Livre du mois

La délivrance de Jussi Adler-Olsen

600 pages qui filent en un clin d’œil !

L’intrigue
Un message trouvé dans une bouteille. Un appel au secours déchirant, écrit en lettres de sang. Voilà le point de départ de cette troisième enquête de l’inspecteur Carl Morck, chef de l’Unité V de la police de Copenhague responsable des crimes non résolus. Aidé de son « assistant » Assad, un concierge syrien qui traîne partout son tapis de prière et son thé à la menthe, et de Rose, secrétaire à tout faire qui n’en fait qu’à sa tête, Morck va tenter de résoudre la disparition d’enfants issus de familles vivant dans des sectes religieuses. En toile de fond, une ville perturbée par les guerres de gangs, où la police, débordée, subit coupures et réformes. Avec ce roman policier époustouflant, Adler-Olsen a mérité le prix Clé de verre du meilleur thriller scandinave.

Le thème
La vengeance, avec un grand V. Comme dans tous les polars de ce géant des lettres scandinaves, c’est le désir de réparer l’irréparable qui est au cœur de la machine à tuer.

L’inspiration
La politique, le secret, le côté obscur de l’âme humaine ont toujours fasciné l’auteur de Profanation. Trois éléments qui, pour ce fils de psychiatre, constituent les ingrédients clés du thriller.

Points forts
Un rythme haletant, démentiel. Une histoire incroyablement complexe et pourtant limpide. Des personnages en tous points originaux. Des intrigues entrelacées comme des barbelés. Et 600 pages qui filent en un clin d’œil !

Bio express
Né le 2 août 1950 à Copenhague, Jussi Adler-Olsen a été guitariste d’un groupe pop, étudiant en médecine, scénariste, mathématicien amateur et militant pour la paix. Auteur d’essais et d’un récit de guerre, il a écrit trois thrillers avant de connaître le succès avec Miséricorde, premier de la série mettant en vedette son inspecteur fétiche.

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Extrait 

PROLOGUE

Il y avait maintenant trois jours qu’ils étaient là et leurs vêtements étaient imprégnés d’une odeur de goudron et d’algues. Sous le plancher du hangar à bateaux, une substance épaisse faite de glace à demi fondue clapotait doucement contre les pilotis, et leur rappelait des jours plus heureux. Il se redressa de son lit de vieux journaux et se pencha jusqu’à ce qu’il puisse apercevoir le visage de son petit frère qui, même dans son sommeil, avait l’air d’avoir froid et d’avoir mal.

Dans quelques instants il allait se réveiller et jeter autour de lui un regard désorienté. Il sentirait les sangles de cuir serrées autour de ses poignets et de sa taille. Il entendrait le bruit de la chaîne qui l’entravait. Il verrait les bourrasques de neige et la lumière du jour passer à travers les rondins goudronnés des murs. Puis il se mettrait à prier.

Il avait vu le désespoir jaillir dans les yeux de son frère un nombre incalculable de fois. Et ses lèvres avaient quémandé la grâce de Jéhovah à maintes et maintes reprises sous l’adhésif puissant qui lui fermait la bouche.

Ils savaient pourtant tous deux que Jéhovah ne leur accorderait pas sa clémence, car ils avaient bu du sang. Le sang que leur bourreau avait versé goutte après goutte dans un verre d’eau. De l’eau qu’il les avait fait boire avant de leur dire ce qu’elle contenait. Ils avaient bu de l’eau mélangée au sang interdit et ils étaient bannis pour toujours. Et leur honte était plus insupportable encore que leur soif.

« Que va-t-il faire de nous ? » lui demandait son cadet des yeux. Comment répondre à sa question muette ? Tout ce qu’il savait, parce que son instinct le lui disait, c’est que leur fin était proche.

Il s’allongea pour examiner, malgré la faible luminosité, le local dans lequel on les avait enfermés, son regard s’arrêtant sur chaque centimètre des solives du plafond et sur chaque toile d’araignée. Il prit note mentalement de chaque aspérité et de chaque interstice. Répertoria les pagaies, les rames pourries mises au rebut et les filets de pêche moisis qui ne serviraient plus jamais à attraper un poisson.

C’est ainsi qu’il découvrit la bouteille. Un rayon de soleil vint frapper le verre blanc légèrement bleuté et l’éblouit. Elle était tout près et pourtant inaccessible. Elle était juste derrière son dos, coincée entre deux des grosses lattes de bois dont était fait le sol du hangar.

Il inséra ses doigts gelés dans l’interstice entre les planches et tenta de saisir la bouteille par le col. Dès qu’il l’aurait dégagée, il la casserait, et avec un bout de verre il scierait la lanière de cuir qui emprisonnait ses mains. Quand cette première sangle aurait cédé, il se débrouillerait malgré ses doigts engourdis pour détacher la boucle de la ceinture qui immobilisait ses bras dans son dos. Il arracherait l’adhésif de sa bouche, se tortillerait jusqu’à débarrasser son torse et ses jambes de tous leurs liens. Aussitôt que la chaîne fixée aux sangles de cuir ne le retiendrait plus, il courrait libérer son petit frère. Il le prendrait dans ses bras et le serrerait très fort jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent tous les deux de trembler.

Ensuite il se servirait du tesson comme d’une gouge pour rogner le bois autour de la porte et démonter les charnières. Et si par malheur la voiture revenait avant qu’il ait fini, il attendrait l’arrivée de l’homme. Il se cacherait derrière la porte, la bouteille cassée à la main. Voilà ce qu’il allait faire. Il se pencha en avant, joignit ses mains glacées dans son dos et pria Dieu de lui pardonner ses mauvaises pensées. Et puis, il se remit à gratter la fente du parquet autour de la bouteille pour la libérer. Il gratta tant et si bien que la bouteille finit par basculer légèrement et qu’il put refermer ses doigts autour du goulot.

Il tendit l’oreille.

Était-ce un bruit de moteur qu’il entendait ? Oui. Ce devait être un moteur puissant – une grosse voiture. Approchait-elle ou bien passait-elle simplement sur une route à proximité?

Le bruit sembla s’amplifier pendant quelques secondes. Il se mit à tirer avec tant de fébrilité sur la bouteille que ses phalanges craquèrent. Mais le bruit s’atténua à nouveau. Peut-être ce son sifflant et bourdonnant provenait-il d’une éolienne ? Ou d’autre chose. Il ne savait pas.

Il souffla doucement par les narines afin de former un petit nuage de vapeur autour de son visage. Pour l’instant, il n’avait pas peur. Il lui suffisait de penser à Jéhovah et à son infinie bonté pour se sentir rassuré.

Il serra les lèvres et continua. Quand la bouteille fut enfin libre, il la cogna aussi fort qu’il put contre le plancher. Son petit frère leva brusquement la tête et regarda partout autour de lui comme un moineau effrayé.

Il tapa encore et encore. Il avait du mal à donner de la force à ses coups avec les mains liées derrière le dos. C’était une tâche terriblement difficile. Quand finalement ses doigts, engourdis par l’effort et le froid, lâchèrent le col de la bouteille, il se retourna et la contempla, les yeux vides d’expression, cependant que la poussière retombait tranquillement sur le sol du local exigu.

Il ne parviendrait pas à la casser. C’était tout bonnement impossible. Il était incapable de casser une simple bouteille. Était-ce à cause du sang qu’ils avaient bu ? Jéhovah les avait-il abandonnés ?

Il tourna les yeux vers son frère qui s’enveloppait à nouveau dans sa couverture avec des gestes infiniment lents et se recouchait sans rien dire. Sans même essayer de marmonner quelque chose derrière son bâillon.

Il mit un certain temps à rassembler ce dont il avait besoin. Le plus difficile était de s’étirer suffisamment au bout de sa chaîne pour atteindre de la pointe des doigts les coulées de goudron entre les voliges du plafond. Le reste était à portée de main : la bouteille, l’écharde arrachée à une latte du plancher, le papier sur lequel il était assis.

Il enleva une chaussure et s’entailla la paume si profondément avec le morceau de bois que ses yeux s’emplirent de larmes malgré lui. Ensuite il fit couler le sang sur le cuir lisse du soulier. Il arracha un gros morceau de papier de son matelas de fortune, trempa le bout de l’écharde dans le sang et se tourna autant que le lui permettait l’entrave et juste assez pour voir ce qu’il écrivait derrière son dos. Il expliqua du mieux qu’il put, d’une écriture minuscule, l’étendue de leur misère. Puis il signa la lettre, l’enroula et la glissa dans la bouteille.

Il enfonça soigneusement une boule de goudron dans le goulot. Quand il eut achevé sa tâche, il se retourna plusieurs fois pour vérifier que tout était en ordre.

Mais soudain il entendit à nouveau le bruit sourd d’un moteur. Cette fois, il n’y avait aucun doute possible. Il jeta un regard douloureux à son frère puis il s’étira le plus loin possible vers la paroi du hangar et le rai de lumière qui filtrait à travers, le seul endroit où il y avait une brèche assez large pour faire passer la bouteille.

La porte s’ouvrit brutalement et une ombre compacte pénétra dans la pièce, accompagnée d’une bourrasque de flocons de neige.

Silence.

Et plouf.

Une bouteille tomba dans l’eau.

 

1

           Carl s’était déjà réveillé plus en forme que ce matin-là. Le premier message que lui envoya son organisme fut un geyser d’acide montant dans son oesophage. Quand il ouvrit les yeux pour se mettre en quête d’un récipient quelconque pour accueillir les éventuels débordements, il découvrit un visage de femme aux traits brouillés, bavant légèrement sur l’oreiller d’à côté.

Merde, c’est Sysser, se dit-il en essayant désespérément de se rappeler quelle autre connerie il avait pu faire la veille. De toutes ses connaissances, il avait fallu que ça tombe sur Sysser, la fumeuse invétérée qui habitait deux maisons plus loin. La volubile et bientôt retraitée femme à tout faire de la mairie d’Allerød.

Une horrible pensée lui traversa l’esprit. Il souleva très lentement la couette, pour constater avec soulagement qu’au moins, il n’avait pas retiré son caleçon.

« Merde », dit-il à voix haute cette fois, en enlevant de son torse la main maigre de Sysser. Il n’avait pas eu une gueule de bois pareille depuis l’époque où Vigga vivait encore avec lui.

« Pas de détails, s’il vous plaît », dit-il en croisant Morten et Jesper dans la cuisine. « Dites-moi juste ce que la dame qui est là-haut fout dans mon lit.

– La dondon pesait une tonne », lui répondit son beau-fils, tout en buvant son jus d’orange à même le carton. La prescience de Nostradamus n’allait pas assez loin dans le temps pour prédire le jour où ce garçon saurait se servir d’un verre.

« Je suis désolé, Carl, ajouta Morten. Elle n’arrivait pas à trouver la clé de chez elle, et comme toi, tu étais déjà dans les bras de Morphée, je me suis dit que… »

C’est la dernière fois de ma vie que je participe à un barbecue organisé par Morten, se promit Carl en jetant un coup d’oeil au lit où reposait Hardy dans le living.

Depuis quinze jours que son ancien coéquipier vivait avec eux, l’atmosphère de la maison avait subi un changement radical. Pas seulement parce que le lit d’hôpital modulable occupait le quart de la surface du salon et occultait partiellement la vue sur le jardin, ni parce que Carl était incommodé par la vue du pied à perfusion ou par les poches remplies d’urine, ni même parce que le corps totalement paralysé d’Hardy produisait un flux constant de gaz nauséabonds. Ce qui changeait tout, c’était le sentiment de culpabilité que sa présence provoquait chez Carl. Une culpabilité due au fait que lui, il avait encore l’usage de ses deux jambes et la possibilité d’aller où il voulait quand il voulait. Et le sentiment de devoir constamment compenser cet avantage. Être là pour Hardy. Faire tout ce qui était en son pouvoir pour son ami tétraplégique.

« Ne t’inquiète pas », lui avait dit Hardy, comme s’il avait pu lire dans sa tête, quand ils avaient pesé les avantages et les inconvénients de le sortir de la clinique du dos à Hornbæk.

« Ici, il se passe parfois des semaines sans que je voie ta gueule. Tu ne crois pas que je vais être capable de me passer de toi quelques heures si je viens habiter chez toi ? »

Le problème est que même quand Hardy somnolait bien tranquillement dans son coin sans déranger personne, il était là. Dans les pensées de tout le monde, dans l’organisation de leurs journées, dans certains mots qu’il fallait désormais trier avant de les prononcer à voix haute. C’est épuisant. Et un foyer n’est pas un endroit où l’on rentre pour se fatiguer. Et puis il y avait les détails pratiques. Le linge, les draps à changer, les manipulations de l’énorme corps d’Hardy, les courses, les échanges avec ses infirmières et les services administratifs, la cuisine. Enfin, ça, c’était Morten qui s’en chargeait, mais il y avait tout le reste.

« Tu as bien dormi, mon vieux ? » demande-t-il à Hardy prudemment, en s’approchant de son lit.

Son ancien coéquipier ouvre les yeux et sourit. « Alors, ça y est ? Fini les vacances ? Retour au turbin, Carl ! Les deux semaines sont finies. C’est passé rudement vite, dis donc ! Mais rassure-toi, Morten et moi, on va s’en sortir comme des chefs. Tu salues les collègues pour moi, d’accord ? »

Carl hocha la tête. Se dit que ça devait être terrible d’être dans la peau d’Hardy. Ah, si seulement il pouvait prendre sa place ne serait-ce que pour une journée.

Et donner à Hardy la possibilité de retrouver une vie normale juste pour vingt-quatre heures.

À part les policiers d’astreinte à l’accueil, Carl ne rencontra pas âme qui vive. L’hôtel de police était désert. Le couloir sous les arcades, gris et rébarbatif.

« Qu’est-ce qui se passe ici, putain ? » gueula-t-il en arrivant dans la cave.

Il s’attendait à un accueil enthousiaste, ou au moins aux relents de la mixture mentholée et gluante qu’Assad appelait du thé, ou à une version sifflée des grands classiques interprétée par Rose, mais c’est un silence de mort qui l’attendait au sous-sol. Est-ce que tout le monde avait abandonné le navire pendant le bref congé qu’il avait pris pour s’occuper de l’installation d’Hardy ?

Il entra dans le cagibi de son assistant et regarda autour de lui, perplexe. Plus de photo de ses vieilles tantes, plus de tapis de prière, ni de boîtes pleines de douceurs orientales. Même les néons du plafond étaient éteints.

Il traversa le couloir et alluma le plafonnier de son bureau. Les pénates rassurants dans lesquels il avait résolu trois affaires et en avait classé deux. Le havre de paix que l’interdiction de fumer dans les locaux publics avait épargné, et où les dossiers anciens qui étaient la spécialité du département V étaient sagement empilés en trois tas impeccablement triés selon un système infaillible élaboré par lui-même.

Il se figea à la vue d’une table de travail d’une propreté irréprochable et qu’il n’avait jamais vue auparavant. Pas un grain de poussière. Pas la moindre encoche sur le plateau. Pas une seule feuille A4 couverte d’une écriture serrée sur laquelle poser ses jambes fatiguées avant de la froisser et de la jeter à la corbeille. Une tornade blanche semblait avoir nettoyé les lieux.

« Rose ! » appela-t-il aussi fort que possible.

Mais sa voix résonna inutilement à travers le sous-sol. Il était seul au monde. Le dernier homme vivant de la planète, un coq privé de poules. Un roi prêt à donner son royaume pour un cheval.

Il saisit le combiné du téléphone et composa le numéro de poste de Lis au deuxième, à la brigade criminelle.

On décrocha au bout de vingt-cinq secondes.

« Secrétariat du département A, j’écoute », répondit son interlocutrice.

Il reconnut Mme Sørensen, son ennemie jurée au sein de la police. La louve Ilse en personne.

« Bonjour, madame Sørensen », dit-il de sa voix la plus suave. « Je suis tout seul au sous-sol, telle une âme en peine. Pouvez-vous me dire ce qui se passe ? Est-ce que par hasard vous auriez une idée de l’endroit où se trouvent Assad et Rose ? »

Moins d’un millième de seconde plus tard, la mégère lui avait raccroché au nez.

Il se leva et mit le cap sur le bureau de Rose au bout du couloir. Peut-être trouverait-il chez elle la solution de l’énigme de la disparition des dossiers. L’idée semblait cohérente jusqu’à ce qu’il remarque la bonne dizaine de panneaux d’affichage dont on avait tapissé la cloison entre la porte d’Assad et celle de Rose. Et sur ces dix panneaux étaient suspendus tous les dossiers qui, il y a deux semaines encore, étaient posés sur son bureau.

La présence d’un escabeau en bois de mélèze jaune vif révélait l’endroit où l’on avait accroché la dernière affaire. Une de celles qu’ils avaient dû classer sans suite. La deuxième de suite qu’ils n’avaient pas pu résoudre.

Carl recula d’un pas pour avoir une vue d’ensemble sur l’enfer de paperasses. Qu’est-ce que ses dossiers fichaient sur ce mur ? Rose et Assad avaient perdu la tête, ou quoi ? Il comprenait mieux pourquoi ils avaient disparu tous les deux.

Ils n’avaient tout simplement pas osé rester.

Au deuxième étage, c’était la même chose. Pas un chat dans les bureaux. Même le comptoir derrière lequel trônait habituellement Mme Sørensen était vide. Le bureau du chef de la criminelle, idem, celui de son adjoint, pareil, le réfectoire, la salle de réunion. Il n’y avait personne nulle part.

Merde, se dit-il. Est-ce qu’il y avait eu une alerte à la bombe ? Ou bien la réforme de la police avait-elle abouti à ça ? On avait viré la totalité des effectifs, et mis les locaux en vente ? Est-ce que la nouvelle soi-disant ministre de la Justice avait pété un plomb ? Est-ce que tout le monde était devenu fou pendant son absence ?

Il se gratta la nuque, décrocha un téléphone et appela le gardien à l’entrée.

« Salut, c’est Carl Mørck, là. Où est-ce qu’ils sont tous ?

– Presque tout le monde est dans la salle des commémorations.

– La salle des commémorations ? Le 19 septembre n’est que dans six mois ! Qu’est-ce qu’ils foutent là-bas ? Ce n’est pas en mémoire de la déportation des policiers danois en tout cas!

– La directrice de la police avait des choses à dire aux différents départements sur les réajustements suite à la réforme. Désolé de ne pas t’avoir prévenu tout à l’heure, Carl. Je croyais que tu étais au courant.

– Mais enfin, je viens d’avoir Mme Sørensen au bout du fil.

– Elle a dû mettre un transfert d’appel sur son numéro de portable. »

Carl secoua la tête. Ils étaient tous devenus cinglés et une fois de plus, le ministère avait eu le temps de tout mettre sens dessus dessous pendant qu’il avait le dos tourné.

Il se perdit dans la contemplation du fauteuil moelleux et confortable du chef de la criminelle. Voilà un endroit au moins où il pourrait fermer les yeux sans témoin.

Il se réveilla dix minutes plus tard, la main de l’adjoint Lars Bjørn sur l’épaule et les yeux ronds et rieurs d’Assad à dix centimètres de son visage.

Fini la tranquillité.

« Viens, Assad », dit-il en s’extirpant du fauteuil. « Toi et moi on va descendre décrocher tous ces dossiers du mur, tu m’entends ? Où est passée Rose ? »

Assad secoua la tête. « Non, Chef, on ne peut pas faire ça, alors. »

Carl rentra sa chemise dans son pantalon. Qu’est-ce qu’il était en train de lui raconter ? Bien sûr qu’ils pouvaient faire ça. C’était quand même à lui de décider comment il voulait organiser le travail de son propre département ?

« Allez, dépêche-toi. Et va me chercher Rose. TOUT DE SUITE !

– Le sous-sol est condamné, dit l’adjoint Lars Bjørn. Les canalisations en amiante floqué doivent être remplacées. L’inspection du travail est passée. Il n’y a rien à faire. C’est comme ça.»

Assad acquiesça. « Oui, c’est comme ça. On a été obligés de déménager à l’étage et on n’est pas très bien dans le nouveau bureau. Mais on vous a trouvé un bon fauteuil », ajouta-t-il comme si ça pouvait être une consolation. « On ne sera que tous les deux parce que ça ne plaisait pas à Rose. Alors elle a prolongé son week-end. Mais elle va revenir cet après-midi.»

Carl ne se serait pas senti plus mal si on lui avait donnéun coup de pied dans les testicules.

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