Ma parole!

Comme une envie de cataclysme

Les souhaits de Geneviève Pettersen pour 2017.

Ma_parole

Janvier, c’est le mois de la météo extrême et des phénomènes étranges. Bourrasques de neige, vague de froid intense, tempête hivernale et pluie verglaçante sont souvent de la partie. Il y a même eu du tonnerre et des éclairs, une fois. Ne vous inquiétez pas. Je ne me suis pas transformée en miss Météo. C’est juste qu’en revenant de l’épicerie, hier, j’ai repensé à la crise du verglas de 1998.

Je n’habitais pas à Montréal dans ce temps-là, alors j’assistais au désastre en direct à la télévision. Je regardais les arbres s’abattre sur la ville. On aurait dit de grands fantômes gelés. La métropole était plongée dans le noir. Et ses habitants, sans électricité depuis des jours, se réfugiaient dans des abris de fortune érigés par les autorités. Au Téléjournal de 22 h, on voyait des familles entières couchées à même le sol des gymnases des écoles. Je me rappelle avoir prié très fort pour que le verglas ne traverse pas le parc des Laurentides.

Bare trees in snow

Photo: Katja Kircher/Getty Images

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Il me vient à l’esprit une scène chaque fois qu’une région est touchée par un drame météo ou une catastrophe naturelle. Je pense à la dame qui a appelé chez nous quelques secondes après le grand tremblement de terre du Saguenay, le 25 novembre 1988. Ma mère était sortie d’en dessous de la table pour aller répondre. « Ça doit être ma sœur », avait-elle dit. Mon père et moi l’avions regardée se rendre jusqu’au téléphone en essayant d’éviter de marcher sur les vestiges de notre porte-patio, qui avait éclaté en mille morceaux pendant les quelques instants qu’avait duré la secousse. « Vous faites erreur de numéro », l’avait-on entendue dire. Mais elle n’avait pas raccroché. Elle n’avait pas raccroché parce que la femme à l’autre bout du fil ne voulait rien savoir de couper court à la conversation. Au bout de 10 minutes environ, juste après avoir reposé le combiné, ma mère nous avait regardés. « Je pouvais pas la laisser de même. Elle avait tellement peur. » La dame avait composé le mauvais numéro, mais elle était tellement bouleversée par ce qu’elle venait de vivre qu’elle voulait que maman lui parle pareil.

Je suis certaine que, pendant le verglas de 1998, il y a des madames qui ont appelé d’autres madames pour se faire rassurer. Bon, peut-être pas, mais il me semble avoir été témoin de plusieurs gestes d’entraide spontanés entre inconnus. Quand ça va mal, on se serre les coudes. La preuve : la quantité de reportages qui montraient monsieur Untel qui avait prêté une génératrice à ses sixièmes voisins parce qu’il en possédait deux. On a vu des gens héberger des inconnus dans leur sous-sol de banlieue. Des mères de famille se sont mises à nourrir des rues entières parce qu’elles, elles avaient un poêle à bois. Partout, le monde s’organisait. On avait oublié, l’espace d’un drame, les petites chicanes de clocher et les classes sociales. On avait arrêté de se regarder le nombril.

L’écrivain français Joseph Sanial-Dubay a écrit que l’adversité est la forge où se trempe le cœur de l’homme, et d’où il sort plus propre à l’usage de la vie. À l’aube de cette nouvelle année, je ne nous souhaite pas de malheur, entendons-nous. Mais je nous souhaite d’être capables de nous aimer un peu plus entre nous sans que mère Nature ait besoin de nous remettre à notre place.

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Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

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