Voyages et escapades

Polynésie française : luxe, calme et volupté

Paysages édéniques, population accueillante, mer chaude et invitante,  la Polynésie française a tout, tout, tout pour séduire. Incursion au paradis.

Tenupo, notre guide, se veut rassurant : les requins à pointes noires avec lesquels nous allons nager sont inoffensifs, répète-t-il à l’envi. Je veux bien le croire, mais ce sont tout de même des requins ! Enfin. J’enfile palmes, masque et tuba, puis je plonge. Rapidement, un premier face-à-face. Une bête fonce droit sur moi, me fixant de ses yeux noirs ronds comme des billes. Et j’ai soudain envie d’être ailleurs, d’autant plus qu’ils sont maintenant une dizaine à me tourner autour. L’espace d’un instant, je me sens comme un buffle cerné par des lions affamés : mon heure serait-elle venue ?

Heureusement, Tenupo, qui observe la scène en se frictionnant de monoï, avait raison. Ces requins gris et blanc d’environ 1,5 m de longueur et dont le bout des nageoires est noir – d’où leur nom – sont plutôt sociables. Croquer de l’humain ne semble pas les intéresser.

Cette plongée a lieu en Polynésie française, au large de Bora Bora, qui compte parmi les 180 îles, îlots et atolls que Dame Nature a déposés comme des confettis sur l’océan, à mi-chemin de l’Amérique du Nord et de l’Australie. L’expédition d’une journée autour de « la perle du Pacifique », comme on surnomme l’île, sera aussi l’occasion d’assister au ballet hypnotisant des raies mantas qui tournoient lentement à cinq mètres sous la surface.

bora bora océan

Les eaux turquoise qui entourent les îles de cet archipel regorgent de poissons de toutes sortes. Photo : iStock.com

Un peu plus tard, je me perdrai dans le récif de corail qui encercle Bora Bora et la protège des énormes vagues du large. Cachées dans ces coraux aux couleurs vives, les murènes m’ont à l’œil, tout comme les amusantes demoiselles à trois taches, qui figent dès que je passe près d’elles. Des tétrodons mouchetés, des papillons ratons laveurs, des anges empereurs et une foule d’autres poissons, plus hardis, viennent observer de près le mammifère blanc immaculé que je suis.

Je sortirai de cette expédition dans un état de ravissement rarement atteint… et le dos tatoué d’un coup de soleil de classe mondiale.

Pendant une trop courte semaine, je visiterai Bora Bora, Tahiti et Taha’a, trois îles bordées de palmiers, de cocotiers et de sable couleur neige, et baignant dans une eau chaude arborant toutes les nuances possibles de turquoise. Si ce n’est pas le paradis, ça s’en rapproche drôlement.

Tandis que nous rentrons vers le Conrad Bora Bora Nui, où je loge pendant quelques jours, Tenupo pousse la chansonnette en s’accompagnant de son ukulélé. Aaaa… gaaaa… boum boum boum, entonne-t-il sur l’air d’« Agadou ». Sa version est une chanson traditionnelle polynésienne devenue le ver d’oreille que l’on connaît depuis que Patrick Zabé l’a popularisée au Québec. Est-ce qu’ici aussi on « pousse l’ananas et on moud l’café » ? Je ne saurais le dire. Tenupo chante en polynésien, une langue qui, soit dit en passant, ne compte que 13 lettres. Ce qui donne parfois des lieux aux noms improbables comme Faaa, Vaiaau, Taputapuatea et Puna’auia.

Un accueil sans compromis

Teint basané, chevelure corbeau souvent remontée en chignon et la peau invariablement tatouée, les Polynésiens respirent la joie de vivre et sont passés maîtres dans l’art de recevoir. D’une gentillesse exquise, ils distribuent sans se faire prier les « ia orana » mélodieux – bonjour en polynésien – toujours avec le « r » bien roulé.

Et de toute évidence, ils aiment leur archipel. Avouons qu’ils sont gâtés… Température parfaite – de 29 °C à 32 °C toute l’année – et environnement édénique. La plupart des îles ont en leur centre un haut relief accidenté, vestige des volcans qui les ont formées il y a des centaines de milliers d’années. Aujourd’hui, une nature luxuriante tapisse ces montagnes escarpées. Les immenses falcatas au branchage ajouré qui en couvrent la crête forment une bande végétale qui, vue de la mer, s’apparente à un liseré de fine dentelle. Et l’océan, dont l’eau à 28 °C est presque trop chaude pour rafraîchir les baigneurs, se transforme chaque jour en terrain de jeu.

Installé – à l’ombre – sur la terrasse de mon bungalow sur pilotis, j’admire le va-et-vient des pirogues à balancier, des planches à pagaie, des surfs aérotractés et des bateaux dragons qui filent en silence sur la mer. En bruit de fond, un grondement sourd et lointain semblable à celui de la circulation sur une autoroute à l’heure de pointe vient briser la quiétude des lieux. Ce sont les vagues océaniques qui s’écrasent sur la barrière de corail, à quelques kilomètres au large…

Et tout à coup, je comprends Paul Gauguin, Joe Dassin et Jacques Brel d’avoir élu domicile dans ces îles.

vanille bora bora

Dans l’île de Taha’a, les plantations de vanille sont légion. Pas pour rien qu’on la surnomme « l’île vanille » ! (Photo : Tourisme Tahiti) / Mariée ou célibataire ? Selon les coutumes locales, il suffit de noter derrière quelle oreille est portée la f leur pour le savoir. (Photo : Getty Images).

Paradis des fleurs de tiaré

Tant les femmes que les hommes, ici, se parent de fleurs de tiaré, portées en couronnes, en colliers ou tout simplement derrière l’oreille. Pas étonnant qu’à tout moment l’air se remplisse d’un parfum floral capiteux. Et on ne les porte pas de n’importe quelle façon ! Derrière l’oreille gauche si on est marié, derrière la droite si son cœur est à prendre. Ces fleurs, cueillies rapidement avant leur éclosion au lever du jour, entrent dans la production du monoï – huile sacrée, en polynésien – prisé pour ses vertus adoucissantes pour la peau et les cheveux. Le Laboratoire de cosmétologie du Pacifique Sud, à Papara, sur l’île de Tahiti, en produit 40 tonnes par mois. Les boutons de fleur macèrent pendant 10 jours dans d’énormes cuves d’acier remplies d’huile de coco. Le mélange passe ensuite dans le labo saturé d’effluves de litchi, de coco, de vanille ou de sable blanc (oui, oui !) où on lui donne sa couleur, sa texture et son parfum.

Près de la salle des cuves, les murs sont couverts des logos des entreprises qui s’approvisionnent ici : Yves Rocher, L’Oréal, Nars… Le monoï produit dans cet atelier entouré de tiarés et de cocotiers est expédié dans une trentaine de pays. Même au Québec, où on le retrouve dans l’huile de la jeune pousse montréalaise Orā.

Après cet arrêt odorant, mon chauffeur et accompagnateur, Mihimana, met le cap vers les grottes de Mara’a, où nous attend le guide d’aventure Willy. Chemin faisant, on parle géopolitique. Mihimana m’explique que la Polynésie est un TOM, un territoire d’outre-mer français, ce qui en agace plusieurs, qui rêvent d’indépendance. Or, ces autonomistes ont un adversaire de taille : l’argent. En effet, la France verse chaque année à l’archipel environ 1,5 milliard d’euros. Cette somme sert, en partie, à compenser les pertes et les dommages subis lors des quelque 200 essais nucléaires menés par la France dans les eaux territoriales de Polynésie, de 1966 à 1996.

C’est, grosso modo, le quart du PIB du territoire. Bref, comme le souligne Mihimana : faire l’indépendance et se priver de cet argent ? Ce n’est pas demain la veille.

De vertige et de feu

Nous voici à la montagne qui surplombe les grottes. Mihimana et Willy m’ont garanti une randonnée costaude couronnée d’une surprise au sommet. Mais lorsque j’ai aperçu l’un d’eux chaussé de sandales en plastique, j’ai eu des doutes : la balade sera pépère. « Ne touche pas aux branches, me prévient Willy. Elles sont couvertes de petites fourmis de feu. Leur piqûre brûle la peau. » Des fourmis de feu ? Franchement. Qu’est-ce qu’on n’inventerait pas pour impressionner les touristes !

Sous un ciel bleu de cobalt, on attaque le sentier rendu glissant par la pluie torrentielle qui a détrempé l’île la veille. Dès la première montée, qu’il faut franchir en s’aidant d’une corde fixée plus haut, je glisse et m’étale dans la boue, enlaçant un arbre pour freiner ma chute.

On m’avait parlé d’un trajet sportif, je suis servi. Le visage ruisselant de sueur et les jambes crottées, je parcours quand même avec plaisir ce sentier escarpé. D’autant plus que, tout en haut, la surprise apparaît : une balançoire suspendue à une grosse branche.

Faite de longues cordes tressées et d’une planche qui a connu de meilleurs jours, elle oscille entre la montagne, derrière, et… le vide abyssal, devant. Pas de casque, pas de harnais, pas de filet de sécurité, rien. Une chute serait catastrophique.

Je prends place, teste la solidité de ma monture et m’élance, d’abord timidement, puis avec entrain. Me revoici gamin ! Se balancer ainsi au-dessus d’un profond ravin, avec en toile de fond les lagons de Paea et de Papara, provoque des sensations qui surpassent sans peine celles promises par bien des manèges de La Ronde.

Pendant la descente, au retour, une autre surprise m’attend. Pour me faciliter la tâche, je m’aide des cordes mises à la disposition des marcheurs et des branches les plus basses des arbres qui bordent le sentier. Et c’est à ce moment qu’avec un synchronisme parfait, les fameuses et minuscules fourmis de feu – dont j’ai les bras couverts – attaquent. Willy disait vrai : ça brûle ! « Ne frotte pas, ça va être pire ! » lance-t-il. Trop tard…

fleur de tiaré

La balançoire de Tahiti : les cœurs sensibles sont priés de s’abstenir. (Photo : Benoît Jutras) / La fleur de tiaré, emblème de Tahiti, entre dans la fabrication du monoï, une huile sacrée utilisée en cosmétique. (Photo : iStock.com).

Perles, vanille… et luxe

Troisième et dernière île de ce séjour idyllique : Taha’a, l’île vanille, où sont produites la plupart des gousses de vanille et des perles noires qui font la renommée de la Polynésie.

Une visite à la ferme perlière Iaorana me convainc de l’ampleur de cette industrie : 2 millions d’huîtres plongées dans un lagon de 89 hectares, 600 000 perles récoltées chaque année. Et leur production est un art.

Wing Sang Chan fait partie d’une famille où l’on est greffeur de perle de père en fils. Son travail, précis et soigné, s’apparente à celui d’un orfèvre. Je résume grossièrement : il faut d’abord entrouvrir chaque huître délicatement, puis, à l’aide d’une longue pince à épiler, implanter une petite bille à un endroit précis dans la chair du mollusque. Une fois refermée, l’huître est attachée à une cage et immergée plusieurs mois. Pendant cette période, pour se défendre contre ce corps étranger, elle l’enrobe lentement de plusieurs couches de nacre, ce qui finit par former une perle. Selon leur taille, leur forme et leur couleur, les perles se détaillent de 7 $ à 700 $ pièce.

Cet écart de prix important ne s’applique pas qu’aux perles, d’ailleurs… Le coût de l’hébergement en Polynésie varie beaucoup : de 85 $ la nuit pour une chambre dans un gîte charmant jusqu’à plusieurs milliers de dollars – la nuit – pour les tout-inclus grand luxe… Mais quelle expérience ! En me rendant à mon bungalow sur pilotis, tout au bout du quai de bois au Taha’a Pearl Resort, j’ai l’impression de marcher au-dessus d’un aquarium tant le lagon sous mes pieds grouille de poissons colorés. Et dans la chambre, au pied du lit, un long « hublot » percé dans le plancher s’ouvre, permettant non seulement de voir les poissons nager, mais de les entendre sauter !

Le retour au Québec, il va sans dire, sera difficile… Et survient beaucoup, beaucoup trop vite. Me voici déjà à l’aéroport de Papeete, à Tahiti, en attente de mon vol pour Montréal via Seattle, sur les ailes d’Air Tahiti Nui. Tandis que j’arpente l’aérogare pour m’imprégner une dernière fois des odeurs et de la beauté des lieux, j’aperçois au loin une grande affiche aux couleurs vives, couronnée d’un panneau de signalisation où est inscrit le mot STOP ! en lettres blanches sur fond rouge.

Je m’approche pour en lire le contenu. Écrit noir sur blanc, un message qui ne pourrait être plus clair : « Attention aux petites fourmis de feu ! » Tiens donc…

 

Notre journaliste a été invité par Tourisme Tahiti, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu du reportage.

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.