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Aimer à mort

Adolf Hitler. Joseph Staline. Saddam Hussein… Eux et bien d’autres. On les a appelés des monstres. Pourtant, des femmes les ont aimés, jusqu’à la folie, jusqu’à la mort parfois. Diane Ducret a voulu savoir qui elles étaient.


 

Dans Femmes de dictateur, un récit en deux vo­lumes, l’auteure lève le voile sur les amours des plus sombres personnages du 20e siècle. «L’idée était surtout de ne pas juger. Pour respecter la vérité historique. Mes livres racontent des histoires d’amour qui vont bien au-delà des atrocités commises. Ils reflètent l’affection, l’amour et la passion que les femmes vouent à ces hommes que sont les dictateurs.» Châtelaine a joint Diane Ducret à Paris.

Comment vous est venue l’idée d’écrire Femmes de dictateur?
J’ai découvert un jour qu’Adolf Hitler avait reçu plus de lettres de fans que les Beatles et les Rolling Stones réunis. J’ai réalisé à quel point son pouvoir de séduction était immense et comment cet aspect avait été jusqu’alors négligé par les historiens. Il faut savoir que, pendant les discours de Hitler, les femmes des premiers rangs s’évanouissaient comme dans un concert rock. Les collaborateurs du dictateur allemand soutiennent que, pour ces femmes, les dernières minutes de ses discours étaient un véritable «orgasme de mots». On a aujourd’hui peine à imaginer cela, au vu de cet homme plutôt petit et mal fichu.

Quel serait le portrait-robot des femmes de dictateur?
Il n’y en a pas. Parce qu’il y a vraiment toutes sortes d’amou­reuses. De la jeune fille peu instruite à l’universitaire, de la danseuse étoile à la star américaine (Ava Gardner avec Fidel Castro).

Il y a des femmes avides de pouvoir, comme Mirjana ­Markovic, veuve de Slobodan Milosevic (ancien homme fort de la Serbie, instigateur des guerres de Yougoslavie, en 1991), qui vit aujourd’hui à Moscou. Des apolitiques, comme l’épouse de Khomeiny (guide spirituel de la révolution islamique iranienne, en 1979). Et puis, il y a aussi des chefs de clan comme Sajida Hussein, première épouse du président de l’Irak, qui a essayé tant bien que mal de maintenir la paix dans une famille divisée, tout en protégeant ses fils de la furie de leur père.

De toutes les histoires que vous avez déterrées, lesquelles vous ont le plus étonnée?
Chaque chapitre porte sur un dictateur différent et révèle son lot de surprises. Découvrir, par exemple, que la dernière maîtresse de Saddam Hussein, une blonde d’origine grecque, habite aujourd’hui quelque part en Suède, dans une HLM décatie. L’écouter me raconter comment la griffe de Saddam est «une pression dont il est impossible de se libérer» a été quelque chose de très émouvant. Tout comme en­tendre Marita Lorenz (que Fidel Castro a forcée à avorter dans des conditions aussi horribles que dramatiques) me répondre?: «Je l’aimais trop et je l’aime encore» pour expliquer pourquoi elle a été incapable de le tuer, alors que la CIA lui avait promis deux millions de dollars pour le faire et qu’elle en avait la possibilité.



 

Ces femmes aiment-elles l’homme ou le pouvoir?
Elles aiment l’homme, à n’en pas douter. Vraiment. D’ailleurs, beaucoup de ces femmes ont rencontré leur amoureux bien avant que celui-ci accède au pouvoir. Et elles lui restent fidèles, peu importe ce qu’il advient. Le point commun entre toutes ces femmes, c’est d’aimer leur homme jusqu’à en mourir. Jusqu’à en être elles-mêmes détruites. [Eva Braun, compagne de Hitler, se suicide avec lui peu de temps après leur mariage. Clara Petacci, maîtresse de Mussolini, est exécutée avec lui. Jiang Qing, épouse de Mao, se suicide en prison. Elena Ceausescu est fusillée.] Je crois que cela tient au charisme de ces hommes, qui leur assure une intensité de vie inégalée et inégalable. Et puis, quelque part, il y a peut-être aussi un peu du syndrome de Stockholm [syndrome des otages qui en viennent à développer de la sympathie ou de l’amour pour leur geôlier] dans ces unions. Ces femmes finissent par s’attacher à celui-là même qui leur fait du mal.

Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de dictatrice?
On a déjà vu des reines ou des régentes à poigne, mais pas à proprement parler des dictatrices. D’après mes recherches, cela ne serait tout simplement pas un mode de gouvernance féminin. J’ai remarqué que même les femmes de dictateur les plus dures – Mirjana Markovic (Serbie), Elena Ceausescu (Roumanie) et Jiang Qing, épouse de Mao (Chine) –, qui ont toutes un jour rêvé de tenir la première place, n’ont jamais démontré la volonté de renverser leur mari pour régner seules. Conquérir le pouvoir par les armes ne semble donc pas être une approche très féminine.

Avec ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, que vous inspire la situation d’Asma, l’épouse de Bachar al-Assad?
Je m’interroge sur l’avenir de cette femme belle et instruite, malheureusement prise dans les filets de la propagande de son mari, dont elle ne peut sortir. Je crois que c’est une bonne épouse, une bonne mère et qu’elle aime sincèrement son mari et son pays. En revanche, elle est aussi victime de cette perte de contact avec la réalité qui caractérise toutes les femmes de dictateur. Elle a ce côté Marie-Antoinette. Une fringale pour les achats de luxe conjuguée à un aveuglement complet. Elle achète des chaussures Louboutin à plusieurs milliers d’euros alors que tout s’effondre autour d’elle. Cette folie des produits de luxe est d’ailleurs commune à toutes les femmes de dictateur. C’est comme si, alors même que tout vous échappe, que le régime sombre dans la violence, posséder des objets de luxe entretenait l’illusion de conserver le pouvoir.


 

Femmes de dictateur, Les grands tyrans du 20e siècle, Pocket, 448 pages


 

Femmes de dictateur 2, Leaders et tyrans contemporains
, Perrin, 378 pages.

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