Psychologie

Pink boys : ces garçons qui aiment le rose

Fiston adore la couleur rose, les fleurs et jouer à la cuisinière. C’est tout à fait normal, disent les experts.

Photo : Istockphoto

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Judes a un garçon de 7 ans qui raffole du tricot. Le fils d’Annie, âgé de 6 ans, aime faire semblant de se maquiller en utilisant les pinceaux et les petits pots de sa mère. Le plus jeune d’Émilie a 2 ans et porte fièrement ses chandails ornés de brillants, de chatons et de papillons… Un héritage vestimentaire de sa sœur aînée.

Ces garçons sont-ils « différents »? « Il y a plein d’enfants qui ont un intérêt marqué pour les choses de l’autre genre », dit Annie Pullen Sansfaçon, professeure à l’École de service social de l’Université de Montréal. Elle cite une recherche récente qui établit que de 3 à 12 % des enfants sont « créatifs dans le genre » (ce qui signifie que l’enfant a un intérêt vers des choses que l’on considère comme appartenant à l’autre genre : poupées, ballet, maquillage, etc.). Dans le cas des fillettes, cela semble plus facilement accepté. « Les parents d’une petite fille qui joue au hockey vont être fiers, mais ceux d’un garçon qui fait du patinage artistique vont trouver ça bizarre », rapporte Michel Dorais, sociologue et professeur à l’Université Laval.

Il faut dire que dès la naissance, le conformisme social est grand. Pour mesurer sa force, présentez votre bébé fille en petit pyjama bleu à la parenté… Soyez prêts à encaisser les réactions! « Nous arrivons peu à peu à l’égalité des sexes, mais pour ce qui est de l’égalité des genres, nous avons beaucoup de chemin à faire », souligne M. Dorais. Le marketing de la petite enfance est puissant : les jouets sont classés selon le genre dans les grands magasins. Une blogueuse américaine a d’ailleurs fait grand bruit, l’an dernier, en remettant en question cette démarche.

Une fillette qui joue aux petites voitures et aux dinosaures ne suscitera aucun commentaire. Mais un garçon qui enfile un tutu pour faire des cabrioles fera sans doute sourciller. Enfermons-nous nos garçons dans un genre spécifique? « Oui! », s’exclame Françoise Susset, psychologue et psychothérapeute conjugale et familiale. Selon elle, les exigences envers l’identité de nos garçons sont démesurées. « Un vrai gars est sportif et bagarreur. À l’école, il fait le clown. C’est fif d’être un bon élève ou d’aimer les arts », ironise-t-elle.

Le mot est lâché : fif. Fifi. Tapette. Tous les parents de garçons plus « ouverts » se posent la question : mon fils sera-t-il gai? Il n’y pas de réponse simple à cette question, selon les experts interrogés. Cela dépend si le garçon a tendance à être « créatif au niveau du genre » ou s’il a un « trouble du genre ». Un trouble du genre peut engendrer un comportement transgenre chez l’enfant, explique Florence Marcil-Denault, psychologue clinicienne auprès des enfants, des adolescents et de leur famille. Par exemple, un garçon voudra porter une robe pour aller à l’école et refusera d’aller à la salle de bain destinée aux garçons. « Dans le cas des enfants qui ont un trouble du genre, 75 % d’entre eux vont basculer vers l’homosexualité », dit-elle.

L’impact pour les garçons est immense, selon une étude conduite par Michel Dorais : 75 % des enfants non conformes au niveau du genre seront victimes d’intimation à l’école primaire et secondaire. Les tentatives de suicide sont 20 fois plus élevées dans ce groupe. « Il y a beaucoup de souffrance et beaucoup de détresse », laisse tomber le chercheur.

La solution? Remettre en question notre façon d’éduquer nos enfants, croit Mme Marcil-Denault. « L’erreur, c’est de rester sur le pilote automatique, affirme-t-elle. Les parents doivent se poser des questions quant au choix des jouets, des marques, des couleurs. » Elle recommande, par exemple, d’évaluer la diversité des jouets et des jeux de nos enfants : emprisonne-t-on nos fillettes dans des jeux de princesses, nos petits garçons, dans des jeux de cowboys? De son côté, Michel Dorais propose que l’école s’en mêle davantage. « L’école est faite pour apprendre la vie citoyenne, dit-il. Il faut être bien avec soi pour être bien avec les autres, ça va ensemble. »

Pour Françoise Susset, il est essentiel que les préjugés tombent : elle craint qu’en brimant nos garçons, notre société perde des individus de grande valeur. « On doit laisser notre petit garçon s’épanouir librement. Sinon, on risque d’écraser quelque chose en lui. Et s’il était le prochain Pavarotti, Calvin Klein ou Elvis Stojko? »

Pour aller plus loin (liens en anglais) :
Un article du New York Times, où il est question des pink boys.
Le livre Far From the Tree, au sujet de l’ostracisme vécu par des enfants qui « sortent de l’ordinaire ».
Le site Role Reboot, qui explore les rôles traditionnels des femmes et des hommes.

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