Entrevues

Euthanasie et suicide assisté

L’État devrait-il autoriser l’euthanasie? Le suicide assisté? Des milliers de Québécois viennent de pas­ser deux ans à réfléchir à ces questions hautement émotives et po­tentiellement explosives.

Guillaume Morin

C’était l’idée de Véronique Hivon, 42 ans, avocate et maman d’une fillette de 3 ans. Elle est aussi députée (du Parti Québécois) de Joliette. À l’automne 2009, elle a déposé à l’Assemblée nationale une motion proposant d’examiner les questions relatives à la fin de vie. À sa grande surprise, la proposition a été acceptée à l’unanimité. Ainsi a été créée la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, qu’elle a coprésidée.

N’est-ce pas étonnant que ce soit une maman dans la quarantaine qui ait mis ce sujet sur la table?
Oui, peut-être! Mais à l’université, j’ai beaucoup étudié les questions de consentement aux soins, d’éthique et de droit médical. Ensuite, deux de mes proches ont vécu des fins de vie difficiles qui m’ont fait réfléchir. Puis à l’automne 2009, le Collège des médecins a soulevé le profond malaise de médecins face aux demandes de leurs patients en fin de vie. Enfin, il y a eu Ghislain Leblond, un ancien haut fonctionnaire atteint d’une maladie dégénérative, qui a interpellé l’Assemblée nationale sur la question de l’euthanasie. Le Québec semblait prêt à tenir ce débat.

La Commission a duré deux ans. Qu’a-t-elle changé pour vous, personnellement?
Peu de sujets touchent absolument tout le monde aussi profondément. Nous avons entendu des avocats, des médecins, des éthiciens. Mais aussi des citoyens. Certains nous disaient : « Je trouve ça bien intéressant tout ce que les experts disent, mais, pour mon mari, ça ne s’est pas passé comme dans le livre de médecine ou conformément aux règles de droit. » Entendre des centaines de personnes raconter des événements si in­times, beaux ou malheureux, ne peut que nous faire grandir. Et faire comprendre que la vérité et la justesse se trouvent dans les nuances et dans l’équilibre. Sur des sujets aussi sensibles, personne n’a 100% raison ou 100% tort. Ce que j’en retiens aussi, c’est à quel point les Québécois sont respectueux les uns des autres. Pendant les audiences, les salles étaient pleines de gens d’avis différents. Ils échangeaient, débattaient. Et s’écoutaient beaucoup.

Comment parlez-vous de cette expérience à vos amis?
Je dis aux gens de penser à leur propre fin de vie, mais aussi à celle des gens qu’ils aiment. Devant un grand malade, on pense qu’il vaut mieux faire comme si la vie continuait, mais la personne, elle, est habitée par son combat et son angoisse. Pouvoir en parler franchement, nous ont dit des gens malades, peut constituer un grand facteur d’apaisement. Comme peut l’être la certitude que ses choix seront respectés. Jusqu’au bout.

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