Patrick, au seuil de la quarantaine, ne se reconnaît plus dans sa vie d’homme rangé, pourvoyeur d’une famille avec laquelle il ne partage désormais qu’un agenda de soccer, trop de bébelles et des cartes de crédit surchauffées. Pour s’évader, il fantasme sur l’amie de sa femme et s’enlise encore davantage dans le gouffre financier qui l’étouffe déjà.
On s’entend, la trame n’a rien de Dirty Dancing. Et personne ne vient chercher Bébé dans un coin. Est-ce qu’on rit ? Bien sûr, après tout, c’est signé Morissette, Avard et Trogi. Mais disons que Le mirage a plus souvent le pied dans le drame que dans la comédie et réussit surtout à nous faire réfléchir sur le couple, nos habitudes de consommation, la vie au 21e siècle, quoi.
Qu’allaient donc en penser Catherine, Amélie et Karine, trois mamans du 450, amies dans la vie, qui donnent plus dans La galère que dans Les Invincibles ? C’est ce que Louis a voulu savoir, après les avoir conviées à une projection privée au centre-ville de Montréal.
Louis Quand j’ai présenté le concept aux institutions, il y avait des filles, de l’autre côté de la table, qui disaient : « Oui, mais c’est quoi le point de vue d’Isabelle [la] ? » Je leur répondais : « Ça, c’est un autre film. » Il existe déjà beaucoup de téléséries et de films de filles. Moi, je montre un point de vue d’homme. Alors je suis vraiment curieux de vous entendre...
Catherine Ce qui m’a accrochée, c’est que certains événements présentés dans le film me sont arrivés. Mais moi, j’en parle ! Aux filles du bureau, à mes parents, à mon chum... Pis là, je me rends compte qu’un gars, ça vit ça de l’intérieur.
Louis Penses-tu que ton chum te dit tout ?
Catherine Je pense qu’il m’en dit pas mal, mais c’est sûr qu’il ne me dit pas tout.
Karine Moi, ça m’a perturbée. Parce que le personnage principal s’est rendu vraiment loin. J’étais mal pour lui à certains moments.
Louis Je ne m’attends pas à ce que tout le monde cautionne ses gestes, mais j’espère qu’il ne perd pas toute sympathie.
Catherine Non, non, on comprend bien que c’est une escalade.
Amélie Au début du film, je me reconnaissais là-dedans. La vie folle où on court tout le temps, la fête d’amis, la danse, la natation...
Catherine Oui, je me suis même tournée vers Amélie pour lui demander : « Notre vie, elle est plate de même ? »
Amélie J’ai répondu : « J’pense que oui. » [Rires]
Louis Pour moi, la base de cette histoire, c’est surtout une succession de mauvais choix. L’approche de la quarantaine sonne l’heure des bilans. Et je vois des gens lâcher prise, abdiquer. Se dire : « Ben finalement, ça va être ça ma vie. » Comme s’il était trop tard... Pourtant, il n’est jamais trop tard. Prends les moyens. Si tu ne décides pas toi-même de devenir heureux, tu ne peux pas toujours blâmer les autres. Dans le film, la consommation est donc une façon de couvrir ton malheur de couple, de vie.
Karine Ça nous rappelle surtout qu’il faut faire attention, préserver le couple, ne pas être juste des parents. Parce que Isabelle, elle n’est pas si...
Catherine Elle a aussi des torts.
Amélie Même si ce n’est pas un copier-coller de ma vie, je suis capable d’admettre que j’en ai reconnu certains aspects.
Karine Quand j’ai vu le pattern du couple dans le film, je n’ai pas été surprise. J’y pense souvent, étant donné que ça fait 11 ans que je suis mariée. J’essaie de préserver ma relation amoureuse... Par exemple, ma mère me disait récemment : « Il faudrait que Raphaël recommence le piano. » J’ai fait : « Non, on manque de temps. » C’est tellement facile de s’oublier dans tout ça.
Louis Une de mes craintes était qu’en sortant les filles disent : « C’est n’importe quoi ; c’est trop poussé. » Je leur réponds quoi ?
Catherine Qu’elles n’ont pas un grand sens de l’observation. Parce qu’il y en a autour de nous, assurément.
Louis J’appréhende aussi qu’elles se sentent frustrées qu’Isabelle n’ait pas eu assez le crachoir… Pour vous, Isabelle n’est pas une dinde, quand même ?
Toutes Non !
Amélie Elle se défend bien… jusqu’à la fin.
Louis Est-ce que les filles étouffent davantage ce désir de dépassement, de bonheur ultime ? Ou vont-elles le chercher ailleurs ? Pourquoi on voit moins de filles qui ont un problème de jeu, d’alcool, de dépendance au sexe ? Vous apprenez à vivre avec le malheur ?
Amélie Je pense que nous les filles, quand on a besoin d’aide, on va en chercher. Plus qu’un homme. Entre gars, vous vous confiez peu.
Louis C’est vrai qu’entre gars on ne parle pas beaucoup des vrais enjeux. Je ne veux pas généraliser, mais est-ce que je me trompe si je dis que, souvent, la soupape de la fille, c’est l’enfant, la famille ? Elle va déverser son attention là-dessus. Je ne connais pas beaucoup de gars qui vont dire : « Ah non, chérie, on n’ira pas passer une nuit à l’hôtel, on ne peut pas faire garder le p’tit, il est trop jeune. »
Karine Je n’ai pas de difficulté sur ce point-là. Il m’arrive de partir en vacances seule avec mon chum.
Louis Mais en connais-tu qui ne feraient pas garder leurs enfants autrement que par leur mère ?
Catherine Mes parents sont super disponibles, mais j’avoue que je ne laisserais pas mon fils à n’importe qui.
Karine Il ne faut jamais oublier qu’à la base on est un couple. La famille commence par le couple. Il faut y faire attention, sinon, ça va éclater.
Louis Quand j’ai fait ma petite enquête pour ce film auprès de gens qui m’entourent, une des choses qui m’ont frappé, c’est à quel point les couples se parlent peu. Les gars me racontaient des affaires et je leur demandais : « Mais ça, ta blonde le sait-elle ? », et ils me répondaient : « Ben non, elle va capoter ! » Alors, je me suis dit qu’après avoir vu le film, ils vont, peut-être, se parler un peu plus. Avoir une discussion qui va déboucher sur une soirée torride... ou une chicane mémorable !
Scénario : Louis Morissette et François Avard Réalisation : Ricardo Trogi Comédiens : Louis Morissette, Julie Perreault, Patrice Robitaille et Christine Beaulieu À l’affiche le 5 août
Photo: Christal Films ProductionsInscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine