Voyages et escapades

Évasion: Splendeurs d’Équateur

Villes coloniales remarquables, volcans époustouflants et décors naturels spectaculaires: l’Équateur est aussi diversifié qu’agréable à explorer. Tour guidé en mode contemplatif.

On découvre le massif de la Nariz del Diablo en empruntant un train plutôt pittoresque.  À couper le souffle !

On découvre le massif de la Nariz del Diablo en empruntant un train plutôt pittoresque.
À couper le souffle ! Photo: Gary Lawrence

À cheval sur une ligne peinte au sol, j’ai un pied dans l’hémisphère Sud et l’autre dans l’hémisphère Nord. C’est du moins ce que je crois, dans cette sorte de parc d’attractions qu’est la Mitad del Mundo – le Milieu du monde –, aménagé là où l’équateur est censé couper le globe en deux.

« Désolée, mais la véritable latitude zéro passe à 240 mètres d’ici, au Museo Intiñan ! » m’indique Analia, ma guide, avant de le prouver sur-le-champ avec le GPS de son téléphone.

En 1736, une expédition française avait presque réussi à déterminer l’endroit exact où passe cette ligne équinoxiale, un tour de force pour l’époque. Surtout quand on découvre le relief incroyablement accidenté des environs… et du pays. Car l’Équateur est tout sauf plat : montagnes lunaires dans la Sierra du Nord, jungle amazonienne dans l’Oriente, cols vertigineux dans les Andes, falaises rectilignes surplombant des plages isolées, et surtout innombrables sommets volcaniques, actifs ou pas, qui se suivent à la queue leu leu dans la bien nommée avenue des Volcans.

En moins d’une semaine, j’ai -parcouru l’essentiel de cette vallée d’altitude traversée par l’autoroute panaméricaine et jalonnée d’une soixantaine de dômes volcaniques, dont le Chimborazo, le plus haut (6 267 mètres), le Cayambe, qui domine une région de roseraies – l’Équateur est le principal exportateur de roses du monde –, le Sangay, qui crachote rochers, fumée et cendres, et le Cotopaxi (5 897 mètres), empanaché de neige et l’un des plus courus par les randonneurs chevronnés.

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Photo: Gary Lawrence

La première fois que j’ai pu admirer la superbe de ce volcan, c’était à l’hôtel Cotopaxipungo. Construit à la manière des haciendas – ces résidences coloniales aujourd’hui transformées en auberges –, il est juché sur un spectaculaire promontoire. « Ça m’a pris trois ans avant de trouver ce site ; par temps dégagé, on aperçoit une vingtaine de volcans à la ronde ! » affirme Sebastián Cornejo, le propriétaire. Le soir, on y distingue les lumières de Quito, à une cinquantaine de kilomètres au nord.

Capitale la plus haut perchée du monde après La Paz, en Bolivie, Quito tapisse la Sierra à une altitude de 2 850 mètres. Tout éminente qu’elle soit, la ville s’accroche aux flancs d’un volcan caractériel, le Guagua Pichincha (4780 mètres), au sommet duquel on accède par téléphérique pour admirer toute son étendue…

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Photo: Gary Lawrence

La vieille ville a été la première inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1978. Pas étonnant, me dis-je en arpentant les ruelles abruptes et les ravissantes places de son centro histórico : l’architecture coloniale du 17e siècle est partout remarquable, de la calle La Ronda, où se côtoient bouibouis kitsch et galeries d’art branchées, jusqu’à la basilique gothique, dont on a troqué les gargouilles contre des condors, des tapirs et autres bêtes équatoriennes.

Quitter Quito

Dès que je sors de la capitale, je suis frappé par toutes les maisons à moitié bâties qui bordent la Panaméricaine, comme si un cataclysme avait stoppé net leur construction. « C’est un peu ça : lors de la crise de l’an 2000, beaucoup d’Équatoriens sont partis à l’étranger et ne sont jamais revenus, m’explique Luis Maldonado, mon nouveau guide. Mais ça va beaucoup mieux de nos jours, grâce surtout aux gisements de pétrole de l’Amazonie. »

Bordé par la Colombie et le Pérou, l’Équateur est aujourd’hui l’un des pays les plus stables et les plus prospères d’Amérique du Sud, malgré un passé semé de coups d’État. La plupart de ses quelque 16 millions d’âmes sont des mestizos aux origines européennes et indigènes, et plus du quart sont indígenas (autochtones).

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D’une grande beauté pour ses richesses naturelles – volcans et lacs – et ses villes au patrimoine bien préservé, dont Cuenca, reconnue par l’Unesco. Photo: Gary Lawrence

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Photo: Gary Lawrence

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Photo: Gary Lawrence

Des souvenirs à rapporter : bonnets et écharpes en alpaga et autres lainages.

Des souvenirs à rapporter : bonnets et écharpes en alpaga et autres lainages. Photo: Gary Lawrence

Je me rends bien compte de cette dominante indigène en empruntant la boucle de Quilotoa, un parcours andin qui mène au village du même nom, aux abords d’un immense lac de cratère dont les eaux turquoise diffusent une subtile lumière. J’attrape presque le torticolis à force de zieuter le décor et les hameaux, où tout le monde arbore étoffes colorées et chapeaux de feutre. Et me voilà à Tigua, une petite communauté d’artistes où vit Julio Toaquiza, le plus célèbre peintre naïf du pays. « Il y a une quarantaine d’années, j’ai commencé à dessiner mes rêves, que je voyais en couleur ; depuis, je n’ai plus arrêté », dit-il assis devant son chevalet. Aujourd’hui, 300 artistes – dont ses huit enfants – imitent son style, qui dépeint le quotidien et les légendes des Quechuas, peuple fascinant issu des Incas.

Si c’est au Pérou qu’on associe toujours le peuple du Soleil, c’est pourtant en Équateur qu’est né Atahualpa, le dernier empereur inca, exécuté par les conquistadors en 1533. De nos jours, le pays compte peu de vestiges incas, si ce n’est l’or dérobé à cette ancienne civilisation, qui tapisse la fabuleuse église Compañía de Jesús, à Quito, et les quelques empreintes éparses du site archéologique d’Ingapirca, au sud. L’endroit témoigne, avec éloquence, de l’ingéniosité des Incas : les fenêtres en trapèze du temple du Soleil ont depuis toujours résisté aux séismes.

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Postés tout en hauteur ou face à la mer, les villes et hameaux de l’Équateur ont un charme incomparable. Ici, des arbres en fleurs au Parque Abdón Calderón, au cœur de Cuenca, là, une rue typique à l’architecture coloniale espagnole, à Nariz del Diablo. Partout, on peut aussi voir l’héritage des indígenas, les peuples autochtones, qui forment le quart de la population équatorienne. Photo: Gary Lawrence

 Des vestiges, je retourne bientôt aux vertiges en m’embarquant dans le train menant à la Nariz del Diablo – le Nez du diable –, un étourdissant massif. Tous les jours, ce pittoresque tortillard effectue l’aller-retour entre Alausí, un village aux tons pastel, et Sibambe, une gare tapie au fond d’une vallée encaissée, au bout de 12 kilomètres de rails et de 600 mètres de dénivelé.

Pour aménager ce segment ferroviaire qui zigzague sur les flancs pentus des gorges du río Chanchán, on a dessiné un parcours extrême dont la construction a coûté la vie à 2 000 hommes au début du siècle dernier. Son tracé périlleux force le conducteur du train à reculer en pleine descente, dans un passage délicat.

Cap sur Cuenca et Guayaquil

À mon arrivée à Cuenca, troisième ville du pays, un vent de fiesta se lève : des centaines de Quechuas débarquent des villages environnants, parés de leurs atours traditionnels les plus colorés, et ils s’apprêtent à parader dans les rues. « Ils se réchauffent pour la fête de l’Indépendance, dans deux semaines ! » dit le guide Luis Maldonado.

Même quand personne n’y déambule, Cuenca brille par la joliesse de ses façades coloniales, de ses dentelles de fer et de ses 52 églises – une pour chaque semaine de l’année –, dont Carmen de la Asunción, juste en face du très odoriférant marché aux fleurs.

J’en profite pour boire un verre d’agua de pítimas, une eau florale élaborée par des sœurs carmélites. « C’est excellent pour la digestion… et pour à peu près tout, croient les habitants de la ville », badine Luis. Je n’en ai pas vraiment besoin : l’excellent ceviche – le plat national de poisson cru – que j’ai dégusté ce midi suit très bien son cours, surtout avec la balade digestive que je m’offre maintenant le long de la rivière Tomebamba. Ses rapides longent un parcours piétonnier et cyclable remarquable, qui a valu à Cuenca le prix Jean-Paul-L’Allier (ancien maire de Québec) pour le patrimoine, remis par l’Unesco en 2013.

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En Équateur, de nombreuses haciendas, des maisons coloniales, ont été converties en auberges. Photo: Gary Lawrence

Tandis que je baguenaude, je m’avise que des dizaines de femmes arborent le panama. « Nous l’appelons montecristi, du nom de la région où pousse la paille avec laquelle on le fabrique », explique Luis. Comme les ouvriers qui ont construit le canal de Panamá portaient tous ce chapeau, les gens pensent qu’il vient de ce pays, mais c’est à Cuenca qu’il est surtout confectionné.

Je fais un saut chez Homero Ortega, le plus connu des chapeliers de la région – il a par le passé fourni des couvre-chefs à Salma Hayek, Lady Di, Brad Pitt, Sean Connery, pour ne nommer que ceux-là. Et c’est coiffé du même galurin que Ben Affleck que je reprends la route en direction de Guayaquil, près de la côte Pacifique. Je m’en félicite : il y fait 30 degrés…

J’escalade bien vite les quartiers en hauteur de Santa Ana, où la population afro-américaine papote dans les ruelles, avant de me perdre dans les méandres de Las Peñas, quartier bohème dont les demeures semblent tenir en équilibre au-dessus du fleuve Guayas. 

Je poursuis ma tournée en longeant justement ce río sur le Malecón, lumineuse promenade de front de mer de 2,5 kilomètres où le Tout-Guayaquil aime voir et être vu, entre deux lampées de cerveza à une terrasse. J’arrive enfin au parc Bolívar, sans doute le seul parc urbain au monde à héberger des dizaines de gros lézards. « On pense qu’ils seraient les descendants des iguanes qui sont partis d’ici, sur des radeaux naturels, pour atteindre les Galápagos », dit Luis.

Il ne m’en faut pas plus pour m’imaginer quittant Guayaquil et voguant vers cet archipel mythique. Ce sera pour la prochaine fois, promis juré. 

Carnet d’adresses

Pratique

Copa Airlines relie Montréal à Quito et à Guayaquil, via Panama City, quatre fois par semaine (copaair.com).

Hébergement

À Quito : La Casona de la Ronda, hôtel-boutique colonial (lacasonadelaronda.com) ; Dann Carlton, hôtel–boutique contemporain (danncarltonquito.com).

À Riobamba : Abraspungo, pittoresque hacienda (haciendaabraspungo.com). 

À Cuenca : hôtel Carvallo, chic colonial (hotelcarvallo.com.ec).

Près du Cotopaxi : hôtel Cotopaxipungo (cotopaxipungo.com).

Restauration

À Quito : El Ventanal, ambiance branchée et vue imprenable (elventanal.ec).

À Cuenca : Villa Rosa, élégant et délicieux (ubicacuenca.com/villarosa) ; Guajibamba Cuyes, pour son cochon d’Inde rôti (guajibamba.wordpress.com).

À Guayaquil : Lo Nuestro, succulents fruits de mer (lonuestro.com.ec).

Achats

Tissus, vêtements en alpaga et fines gravures sur calebasse, au marché d’Otavalo ; masques traditionnels, art tigua sur la calle La Ronda, à Quito ; eau de rose, pour soigner les coups de soleil, et chocolat – l’un des meilleurs au monde –, un peu partout.

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