Vous avez entrepris d’arrêter les teintures en 2015. C’était après avoir vu une femme somptueuse à la chevelure de nacre dans un café de Saint-Tropez. Est-ce que votre réflexion était amorcée depuis longtemps?
Oui. Ce qui me faisait hésiter, c’est qu’il y avait très peu de représentations de femmes flamboyantes avec les cheveux blancs. Bien sûr, on a tous une grand-mère que l’on trouve magnifique, mais je parle de femmes à l’âge où la question se pose: est-ce qu’on teint ou pas? Chez celles qui avaient décidé de conserver leurs cheveux blancs ou gris, je ne sentais pas de jubilation à représenter le féminin de cette façon-là. Elles l’éprouvaient peut-être, mais elles faisaient profil bas.
Puis, j’ai commencé à croiser des femmes qui ressemblent à ce que je suis aujourd’hui. Je ne saurais dire si elles étaient jolies ou pas, mais elles avaient de belles allures, les cheveux blancs, longs, jusqu’à la taille même. Et chaque fois, je me disais: c’est pas possible comme c’est beau! La femme dont je parle dans mon livre m’a décidée, mais il a fallu que j’en vois cinq ou six avant.
Vous avez choisi de ne pas masquer votre transition (le fameux « going grey »); au contraire, vous l’avez même documentée sur Instagram, où vous êtes suivie par près de 130 000 personnes. Comment l’avez-vous vécue?
Ça me faisait peur, au début, d’avoir la moitié de la tête blanche et l’autre noire. Mais je me suis rendu compte qu’il fallait bien que quelqu’un le fasse, un jour, en racontant comment on se sent. Finalement, j’ai appris qu’on n’en meurt pas, de ne pas avoir la tête de tout le monde! Les gens sur Instagram me disaient: «Si c’est réussi sur vous, nous le ferons.»
J’étais comme une porte-parole; ça m’a donné de la force. Pas que j’aie douté, mais je me sentais parfois comme le petit cheval dans le mauvais temps de la chanson de Brassens. J’avançais avec ces cheveux qui blanchissaient… Je n’ai pas eu le sentiment d’avoir du courage, mais je reconnais que c’était quand même courageux de le faire.
On a beaucoup essayé de trouver une explication à votre geste: maladie, allergie ou autre. Comme pour L’envie (2011), d’ailleurs, dans lequel vous racontiez un épisode d’abstinence sexuelle volontaire. Notre société est-elle fondamentalement allergique à la marge?
Les gens sont fascinés par la marge: ils achètent des chansons, regardent des séries qui la racontent. Mais quand quelqu’un la vit, tout à coup, ça fait peur. Moi, j’ai toujours fait autrement que ce que prescrit la norme. Si les réactions à ma transformation sont majoritairement positives, il y a des personnes que ça énerve. L’une d’entre elles a écrit sur Instagram que j’étais la fraude littéraire de la rentrée; elle voulait que je la rembourse. Plutôt que de mal réagir, j’ai répondu que je comprenais que ça la scandalise. Tous les gens qui ne font pas comme les autres sont des fraudeurs.
Mais il en faut.
Les médias ne font pas beaucoup de place aux femmes avec les cheveux blancs, ou alors c’est une place très formatée…
S’il y a une chose que mon livre va aider à changer, c’est ça. Il faut dépasser les représentations actuelles de la femme aux cheveux blancs, qui la dépeignent en Cruella, avec porte-jarretelles et air de tueuse, ou encore comme l’image même de la solitude, avec les rides creusées. Le fait est que les cheveux blancs arrivent très tôt sur la tête des femmes, et que beaucoup le vivent comme un renoncement. En effet, elles ne sont pas narcissisées par les magazines, le cinéma… Elles ont l’impression que quelque chose est fini, alors que ce n’est pas vrai. On peut avoir les cheveux blancs et être ultramoderne.
Votre rapport à la beauté était plutôt violent, avant, comme en témoigne le début de votre livre. Comment cette expérience vous a-t-elle transformée?
J’ai vraiment eu l’impression de me dévoiler. De m’offrir la liberté – une liberté qui n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais. On m’avait dit que je deviendrais transparente. Mais quand vous avez les cheveux blancs très longs, comme moi, tout le monde vous remarque. Il y a des jours où je me trouve belle, d’autres pas.
Quelqu’un a dit, un jour: «Sophie Fontanel, elle s’adore.» Non. Elle s’adore parfois, et enfin.
Une apparition, par Sophie Fontanel, Robert Laffont, 252 pages.
EmmaPolly, blogueuse
Photo: Instagram @EmmaPollyAnnika von Holdt, écrivaine
Claudine Penedo, professeur de yoga, actrice et mannequin
Sophie Fontanel, journaliste de mode
Louise Latraverse, comédienne et mannequin pour Denis Gagnon
Alyson Walsh, journaliste de mode
Gail, psychologue
Cordelia Dietrich, mannequin
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Eveline Hall, actrice, chanteuse, danseuse de ballet et mannequin
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Lyn Slater, blogueuse mode
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Sarah Jane Adams, designer de bijoux, mannequin et icône d’Instagram
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Roxanne Gould, mannequin et propriétaire de Roxanne Makeup, une gamme de maquillage vegan et organique
Ingmari Lamy, artiste
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Bo Talley, organisatrice d’événements
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