Isabelle Arsenault se considère comme « chanceuse ». À la fin de ses études en design graphique, en 2001, elle a fait la rencontre de celle qui allait être son agente pendant sept ans. Les contrats, surtout pour des illustrations dans les journaux et les magazines, n’ont jamais manqué. Et quand elle a voulu se réorienter vers les livres, considérant que son rythme de travail – délais serrés, horaire chaotique – ne convenait plus à la vie de famille, rebelote. « Ça me tentait d’explorer le côté naïf de l’illustration jeunesse, relate-t-elle. J’ai envoyé mon portfolio à des éditeurs et, dans la même semaine, on me proposait des trucs. » De la chance ? Plutôt une signature visuelle empreinte de sensibilité, reconnaissable entre toutes, et beaucoup de travail en amont.
À 38 ans, Isabelle peut dire que les choses vont bien. Jane, le renard et moi, sa collaboration avec l’auteure Fanny Britt, a remporté les honneurs : lauréate du Prix du Gouverneur général en 2013, la bande dessinée – traduite en 14 langues – a également été remarquée par le New York Times. Si l’illustratrice n’en était pas à ses premières distinctions, il reste que l’histoire touchante d’Hélène, qui se réfugie dans les pages de Jane Eyre pour se soustraire à l’intimidation dont elle est victime à l’école, a représenté un tournant dans sa carrière. « C’était la première fois que j’avais une aussi grande liberté pour créer. Le texte de Fanny m’a amenée ailleurs, loin de ce que j’avais l’habitude de faire. » L’expérience a été si heureuse que le duo a décidé de la renouveler : Louis parmi les spectres, l’histoire d’un garçon dont les parents sont séparés, sera publié à La Pastèque au début de novembre.
Jane, le renard et moi et Louis parmi les spectres, La Pastèque
« Je suis inspirée par la beauté en général. Je ne fais pas exprès de regarder des images des années 1960 ! » lance Geneviève Godbout quand on attire son attention sur la jolie touche rétro de ses illustrations. Chose certaine, l’artiste de 31 ans a un style bien distinctif : sa dernière œuvre, Rose à petits pois, a d’ailleurs été écrite sur mesure pour elle par Amélie Callot, sage-femme et auteure française. « Un décor maritime, de la pluie, du rose (beaucoup de rose !) et une histoire d’amour... Son univers correspondait tellement au mien, je ne pouvais pas refuser ! »
La Québécoise a étudié à l’école de l’image Gobelins, à Paris. En 2007, elle a décroché un emploi de dessinatrice pour les produits dérivés de Disney, à Londres, qu’elle a conservé six ans, avant de quitter à la fois l’entreprise et la ville pour revenir ici auprès des siens. L’édition jeunesse avait déjà commencé à lui faire de l’œil. Elle menait même quelques dossiers en parallèle, propulsée par l’envie de s’exprimer autrement. Joseph Fipps, le premier livre sur lequel elle a travaillé, a notamment été traduit et publié au Brésil et en Espagne. Depuis, les collaborations s’enchaînent : on fait appel à elle au Québec, bien sûr, mais aussi au Canada anglais (où elle plongera sous peu dans l’univers d’Anne... La maison aux pignons verts), aux États-Unis et en Europe. « Les créations à grand déploiement m’amènent à toucher de nouveaux publics – et oui, elles sont plus payantes. En contrepartie, les petits éditeurs me laissent beaucoup de liberté, ce qui me permet de développer mon côté artistique. » Et la pousse à explorer des voies différentes, dont celle des mots. Malou, son premier album en tant qu’auteure, sera publié en 2017 à La Pastèque.
Rose à petits pois, La Pastèque
En 2010, Catherine Lamontagne-Drolet – alias Cathon – a quitté son Québec natal pour Montréal dans le but de faire un baccalauréat en arts visuels et médiatiques. Mais c’est plutôt un atelier de bande dessinée, suivi à la même époque avec l’éditeur et prolifique auteur Jimmy Beaulieu, qui a été pour elle un coup de foudre professionnel. « J’ai commencé à rencontrer des gens du milieu et à dessiner encore plus. Tranquillement, mon intérêt pour la bédé a augmenté... et ma motivation pour le bac a chuté ! » Son destin était scellé. Depuis, l’illustratrice de 26 ans ne chôme pas. Ses images ludiques se prêtent tant à la littérature jeunesse qu’à des médias plus engagés, comme en témoigne sa participation récurrente à la Gazette des femmes, le magazine du Conseil du statut de la femme. « Je ne suis pas du genre à vouloir faire des illustrations politiques. Mais le féminisme, ça me touche beaucoup, et ça devrait toucher tout le monde. D’ailleurs, quand je m’adresse à des jeunes, je fais très attention aux stéréotypes. »
Après Les ennuis de Lapinette, Cathon a publié en septembre un deuxième album jeunesse, Mimose et Sam, dont elle signe à la fois le texte et les images. Ce qui l’inspire ? « Ça peut être une phrase, un titre de poème. J’essaie aussi de me rappeler comment, enfant, j’aimais trouver beaucoup de détails dans les illustrations... » Celle qui a débuté en recensant les petites choses du quotidien sur son blogue multiplie les projets de fiction. Ainsi, cet automne, sont lancés pas moins de trois livres jeunesse (des auteurs François Gravel, Robert Soulières et Sylvie Frigon) issus de collaborations avec Cathon !
Mimose et Sam, Comme des géants
Les œuvres de l’illustratrice et auteure Marianne Dubuc sont intimement liées au monde de l’enfance. D’abord parce qu’elle baigne dedans au quotidien – elle bosse de la maison entourée de ses deux enfants (six et huit ans) –, ensuite parce qu’elle réserve une place centrale aux images. Bien avant d’entrer à l’université en design graphique, elle avait choisi sa carrière. « Quand j’étais petite, dit-elle, je voulais faire des livres pour enfants. Mais je ne pensais pas que ça arriverait pour vrai ! »
Non seulement c’est arrivé, mais le succès lui pendait au bout du nez : son deuxième titre, l’ingénieux imagier Devant ma maison, a été traduit en une quinzaine de langues. Les autres ont suivi ses traces, garnissant aussi bien les rayons des bibliothèques de Marianne que les pages de son passeport. Car elle voyage pour porter ses histoires, « vécues sensiblement de la même façon par les jeunes », malgré les différences culturelles. Avant tout, ce sont les animaux qui peuplent son monde fictif. « Je n’aime pas la façon dont je dessine les humains. Avec les animaux, je me permets plus de liberté. Aussi, le genre des personnages – garçon ou fille – est plus flou, ce qui permet aux petits de s’y identifier », explique la créatrice de 36 ans. Son plus récent ouvrage ne fait pas exception à cette préférence. Dans Je ne suis pas ta maman, fraîchement arrivé en librairie, un écureuil découvre une boule piquante devant chez lui. À l’intérieur, une petite créature qui s’obstinera à faire de lui « sa maman »...
Je ne suis pas ta maman, Comme des géants
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