« Le sexisme se loge non seulement dans les insultes, mais aussi dans les mots courants qu’on emploie sans y penser – même lorsqu’on est (pro)féministe », écrivent d’entrée de jeu Suzanne Zaccour et Michaël Lessard dans le Dictionnaire critique du sexisme linguistique (Somme toute, 2017).
L’objectif de cet ouvrage: interroger, décrier, pulvériser royalement ces expressions nocives qui perpétuent les stéréotypes. Une trentaine de féministes québécoises de tous horizons, qui n’ont pas la langue dans leur poche, nous incitent à tourner la nôtre sept fois avant de parler.
Extraits.
Déprécier les capacités cognitives des femmes a servi de tout temps à légitimer leur rôle sexué limité à la sphère privée. Au début du XXe siècle, le dénigrement de notre intelligence se pose en justification rêvée pour éviter de nous accorder des droits, dont celui de voter.
Dans notre culture, les manifestations d’un appétit féminin sans entraves sont si rares qu’elles pourraient passer pour des gestes révolutionnaires. Manifestement, l’ordre de l’appétit masculin tout puissant reste à renverser.
Je me retrouve «indisposée» parce que, la plupart du temps, en tant que femme, je serais disposée (notons la forme grammaticale passive) à faire ce que l’on veut de moi. Cet euphémisme, l’indisposition, dissimule ce vers quoi il pointe: le tabou des menstruations, tenace dans notre pensée et dans notre société.
Taire la parole des femmes, leur imposer le silence, c’est ce à quoi les sociétés patriarcales se sont employées, de tout temps, par mille et un moyens. Ridiculiser leur prise de parole en est un.
Le problème, au fond, c’est que les femmes doivent être jouissives plus qu’elles ne doivent être jouissantes, satisfaisantes plus que satisfaites.
Elles sont responsables. Tyranniques ou surprotectrices. Névrosées ou trop aimantes. Elles sont toujours fautives, coupables. Si les rois du monde ont pour ancêtres des pères de renom, les hors-la-loi n’ont jamais que de mauvaises mères.
Dans plusieurs domaines, on continue – bien inconsciemment – d’appeler les femmes des filles dans des situations où leurs homologues sont tout simplement appelés des «hommes».
La criminalisation de l’avortement et la réduction de son accessibilité n’ont rien à voir avec la préservation de la vie – et surtout pas celle des femmes.
Si le féminisme était doux, gentil, obéissant, raisonnable, modéré, réservé et qui-ne-fait-pas-de-vague, qu’aurait-il à voir avec son objectif premier qui est de mettre l’égalité au cœur des rapports entre les genres?
Si le genre masculin a été pris pour le genre par défaut, c’est bien parce que, hors de l’espace symbolique du langage, les hommes ont été dominants matériellement et politiquement.
Le voile des femmes musulmanes est un parfait épouvantail. Il permet de minimiser le sexisme, la misogynie et le patriarcat de «chez nous». Il donne bonne conscience et déplace le problème ailleurs que dans notre cour.
L’image des femmes autochtones ne devrait tout simplement pas être réduite à ces catégories opposées et stéréotypées: la sauvagesse ou la kawish, l’objet sexuel ou la victime, la «bonne Autochtone» ou «la mauvaise Autochtone».
Le travail ménager entretient un rapport ambigu avec le système capitaliste. Si le capitalisme industriel consacre la séparation des sphères privée et publique, le travail ménager s’en retrouve invisibilisé, mais non moins indispensable à l’entretien de la vie humaine.
La syntaxe usuelle veut en effet que les hommes prennent (le corps, le sexe féminin) et que les femmes perdent (leur virginité, voire leur honneur). Ce que l’un gagne en virilité et en puissance, l’autre le perd en autonomie.
En somme, être femme, socialement, c’est essentiellement être délicate. Les femmes réelles, incarnées dans leur corporalité et leur diversité, indélicates et complexes, uniques, poilues, jouissantes, indignées, accouchantes, allaitantes, n’ont pas l’approbation masculine.
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