L'édito

Le club des ex

L’automne dernier, vous étiez six femmes à la tête d’une province canadienne. Quelques mois plus tard, vous n’êtes plus que deux…

Photo : Maude Chauvin

Photo : Maude Chauvin

Chères Pauline, Kathleen, Christy, Alison, Kathy et Eva,

L’automne dernier, vous étiez six. Six femmes à la tête d’une province canadienne ou d’un territoire. À vous seules, vous représentiez plus de 85 % de la population du pays. On se targuait alors d’avoir enfin atteint la parité chez nos dirigeants, d’en avoir fini avec les rôles de figuration.

Quelques mois plus tard, le réveil est brutal : vous n’êtes plus que deux encore au pouvoir. Et, chère Première Ministre de l’Ontario, admettez que votre sort est plus qu’incertain. À la tête d’un gouvernement minoritaire, vous vous lancerez probablement sous peu dans une campagne électorale qui s’annonce aussi rude qu’elle l’a été au Québec… Ah, tiens, Pauline me souffle ce conseil pour vous : « Prends garde aux poings levés, Kathleen ! »

J’aime me faire croire qu’il n’y a pas de lien entre ces départs. D’abord, d’un point de vue idéologique, vous logez à des enseignes différentes. N’en déplaise à certains, le fait de porter deux chromosomes X ne nous confère pas une pensée ni une façon de diriger unilatérales. Ensuite, la plupart des membres de vos partis et des électeurs ne vous ont pas choisies « parce que » vous étiez une femme. De la même manière, j’ose croire (suis-je candide ?) que vous n’avez pas été jugées plus sévèrement.

Mais vous faites désormais partie des premières femmes qui auront occupé, dans ce pays, les plus hautes fonctions. Voilà déjà un point commun. Et la raison pour laquelle je vous écris. Pour que vous m’aidiez à comprendre.

Cinq d’entre vous ont été les seules premières ministres de leur province. Comment se fait-il ? Les Canadiennes peuvent être juges, économistes, entrepreneures, intellectuelles de tout acabit depuis des décennies – une médecin pratiquait déjà en 1880… Pourtant, elles n’arrivent pas à percer en masse la sphère la plus cruciale : celle de la représentation de leurs concitoyens ! À preuve, chaque fois que l’une de vous a démissionné, tous les regards ont glissé vers d’éventuels successeurs à cravate. Mais où est la relève féminine ?

Ici, seul Québec solidaire a atteint la parité chez ses candidats aux dernières élections. Pas surprenant que, sur les 125 députés, à peine 34 soient des femmes. C’est moins qu’en 2012… et 2008.

Que devrons-nous faire pour accroître le nombre d’élues ? Imposer des quotas aux partis ? Opter, comme l’Allemagne ou la Bolivie, pour un système mixte compensatoire qui privilégie entre autres l’alternance femmes-hommes dans le choix des candidats ?

Mais posons-nous d’abord la « vraie » question. Si on allait de l’avant avec des mesures de discrimination positive, les femmes seraient-elles au rendez-vous ? Veulent-elles de cette vie que l’on dit folle, exigeante, parsemée d’attaques personnelles et souvent ingrate ?

Mesdames, j’ignore à quoi vous pensez consacrer la suite de votre carrière. Mais il me semble urgent que votre cercle encore trop restreint se réunisse et nous revienne avec des pistes de solution. À quand un Club des ex?

Crystelle Crépeau, rédactrice en chef

Des réactions ? N’hésitez surtout pas à m’écrire ! redaction@chatelaine.rogers.com

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