Mon fiancé, ex-triathlète, a eu un petit choc samedi en voyant les photos dans le journal. Ce monde est petit; ils se disent tous, « ça aurait pu être moi« . Et les couples sont généralement formés de deux triathlètes car l’entraînement représente 25 heures par semaine pour un Ironman. Si vous voulez voir votre conjoint(e), vaut mieux rouler-courir-nager aussi et pas dans cet ordre…
Nous venions justement de croiser deux vélos sport qui roulaient côte à côte sur la 243. Je hurlais dans l’auto, je ne voulais pas qu’on les dépasse mais ils étaient dangereux, nous obligeaient à rouler à 20 km/h derrière eux. Nous leur avons signifié que leur conduite était risquée, ils nous ont envoyés balader, comme de bien entendu. Nous étions les vilains automobilistes qui bouffent des cyclistes et décapitent les tortues. Soit.
Je ne fais plus de vélo depuis longtemps, sauf sur les petites routes de terre de campagne avec fiston entre le fiancé et moi. Nous arrêtons lorsque des autos se manifestent à l’horizon. Et nous attendons qu’elles passent. That bad. Ils sont plus gros que nous, roulent plus vite, ne portent « pas de casse » en plus! Je ne prétends pas posséder la route sur deux roues: elle leur appartient, je le sais, comme je sais que la forêt appartient aux loups et aux ours, le ciel aux avions, pas aux oiseaux.
J’ai beau être contre l’utilisation de l’automobile en ville (le moins possible), la solution de rechange ne sera certainement pas le Bixi pour moi. Les pistes cyclables n’existent pas dans mon quartier. À la campagne non plus, y’a trop de poivrots au volant. Et sur les routes asphaltées et passantes que les « vrais » cyclistes empruntent pour s’entraîner, le pire, ce sont les camions, me dit mon fiancé: « Ils n’ont pas besoin de nous serrer, ont juste à passer en coup de vent pour nous déséquilibrer. Combien de fois j’ai pris le fossé... » Et ça amuse les camions, bien sûr. Comme ça les amuse de nous sodomiser sur l’autoroute pour nous montrer qu’ils sont les plus gros.
La solution pour moi? J’ai choisi la marche, je fais un maximum d’emplettes dans mon quartier, je vais chercher mon fils à l’école à pied (il a sa trotinette), je travaille à la maison, j’évite le trafic comme la peste. Le fiancé, qui affichait un léger penchant pour le vélo à son arrivée à Montréal l’automne dernier, s’est rabattu sur le métro, ses pannes (1 h de retard ce matin), ses longueurs, la boîte de sardines deux fois par jour. Mais au moins, il rentre à la maison le soir.
On nous a beaucoup vanté les mérites du vélo, ceux du port du casque, mais il aurait fallu accompagner cette incitation à une sensibilisation de la population motorisée. Ce qui n’a pas été fait. En attendant, même les arbres en fleurs sont en deuil.
Photo: Yung-chien Lew