Couple et sexualité

One-night : après la nuit, l’amour

Amourettes. Flirts. Passades. Ce ne sont pas les synonymes de l’expression one-night qui manquent. Mais autant ces fameuses aventures d’un soir ont mauvaise réputation, autant il arrive qu’elles se transforment en de vraies histoires d’amour.

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Est-il possible de s’abandonner un soir à un inconnu et de se réveiller en couple le lendemain matin? « Absolument », rétorque Marie-Pier, 12 ans après cette nuit de décembre 2000, où elle est tombée amoureuse d’Éric. Flashback : Éric Griffin, 32 ans, observe les fêtards qui se déhanchent sur la piste du Liquor Store de Québec. « De toutes les filles qui dansent, lui lance sa bonne amie, laquelle t’attire le plus? » Bon joueur, Éric, célibataire depuis plus d’un an, fouille la piste du regard et répond : « Elle. »

Elle? C’est Marie-Pier Taillon, une étudiante d’université de 23 ans, que le prof de maths au secondaire ne se contentera pas de zieuter. « J’étais assise en train de discuter avec des copines lorsqu’il est venu se présenter. » Si Marie-Pier avoue avoir été séduite par l’audace et la prestance d’Éric, elle ne mord pas pour autant à l’hameçon. « Je sortais d’une relation de huit ans. La dernière chose que je cherchais, c’était l’amour. »

Ils se croisent par hasard deux semaines plus tard au même endroit. Éric revient à la charge, relance une conversation qui démarre sur les chapeaux de roues. « Je le trouvais différent. Il avait beaucoup de conviction », raconte Marie-Pier. Ils passent la soirée à rire et papoter. À la fin, Éric propose de la raccompagner à sa voiture, où il lui avoue qu’il aimerait la revoir. Marie-Pier, fidèle à sa promesse de ne pas se réengager de sitôt, préfère éluder la question.

Trois semaines s’écoulent avant qu’ils se rencontrent de nouveau, aux abords de la piste du bar. Cette fois encore, leur verve semble intarissable. « On découvrait que l’on avait les mêmes valeurs. Les mêmes passions. La même vision de la vie », s’étonne encore Marie-Pier. Cette osmose parfaite atteint son apogée quand la main d’Éric effleure son avant-bras. « J’ai ressenti comme une décharge électrique. Quelque chose de très fort. Beaucoup plus qu’une simple pulsion sexuelle. »

Alea jacta est… Le sort en est jeté: Marie-Pier invite Éric à la raccompagner à la maison. « J’étais libre. Il était libre. J’étais attirée par ses mots. Il ne m’a pas dit non. » Une fois sur place, la joute verbale se poursuit au salon. « Il y avait une chimie incroyable entre nous. Il était très attentif et respectueux. Nerveux aussi. Il m’a approchée avec douceur et quand il m’a embrassée, cela a fait ouf! dans ma tête. »

Question de ne pas trop bafouer sa promesse, Marie-Pier raccompagne Éric chez lui sur les coups de quatre heures du matin. « Il était hors de question qu’il dorme chez moi. Cela ne devait être qu’une aventure sans lendemain… »

Mais, de la parole aux actes, il y a parfois un gouffre dans lequel s’abîment les meilleures intentions. Quelques heures plus tard, à l’université, Marie-Pier se sent comme neige au soleil alors qu’elle est en plein cours de finance. « Je repassais la soirée et la nuit en boucle dans ma tête. Le sexe avait été super; même si nos corps ne se connaissaient pas encore. Mais ce qui me hantait le plus, c’était son odeur. » Plus la matinée avance, plus Marie-Pier se sent sens dessus dessous. « J’avais l’impression d’avoir été frappée par un 18 roues. Je n’arrivais pas à me concentrer. J’étais en totale perte de contrôle. J’étais tellement attirée par lui que cela en était épeurant. »

Bouleversée par cet accident amoureux, il faudra tout son petit change à Marie-Pier pour arriver à laisser un message sur le répondeur d’Éric. « Comme je bafouille souvent quand je suis nerveuse, je me suis enfermée dans les toilettes pour répéter ce que j’allais lui dire. Parce que je voulais lui laisser un message très clair. Je tenais à ce qu’il sache qu’il était bien plus qu’un simple one-night pour moi. »

À son retour à la maison, Éric découvre un message aussi maladroit que mignon, qui l’envoûte totalement. « On s’est retrouvés le soir même. La semaine suivante, j’emménageais chez lui. Le mois d’après, j’étais enceinte. » C’était il y a 12 ans. « Ensuite, on a fait un deuxième enfant, acheté une maison… Bref, on a peut-être tout fait à l’envers, mais ça marche. »
La preuve: ils se marient en juillet.

L’escalier de l’amour
« S’il n’existe pas de recettes miracles pour les histoires d’amour, il y a tout de même certaines étapes à franchir », affirme Egil Linge, psychothérapeute et coauteur, avec le journaliste Dan Josefsson, du livre Du premier rendez-vous à l’amour durable (Belfond). Cela implique de transformer la distance entre deux personnes qui ne se connaissent pas en familiarité précaire, qui devient ensuite intimité, puis communauté de sentiments. « Ce processus est comparable à un escalier, dont chaque marche est synonyme d’une plus grande intimité. »

Dans leur bouquin, Linge et Josefsson racontent que tous les célibataires débutent au pied de l’escalier, et que les premiers contacts visuels correspondent à la montée de la première marche. Ce sont ces échanges de regards qui éveillent en nous l’intérêt de nouer ou non des contacts avec l’autre. Pour apprendre à le connaître et déterminer si l’on souhaite le revoir. Quant à la deuxième marche, elle consiste à une phase de découverte, dont l’objectif est de choisir si l’on veut ou non s’investir dans une relation durable. Pour certains, cette période peut durer plusieurs mois. Pour d’autres, elle ne dure qu’une nuit. Mais, dans les deux cas, l’heure de décider si l’on veut s’engager finit tôt ou tard par sonner. C’est alors que l’on grimpe sur la troisième marche. Celle où l’on se promet une intimité durable parce qu’on est devenu un point de référence si solide l’un pour l’autre qu’il est difficile d’imaginer sa vie autrement. Celle où l’on accepte de lâcher prise d’une façon encore inimaginable alors qu’on était encore sur les deux premières marches. « Selon les gens, monter l’escalier peut aller très vite ou très lentement », rappellent les auteurs Du premier rendez-vous à l’amour durable. Pour illustrer les parcours possibles, ils donnent l’exemple de ceux qui restent sans cesse bloqués sur la deuxième marche parce qu’ils n’arrivent pas à s’engager. Ou encore de ceux qui tentent de forcer la relation pour franchir la troisième marche, sans prendre le temps de vivre la période de découverte de la seconde. Et puis, il y a les exceptions à la règle. C’est-à-dire ceux qui arrivent à sauter rapidement de la deuxième à la troisième marche et qui, dès la première nuit, réalisent qu’ils veulent vivre des années ensemble. « C’est assez rare, mais cela existe, assurent les auteurs. Et c’est pourquoi ces histoires sont exceptionnelles… »

Le one-night virtuel
Laval. Novembre 2008. Marie-Claude Thérien, 26 ans, travaille comme serveuse dans un restaurant que Pierre Garand, 33 ans, fréquente assidûment. « Je me souviens de l’avoir trouvé à mon goût. Mais, comme lui, j’avais déjà quelqu’un dans ma vie. » Le temps passe, et Marie-Claude, fraîchement célibataire, s’inscrit au site de rencontres Monclasseur.com. Au fil de ses recherches, elle tombe sur la fiche d’un gars qui ressemble étrangement à Pierre. Elle lui écrit spontanément en s’assurant de bien caser le nom du restaurant où elle travaille et où il a ses habitudes. « Je me suis inscrit un dimanche, et le lundi matin, j’avais un message de Marie-Claude », raconte Pierre, qui lui répond sans lésiner. S’ensuit un échange soutenu de courriels, tout au long de la journée. « Nos échanges étaient vraiment intéressants, mais j’ai aussi remarqué qu’elle avait un bon français et du vocabulaire… »

De mot en mot, ils se découvrent de nombreuses affinités. « On est allés à la même école secondaire », s’étonne encore Marie-Claude. Renversé par tant d’atomes crochus, Pierre invite Marie-Claude à venir prendre un verre à la maison. Sous le charme, Marie-Claude accepte son invitation sans hésiter ni penser qu’il ne faut sensément pas se rendre au domicile d’une personne que l’on vient tout juste de rencontrer sur Internet. « J’étais tellement transportée par nos échanges que j’ai fait le contraire de ce qu’il faut faire normalement. »

Dès l’instant où Pierre ouvre la porte, ils ressentent tous deux comme une envolée de papillons dans leurs estomacs. Le temps de feindre une maîtrise de soi, ils enchaînent sans compter les conversations. « Ses propos reflétaient tellement les miens que j’avais l’impression qu’elle lisait dans mes pensées », ajoute Pierre. La soirée se poursuit jusqu’à ce que sa meilleure amie sonne à la porte. « J’avais complètement oublié qu’elle devait venir chercher des documents. » Pendant qu’il va les récupérer dans une autre pièce, les deux filles entament un brin de jasette. « Par le temps que je suis revenu à la cuisine, elles étaient littéralement en train de se bidonner. » Le courant passe si bien entre les deux filles que Pierre doit se résoudre à faire des gros yeux à sa copine pour qu’elle comprenne qu’il est temps qu’elle se déguise en courant d’air…

Ils sont enfin seuls, et Marie-Claude fait le premier geste.
Elle: « J’ai osé l’embrasser. »
Lui: « Je me suis laissé faire. »

Elle: « Nos bouches s’agençaient à merveille. »
Lui: « C’était plus que parfait. »

Il ne leur en faudra pas plus pour passer à la vitesse supérieure.
Elle: « Je m’étais promis de ne pas rester à coucher. Je ne voulais pas passer pour une fille facile. »
Lui: « Tout était si naturel entre nous. La conversation, les embrassades… tout. »
Ils ne dorment pas beaucoup, mais il y a zéro malaise. Au contraire.
Lui: « Je lui ai offert une brosse à dents toute neuve. »
Elle: « Il m’a préparé un bon petit déjeuner. »

Aux anges, Marie-Claude se rend au travail le cœur léger et les doigts croisés en souhaitant son appel. Pierre, lui, baigne dans une douce euphorie jusqu’à ce que la sonnerie de son téléphone le sorte de son engourdissement. Au bout du fil, sa meilleure copine s’excuse d’abord de s’être imposée la veille avant de lui donner sa bénédiction fraternelle. Enhardi par le soutien inconditionnel de son amie, Pierre téléphone à Marie-Claude pour l’inviter à souper à la maison. C’était le 18 novembre 2008. Ils habitent ensemble depuis.

Elle: « Nos chemins se sont croisés au bon moment… »
Lui: « Notre rencontre a bouleversé nos trajectoires de vie… »
La preuve: ils se sont mariés l’été passé.

Le one-night spirituel
Chicoutimi. Mai 1998. « Je ne cherchais pas une femme, je voulais devenir prêtre », explique Pierre Simard. « Je m’étais juré de ne plus jamais être avec un homme », dit Guylaine Laforest. Et pourtant, voilà déjà 14 ans qu’ils sont ensemble. « Le Bon Dieu m’a joué un sacré tour », ajoute Pierre, 58 ans, qui était retourné aux études à l’âge de 40 ans dans l’espoir de devenir curé. Et cela, après avoir élevé ses deux garçons en solo.

Pierre en était au dernier cours de son cursus de quatre ans, à quelques mois à peine d’être ordonné prêtre, quand il a rencontré Guylaine dans un cours de psychosociologie de la famille, à l’Université du Québec. Celui-ci partageait, avec la classe, comment cela avait été difficile par moments d’élever ses deux garçons seul lorsque, du fond de la classe, Guylaine lui réplique d’arrêter de s’apitoyer sur son sort. « Elle m’a dit qu’elle aussi était monoparentale, avec trois jeunes enfants, mais que cela n’était pas une raison pour se plaindre… »

Les deux défendent leurs points de vue devant la classe avant de poursuivre leur conversation dans un café après le cours. Ils découvrent alors que la mère de Pierre a le même nom de famille que Guylaine et qu’ils ont un grand-père qui partage les mêmes nom et prénom (Joseph Laforest). « Il a fait semblant de s’intéresser à mon arbre généalogique, mais je ne le croyais pas trop », raconte Guylaine. « C’était un prétexte, reconnaît Pierre. Cupidon avait déjà frappé. » Comme si ce n’était pas assez, Pierre en rajoute en sortant du café. « Ma voiture était garée devant l’entrée du parking municipal, où Guylaine était stationnée. J’ai donc levé mon capot et fait semblant de jouer après le moteur. J’ai fait le coup de la panne parce que je voulais la voir une dernière fois. Pour lui envoyer la main. » Pierre décrit les émotions ressenties à ce moment précis comme une série de longues secousses intérieures. « Je n’avais jamais connu cela de ma vie. Tout mon corps tremblait par en dedans. »

À partir de là, Pierre et Guylaine, qui habitent à l’opposé du lac Saint-Jean, lui à Roberval, elle à Dolbeau, se retrouvent en classe une fois par semaine. « Je le trouvais beau, et il avait tout un sens de l’humour, mais je le sentais pressé. Et pas dans le sens pressé à devenir curé… »

La semaine suivante, ils vont prendre un verre ensemble après le cours. Avant de partir, Pierre raccompagne Guylaine à sa voiture. « On était comme des aimants, raconte Guylaine. Quelque chose en nous nous attirait l’un vers l’autre. Quelque chose qui allait bien au-delà de l’attirance physique. » Un sentiment que Pierre résume à la profonde conviction d’avoir trouvé son âme sœur. Certain de ses sentiments à l’égard de Guylaine, Pierre ne la lâche pas d’une semelle. De son côté, Guylaine, elle, préfère garder les deux pieds sur terre en attendant le bon moment.

Ce dernier se présente enfin le 22 août 1998. Le jour où Guylaine invite officiellement Pierre à venir manger à la maison. « Cela faisait trois mois qu’elle me niaisait », lance Pierre, faussement indigné. La soirée, soigneusement orchestrée par Guylaine, se déroule comme un charme et se termine à l’horizontale, après de longues et tendres embrassades sur le divan.

Au petit matin, Guylaine, qui en est déjà au premier bilan, questionne Pierre par rapport à ses choix. « J’avais pas mal d’émotions à démêler. Je devais choisir entre l’amour et l’Église. » Avant de partir, Pierre prend Guylaine dans ses bras et lui dit formellement que le jour où il choisirait de l’aimer, il lui apporterait des fleurs. Trois jours plus tard, Pierre frappe à la porte de Guylaine pour la deuxième fois de sa vie. « Il était à genoux et tenait un gros bouquet de fleurs dans ses mains. »

Pierre attendra jusqu’au dix-huitième anniversaire de son plus jeune, fin septembre, avant d’emménager avec Guylaine. « Je respire mieux lorsqu’on est ensemble. Elle est comme mon deuxième poumon. »

La preuve: devant autant de bonheur, le couple réalise très vite sa chance et combien il serait formidable de voir grandir un enfant dans un environnement aussi aimant. Le temps de s’assurer que ni l’un ni l’autre n’est porteur du gène de l’une des quatre maladies héréditaires fréquentes au Saguenay−Lac-Saint-Jean, Guylaine tombe enceinte presque un an, jour pour jour, après leur première rencontre. « On avait déjà cinq garçons à nous deux. Et puis, en janvier 2000, pour le plus grand plaisir de tous mes hommes, j’ai donné naissance à une petite fille… »  

Six individus. Trois histoires. Une nuit. Et au réveil : l’amour.

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