Photo: istock.com (le temple boudhiste Seiganto-ji, dans la préfecture de Wakayama)

Photo: istock.com (le temple boudhiste Seiganto-ji, dans la préfecture de Wakayama)

4 bonnes façons de se ressourcer au Japon

Le pays du Soleil-Levant s’apprivoise tout en lenteur dans des coins à l’abri du temps et de l’agitation de ses mégapoles survoltées. Il s’est révélé à nous par sa cuisine, sa spiritualité, son patrimoine et sa nature.

Poissonnier au marché Kuroshio, Japon

Photo: istock.com (Le marché Kuroshio et mets du Japon)

1. Du boui-boui au restaurant gastronomique

Mon plat de sushis ne paie pas de mine. À première vue, il ressemble à ceux du comptoir pour emporter du Provigo de mon quartier: un plateau surmonté d’un couvercle en plastique. Il devrait être meilleur, non ? Après tout, je vais le déguster assise au bord de la mer à Wakayama, dans l’île de Honshū , la principale du Japon.

Dès la première bouchée, je suis transportée par la saveur iodée et la texture moelleuse des larges morceaux de saumon, de bar et de thon qui dominent une menue portion de riz. Les yeux fermés, je savoure.

« Au Japon, plus de 80 % du thon que l’on consomme est congelé. Mais pas celui pêché ici. Tu peux d’ailleurs goûter toute sa finesse », me glisse Hiroshi Eguchi, de la marina de Wakayama. Il a raison. Je n’avais jamais mangé de sushis aussi délicieux. Le marché Kuroshio, juste à côté, se caractérise par l’abondance de poissons et de fruits de mer. Tout me fait envie. Oursins, crevettes, crabes, homards, poulpe… Pas étonnant qu’avec cette offre si diversifiée, la région soit reconnue pour sa richesse gastronomique.

En fait, au Japon, dans tous les plats, les saveurs se déploient de façon magistrale. J’éprouve le même ravissement en dégustant une boule de pâte à base de sarrasin dans un modeste restaurant. Une poignée de femmes s’affairent en cuisine pour préparer des bouchées de légumes et de riz avec trois sauces différentes et une soupe au miso relevée d’herbes aromatiques. Quel régal !

Mais la palme du dépaysement gustatif va au restaurant de l’hôtel Tsutaya Tokinoyado Kazari de Kiso, à 140 km de Nagano. S’arrêter dans cet établissement touristique, caché dans un écrin de verdure, est une expérience hors du commun. L’hospitalité nippone y donne sa pleine mesure.

Au repas du soir se succèdent au moins huit services: poisson blanc cru, tofu, riz, onigiri (boulette de riz enveloppée de nori), légumes et algues en bouillon, waghasi (pâtisseries locales). C’est bon sans bon sens. Et que dire de la présentation raffinée et des subtils parfums qui s’en dégagent ? Une humble salade devient œuvre d’art, avec ici une tranche de radis, là une feuille de ciboulette sauvage ou une pousse de bambou. Mention spéciale à une pochette de papier sulfurisé présentée sur un lit de cailloux blancs. S’y nichent des champignons, des oignons blancs et des haricots frais exquis.

Quand arrive à table le réchaud pour faire griller le bœuf Wagyu, mon estomac réclame une pause. Mais comment résister à cette viande zébrée de gras si tendre et si goûteuse ? Ce repas met tous les sens en éveil ! Un souvenir mémorable.

Cimetière de Koyasan

Photo: Photo: Johanne Lauzon et istock.com (Le cimetière de Koyasan, qui compte plus de 200,000 pierres tombales et un onsen)

2. Une spiritualité omniprésente

Les sites sacré nippons m’interpellent. J’irai donc faire un saut à Koyasan, plus importante cité monastique du pays, qui regroupe 117 temples bouddhiques, sur le flanc du mont Koyasan. Plus d’un million de touristes, dont une majorité d’Asiatiques, s’y ruent chaque année.

Avec de la chance, je trouve vite des endroits de quiétude. Ici et là errent des bouddhistes en retraite ou s’affairent des bonzes, habillés d’un houi, sorte de kimono sans ornement. Le site est paisible, entre une forêt de pins, de Ginkgo biloba, de cèdres japonais qui ont plus de 600 ans et un vaste cimetière où reposent pour l’éternité 200 000 samouraïs, membres de la famille royale ou simples citoyens.

Je loge dans un shukubo, ou temple-auberge, comme les visiteurs qui souhaitent s’approcher au plus près de la dévotion des moines. À la fois dépouillé et harmonieux, le cadre se prête au recueillement. Les invités y déambulent en silence après avoir laissé leurs chaussures à l’entrée. Je ne verrai que des ombres au détour des couloirs. Dans ma chambre, très spacieuse, aucun lit – un futon y aura été installé comme par magie à mon retour d’une promenade nocturne.

Juste avant le shöjin ryöri, repas du soir végétalien plutôt frugal, j’irai au onsen, genre de bain thermal communautaire présent dans la plupart des lieux d’hébergement japonais. C’était pour me relaxer. Je resterai tout de même tendue puisque pour y accéder, il faut être nue…

Tsumago, Chemin de la poste, Japon

Photo: La ville de Tsumago-juku, lieu de préservation architecturale.

3. Un patrimoine bien vivant

L’archipel aux 6 000 îles se révèle aussi par ses villages dans l’arrière-pays. Et le transport ferroviaire, d’une efficacité légendaire, permet d’accéder aux lieux les plus reculés. Après avoir emprunté, à Osaka, le TGV de la ligne Nozomi, je passe à un train régulier jusqu’à la station de Nakatsugawa. Non loin de là, j’emprunterai l’un des anciens chemins de la poste qui, à la période Edo (1603-1868), reliaient Kyoto, capitale impériale du Japon, à Tokyo.

Cette randonnée me propulse hors du temps. En effet, tout a été fait pour préserver le patrimoine de Magome-juku et de Tsumago-juku, jadis des relais de poste, au cœur des Alpes japonaises. Pas de lignes à haute tension ni d’antennes à l’horizon. Rien que des maisons, des commerces et auberges en bois et des pavés de pierre restaurés.

Les huit kilomètres qui séparent les deux localités sont égayés par le murmure d’un ruisseau et les odeurs vivifiantes des cyprès, des bambous et des herbes folles. Ce tronçon fait partie d’un réseau de sentiers de plus de 500 km.

À mi-chemin, une pause dans un salon de thé est la bienvenue. Un homme âgé nous sert, à la guide et moi, un thé vert aux notes végétales. Trop heureux de voir des gens en ce jour gris, il nous tend un plateau de bonbons aux emballages colorés.« Vous avez choisi mon préféré, celui au café », me dit-il avec un petit rire.

La guide Emi Shibata d’OKU Japan me le confirme. « Les habitants trouvent charmant que des gens de partout dans le monde choisissent de découvrir leur coin de pays en marchant », souligne-t-elle.

La promenade se termine à Tsumago-juku, première localité désignée comme site de préservation architecturale par l’État japonais. S’y alignent des propriétés restaurées avec soin. J’arpenterai l’artère principale en fouinant dans les boutiques où l’on trouve des objets de bois artisanaux – dont de superbes bols –, spécialités du coin.

Mont Ontake, Japon

Photo: Tourisme Ontake (Le mont Ontake la nuit et en début de l'été. Le torii du mon Ontake)

4. Un bain de forêt à la japonaise

Qui dit Japon, dit shinrin-yoku. Il fallait bien que je vive sur place l’un de ces bains de forêt aux vertus antistress ! Direction le village d’Otaki dans les Alpes japonaises.

Chris Gladden, mon guide, m’attend au pied du mont Ontake, un volcan de 3 067 mètres. Cet Américain vit en terre nippone depuis 20 ans. Il y fait vivre le shinrin-yoku à des groupes du coin et d’ailleurs. « Il y a peu de touristes nord-américains qui viennent jusqu’ici », lâche-t-il avec un air amusé.

Avant même de passer le torii, portail qui mène aux lieux sacralisés, il me donne ses indications: la marche doit être lente, consciente, silencieuse. « Tu dois t’immerger dans l’environnement. Le bain de forêt, ce n’est pas que marcher dans la nature. Tu dois expérimenter la forêt et interagir avec elle », précise-t-il juste avant de sonner une lourde cloche au bas du premier escalier de pierre.

Le parcours est ponctué de sanctuaires érigés par les moines et les pèlerins qui ont laissé sur des autels des oranges, des lampions, des bouddhas en pierre. Des messages sont aussi suspendus sur des cordelettes – des invocations au divin.

Je prends une grande inspiration. Mes poumons se remplissent d’un air riche en phytoncides, molécules bienfaitrices émises par les arbres. Sous mes pas, les feuilles craquent. À travers les branches, le soleil dessine des motifs diffus dans le boisé.

Je m’arrête. Mes doigts courent sur l’écorce rouge des cèdres japonais, veinée de mousse. Je me sens réconfortée par ces géants. Est-ce moi qui les prends dans mes bras ou l’inverse ? Un sentiment de plénitude me gagne. Des larmes roulent sur mes joues. Je suis étonnée par ces émotions qui se manifestent. Une évidence: je fais partie de cette nature généreuse.

 

Notre journaliste était l’invitée des Offices de tourisme du Japon et des préfectures de Wakayama et de Nagano, qui n’ont eu aucun droit de regard sur le contenu du reportage.

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