Culture

Livre du mois: American Housewife

Des « beautés désespérées » apprêtées à la sauce Manhattan… drôlement piquante ! Voyons ce que les membres du Club de lecture en ont pensé.

Roman American Housewife d'Helen EllisLes histoires

Le fil conducteur de ces 12 nouvelles est le quotidien d’une espèce qu’on croyait en voie de disparition : la maîtresse de maison. L’auteure, qui revendique elle-même ce titre, a créé des héroïnes improbables, qu’elle place dans des situations loufoques ou poignantes ayant pour décor des logements new-yorkais somptueux ou des petites villes du Sud profond.

Les personnages

Se déhanchant comme Beyoncé, une femme prépare une réception en noyant « [ses] chagrins dans le Chanel no 5 ». Deux voisines échangent des courriels de plus en plus hystériques au sujet de la décoration de leur palier commun. Une écrivaine n’ayant rien publié depuis 15 ans participe à une téléréalité débile, espérant être redécouverte. Une autre accepte d’être commanditée par Tampax, sans bien lire le contrat. On croise aussi de « vraies dames », des « protectrices des arts » ou encore une épouse prête à tout, même au meurtre, pour conserver l’appartement légué par sa belle-mère…

On aime

L’esprit new-yorkais, humour perfide enrobé de sucre. L’ironie du Sud, griffes dans un gant de velours. Des scènes hilarantes, d’autres troublantes décrivant, en ces années post-postféministes, le rapport amour-haine des femmes entre elles et envers ce déterminant social qu’est le foyer.

L'auteure Helen Ellis

Photo: Michael Lionstar

L’auteure

Née en Alabama, Helen Ellis débarque à New York en 1992. Elle a 22 ans et une seule envie : écrire. En 2000, publication de son premier roman. Les trois suivants ayant été refusés, elle rentre à la maison. Ennuyée de se faire demander avec condescendance « Que faites-vous toute la journée ? » elle répond par un compte Twitter, @WhatIDoAllDay… et retrouve l’écriture. Vit dans le très huppé Upper East Side avec son mari, qui a grandi dans l’appartement que le couple partage avec ses deux chats.

Éditions de la Martinière, 208 pages. Traduction de Sophie Brissaud.

POUR LIRE UN EXTRAIT DU ROMAN AMERICAN HOUSEWIVE

Les critiques du Club de lecture Châtelaine

ChristianAzzam-1

Christian Azzam

J’ai aimé : L’humour caustique, débridé, irrévérencieux. J’ai été amusé: par cette inquiétude au sujet des employées du centre d’appels d’une entreprise de dindes qui ne sont vraisemblablement pas très occupées. J’ai rigolé (mais peut-être n’aurais-je pas dû): en lisant que «derrière toute femme d’exception, il y a un peu de gras sur les fesses». Je me suis délecté: à la lecture de cet échange de courriels fort savoureux et riche en rebondissements entre deux voisines de palier dans La guerre des lambris. J’ai adoré: la courte nouvelle intitulée Soyez une vraie dame et les nombreux conseils, ô combien justes, qui y sont prodigués. Comme ceux-ci: «Faites des compliments à tout le monde. Sachez les accepter. Ne vous asseyez jamais sur un siège de toilettes devant quelqu’un. Jamais. Inscrivez-vous à un club de lecture. À deux clubs de lecture. Si quelqu’un dit quelque chose qui ne vous plaît pas, répondez: “Intéressant.” Si quelqu’un dit quelque chose qui vous plaît, répondez : “Très intéressant.”» Et cette dernière suggestion, ahurissante d’originalité: «Écoutez des audiolivres érotiques en nettoyant le carrelage.» Je me souviendrai: du style original, décapant, marrant et marquant de Helen Ellis. J’attendrai: la sortie de son prochain livre en espérant qu’elle ne laissera pas passer 16 années, comme elle l’a fait entre ses deux premiers.

J’ai moins aimé : Cette histoire, pourtant prometteuse, au sujet d’un improbable (et richissime) ajusteur de soutiens-gorges, qui m’a particulièrement ennuyé. J’ai sourcillé: en apprenant que la roche du jeu roche-papier-ciseaux de notre enfance a été remplacée par une pierre en France. J’ai été (un peu) agacé : par le style répétitif que l’on retrouve dans la nouvelle Comment devenir une protectrice des arts, où l’auteure dispense encore une fois de nombreux conseils, mais avec un effet nettement moins retentissant.

Ma note sur 10 : 7,5

Raphaelle-Lambert

Raphaëlle Lambert

J’ai aimé : L’humour caustique de cette auteure que je ne connaissais pas du tout! Les nouvelles se lisent vite, les tournures d’esprit sont mordantes, les thèmes sont variés, tournant toujours autour de la femme sans enfant, bourgeoise et superficielle. Ses histoires teintées d’autodérision font sourire.

J’ai moins aimé : Le côté névrosé ou obsessif de la plupart des protagonistes, centrées sur elles-mêmes ou leur mari, m’a un peu agacée, mais pas au point de me faire décrocher!

Autres commentaires : Lecture légère d’été, ce petit livre remplira facilement les temps libres…

Ma note sur 10 : 8

Anja_Djogo

Anja Djogo

J’ai aimé : Avec un titre pareil, je m’attendais à des histoires de Tupperware, mais j’ai été agréablement surprise par le côté déjanté des différentes nouvelles. J’ai ri à voix haute en lisant La guerre des lambris, une histoire sous forme d’échange de courriels entre deux voisines qui tourne au vinaigre. Après avoir lu ça, je me suis dit que j’allais certainement y réfléchir à deux fois avant de faire des suggestions déco à mes voisins!

J’ai moins aimé : Oui, la qualité des histoires est inégale et oui, les personnages sont souvent caricaturaux, mais pourquoi bouder son plaisir une fois que l’on sait dans quoi on s’embarque?

Autres commentaires : À lire dans la piscine, un piña colada à la main!

Ma note sur 10 : 7

NathalieThibault

Nathalie Thibault

J’ai aimé : Assurément, la page couverture de ce recueil de nouvelles toutes aussi insupportables les unes que les autres. C’est faux: les deux plus courtes sont savoureuses. J’ai bien essayé d’entrer dans le jeu de l’ironie, de la dérision et du deuxième degré, mais je n’ai pas réussi à éprouver un réel plaisir, agacée notamment par la traduction. Si j’en ai raconté des extraits pour faire rire les collègues (Comment devenir une protectrice des arts), si j’ai relu pour retenir une leçon (Langage codé d’une dame du sud ou Soyez une vraie dame), le plus amusant a été d’imaginer ma critique dans le ton du livre: «Voici enfin (lire on s’en serait passé) une bible, une recette pour assurer notre passage dans le grand monde (superficiel et insipide). Livre amusant (lire agaçant) et instructif (lire absolument insignifiant). En tant que femme moderne (lire banlieusarde coincée), je n’ai pas pu passer outre les clichés surannés qui ne font sourire que lorsqu’ils s’appliquent à vous. Par exemple, à mon grand bonheur (lire, à mon total désarroi), je me suis reconnue dans cette dame du monde qui doit récupérer les cadeaux Clinique, googler “ménopause” et être membre d’un club de lecture, incontournable pour être branché!» Mouais… Et bien sûr, enfin, on cible notre véritable objectif de vie : «Madame, vous êtes une maîtresse de maison. Une femme du monde. Ce que n’importe quelle femme normalement constituée aspire à être.»

Je n’ai pas aimé : Le malaise à aimer puis le plaisir à ne pas aimer ce livre. Finalement, je vote pour le non malgré la filiation avec l’ambiance Mad Men, que j’ai pourtant adorée.

Ma note sur 10 : 6

mariellegamache

Marielle Gamache

J’ai aimé : Au-delà de l’humour incontestable qui prime, l’originalité qui imprègne chacune des nouvelles en fait une œuvre intégrale des plus attirantes. D’entrée de jeu, la couverture du livre donne le ton, dès les premiers récits, je suis happée par une ribambelle de personnages loufoques qui prennent vie sous la plume colorée de l’auteure. Celle-ci s’ingénie à nous en mettre plein la vue tant par son style que par son imagination exubérante. Hilarant, décapant…

J’ai moins aimé : Comme dans tout bon recueil de nouvelles, les plus accrocheuses semblent toujours trop brèves.

Autres commentaires : Le regard dérisoire que pose l’auteure sur la fainéantise de la société bourgeoise fait jaillir dans mon esprit le proverbe L’oisiveté est la mère de tous les vices. Ceci dit, American Housewife pique la curiosité et est sans contredit une excellente lecture estivale.

Ma note sur 10 : 8,5

marie-claude_n_bMarie-Claude Rioux

J’ai aimé : Découvrir la vie de ces femmes sous la lorgnette de la satire. Le ton de chaque nouvelle et les différents points de vue adoptés dynamisent la lecture du recueil (les nouvelles sont tantôt écrites à la première personne, tantôt à la deuxième, tantôt sous forme d’échange de courriels, etc.). Helen Ellis a le don de faire craquer le vernis de la perfection imposée et d’arracher le voile des apparences avec un humour féroce. Les nouvelles que j’ai préférées mettent en scène des auteures, toujours en panne d’inspiration, comme dans Chine avec les stars et son envers d’une émission de téléréalité.

J’ai moins aimé : Ces tranches de la vie quotidienne de femmes au foyer new-yorkaises bien nanties ont fini par me lasser. Le cadre de certaines nouvelles, poussé à l’extrême, m’a ennuyée par le manque de nuances. Le moule dans lequel les personnages féminins sont taillés m’a particulièrement agacée: ces ménagère soumises à leur mari qui dissimulent un poignard, prêtes à l’enfoncer dans le dos d’une rivale… J’avais l’impression de lire un scénario de Mad Men, version 2015. Difficile de s’attacher à ces femmes, de s’identifier à elles ou de compatir à leur sort. Leur névrose et leur désœuvrement m’ont souvent semblé bien artificiels.

Ma note sur 10 : 6

SoniagrattonSonia Gratton

J’ai aimé : La nouvelle Chine avec les stars. Je trouve que Helen Ellis y a réussi un équilibre parfait entre le cynisme et la bonne foi, dans un univers (les écrivains vs la téléréalité) où elle semble très à l’aise. Aussi, qu’elle présente un personnage de playmate bimbo et qu’elle arrive à le rendre humain et attendrissant m’a semblé fort habile.

J’ai aussi aimé L’ajusteur. Une nouvelle de facture classique dans les règles de l’art, très bien ficelée et efficace, avec un bon dosage de non-dit et de punch. Elle s’en tire assez bien aussi dans Comment devenir une protectrice des arts.

J’ai moins aimé : Pas mal toutes les autres nouvelles… De gros clichés sur les femmes, sur les artistes, sur les riches; de la pseudo new-yorkitude et surtout du wannabe Brett Easton Ellis – la première nouvelle en est un parfait pastiche – avec tout le côté violent, voire trash, qui semble plaqué là juste pour attirer l’attention et qui ne porte pas de réel propos.

Autres commentaires : Je ne suis pas adepte du concept de «lecture d’été» (un brin de légèreté, d’humour ou de douceur est bienvenu en tout temps, mais si on est en vacances et qu’on a du temps, pourquoi ne pas se lancer enfin dans la littérature russe ou Baudelaire?) et encore moins de celui de «lecture féminine»! Donc probablement pas le public cible de ce recueil.

Ma note sur 10 : 5

isabellegoupilsormanyIsabelle Goupil-Sormany

J’ai aimé : Roman de nouvelles léger, sans prétention. Les chutes sont efficaces et les situations plutôt rigolotes. L’auteure présente une Amérique bardée de clichés et blasée. Une chance qu’on y échappe.

J’ai moins aimé : La traduction est franchement insupportable. Il est rare que je doive à ce point utiliser la fonction «définir» de Google pour être sûre de bien comprendre le propos (exemple: «Chine avec les stars»). Le cynisme et l’aspect tordu associé à plusieurs saynètes ne m’ont pas émue. Un gros bof pour moi.

Ma note sur 10 : 5

À LIRE: Livre du mois de juillet: À l’orée du verger de Tracy Chevalier

 

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