Mes filles ont deux et quatre ans. Elles n’ont pas eu connaissance de la fusillade à Ottawa ni de l’attentat à St-Jean-sur-Richelieu (la ville où j’ai grandi, si vous voulez tout savoir). Nous n’écoutons pas les nouvelles à la télé ou à la radio en leur présence. Nous ne recevons pas de journal imprimé à la maison. Ces événements n’ont pas pénétré leur réalité. La violence et la haine sont passées par-dessus leurs têtes sans même les dépeigner.
Je dois avouer que je les envie un peu. Des fois, j’aimerais ne pas tout savoir et vivre dans leur petit monde. Un monde où poser un geste radical, c’est se déshabiller n’importe où, n’importe quand, parce que les vêtements, c’est le Mal.
Avec le temps, l’angle de leur regard en contre-plongée sur les adultes s’atténuera. Les « grands » événements et les sujets de « grands » entreront dans leur champ de vision. Et un jour, je constaterai avec stupéfaction que leurs yeux arriveront à la hauteur des miens. À ce moment, je dirai sans doute qu’hier encore elles ne mesuraient que trois pommes et leur regard roulera vers le plafond.
Mais en attendant, en ces lendemains lourds et gris, permettez-moi de m’asseoir par terre comme une enfant pour jouer à l’insouciance.
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