine familial et du régime matrimonial.
Mais ce ne sera pas le cas si vous vivez en union de fait. Si votre conjoint décède sans testament et que, par exemple, vous étiez copropriétaire de la maison, vous n’hériterez pas automatiquement de sa moitié, qui reviendra, dans ces conditions, à ses héritiers légaux. Et, dans certains cas, vous pourriez n’hériter que de sa part d’hypothèque…
Et vos enfants?
Que vous viviez en union libre ou que vous soyez mariée, vos enfants ont les mêmes droits, devant toutes les lois, que ceux de couples mariés. Ils sont donc au nombre de vos héritiers légaux si vous décédez sans testament. Et les enfants que vous avez eus d’une union antérieure également. Cela dit, faire un testament reste tout de même la meilleure option.
Conjoints de fait et droits sociaux
Si le Code civil ne reconnaît pas de droits aux conjoints de fait, plus de 25 lois sociales québécoises, comme la Loi sur le régime de rentes du Québec (RRQ), et plus d’une soixantaine de lois fédérales, comme la loi régissant la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV), contiennent une définition du conjoint de fait qui peut varier. Elles leur reconnaissent des droits et des obligations. La même chose du côté d’organismes privés, comme les fonds de pension des employeurs. Résultat : à titre de conjointe de fait, vous aurez sans doute droit à la rente de conjoint survivant en vertu de ces programmes. Ne tenez rien pour acquis, cependant, et informez-vous de façon à pouvoir planifier votre retraite et votre succession, puis connaître vos droits si votre conjoint décède.
Le testament… une protection et une garantie
Si vous souhaitez que votre conjoint de fait hérite de certains de vos biens, vous devrez donc le prévoir par testament. Celui-ci assure une protection pour les héritiers que vous désignez et vous garantit que vos biens seront transmis selon vos volontés.
Bien qu’il existe deux autres formes de testaments (olographe et « devant témoins »), il est fortement recommandé de faire un testament dit notarié. Rédigé par un professionnel (notaire ou avocat), ce testament sera conservé au Registre des dispositions testamentaires et des mandats de la Chambre des notaires. Vos héritiers pourront ainsi le retrouver facilement, et vous aurez la certitude qu’il sera écrit en termes clairs.
De cette façon, vous pourrez déterminer avec précision les biens que vous souhaitez léguer à votre conjoint, vos enfants ou d’autres proches.
Qui dit nouvelle union dit nouveau testament
Si vous avez rédigé un testament avant de vivre avec votre nouveau conjoint de fait, mieux vaut le refaire. Les scénarios de vie familiale sont parfois complexes. Votre conjoint a-t-il été marié? Est-il divorcé? Et vous? Avez-vous chacun des enfants d’une autre union? En avez-vous ensemble? Ces enfants sont-ils mineurs? La maison que vous habitez appartient-elle à l’un d’entre vous ou bien l’avez-vous acquise ensemble? Tout changement d’état civil ou de situation familiale a des incidences sur vos dispositions successorales.
Un notaire ou un avocat pourra vous aider à refaire ou modifier votre testament en tenant compte de tous ces paramètres. Si vous vivez avec un nouveau conjoint de fait depuis plus d’un an, il serait aussi sage de modifier les bénéficiaires de vos polices d’assurance-vie, si le nom de votre ex y figure toujours…
Régler le passé
Vous avez été mariée avant de vivre avec votre conjoint actuel? Si vous êtes uniquement séparée et n’avez pas obtenu un jugement de divorce, sachez que votre ex-époux a toujours des droits, notamment en vertu de la Loi sur le patrimoine familial et des dispositions du régime matrimonial sous lequel vous étiez mariés, et conserve également ses droits d’héritier légal de votre succession si vous n’avez pas de testament ou peut-être en vertu d’un testament que vous avez fait à l’époque de votre mariage. Il pourrait aussi toucher des rentes destinées au conjoint survivant et priver votre actuel conjoint de ces avantages.
Un jugement de divorce met fin aux droits et obligations mutuels des époux. Mieux vaut donc régler votre passé si vous souhaitez disposer de vos biens à votre convenance.
La fiducie testamentaire : pour protéger votre conjoint
Vous avez acquis des biens, un chalet, par exemple, que vous voulez léguer à vos enfants nés d’une union précédente (ou actuelle), mais souhaitez que votre conjoint de fait puisse en bénéficier jusqu’à ce qu’il refasse sa vie ou décède? Vous pouvez alors inclure une fiducie au bénéfice du conjoint et la nomination d’un fiduciaire dans votre testament. Votre conjoint pourra ainsi habiter le chalet, mais à son décès, ce bien sera remis à vos enfants. Ceux-ci ne seront donc pas privés de leur héritage, puisque votre conjoint ne pourra vendre ni léguer ce bien qui vous appartenait. La fiducie prévoira des clauses pour le paiement des frais liés à ce bien.
Contribuer au REER de son conjoint de fait
Pour profiter des avantages fiscaux et assurer une meilleure planification de retraite, beaucoup de Québécois contribuent au REER de leur conjoint. Pour les gens mariés, cette disposition ne comporte pas de risques importants, lors d’un divorce, puisqu’en vertu de la Loi sur le patrimoine familial, les valeurs accumulées dans des fonds de pension privés ou publics ou dans des REER sont partagées également entre les deux époux. Par ailleurs, dans le cas d’un décès, les fonds accumulés vont dans la succession du conjoint.
Le scénario est différent pour les conjoints de fait. Sachez que si vous contribuez au REER de votre conjoint, au moment de son décès, vous n’aurez pas droit à ce partage, à moins que cela ne soit spécifié par testament ou dans une entente écrite. Informez-vous également des incidences fiscales de ce décaissement.
Par ailleurs, sachez que si vous contribuez au REER de votre conjoint de fait, vous devriez prévoir une entente écrite spécifiant les paramètres de son décaissement, en cas de séparation. Car notez que si vous vous séparez et que votre conjoint retire les sommes de ce REER avant le troisième 31 décembre suivant la cotisation, c’est vous qui serez tenue de payer l’impôt!
Nous remercions Me Marie-Annick Walsh, présidente de l’Association des avocats et avocates en droit familial, pour sa précieuse collaboration.
À consulter
Chambre des notaires du Québec
Barreau du Québec
Association des avocats et avocates en droit familial du Québec