Élections fédérales 2015

Stephen Harper et les femmes

Les frais de garde, l’économie et la difficulté de certaines femmes à décrocher des postes de direction: Châtelaine en a discuté avec le premier ministre sortant, Stephen Harper.

Stephen Harper, Parti conservateur (illustration: Sabrina Smelko)

Stephen Harper, Parti conservateur (illustration: Sabrina Smelko)

Après trois mandats et neuf années au pouvoir, le premier ministre Stephen Harper devrait être le candidat que nous connaissons le mieux. Et pourtant, il se révèle insaisissable et souvent carrément diviseur : est-il l’inébranlable timonier qui nous guide d’une main sûre dans les eaux agitées de l’économie mondiale ou celui qui, tranquillement, est en train de saper les valeurs progressistes qui caractérisent notre pays? Nous avons discuté avec le premier ministre lors d’un rare tête-à-tête le 7 septembre dernier, peu après la parution de la photo du corps, noyé, de l’enfant syrien qui a enflammé le monde entier et la publication d’un rapport interne du gouvernement dévoilant la dure réalité à laquelle font face les Canadiennes.

Un rapport interne de Condition féminine Canada révèle que, parmi les pays développés, le Canada prend du recul quant à l’égalité femmes-hommes et que le niveau de pauvreté est en hausse, tant chez les aînées vivant seules que chez les mères de famille monoparentale.
Je n’ai pas lu le rapport, mais voici d’autres statistiques qui font état du contraire. Notre gouvernement a abaissé la pauvreté chez les enfants à un niveau record. L’augmentation du supplément du revenu garanti pour les aînés les plus vulnérables a atteint un sommet sous notre gouvernement. De tout temps, nous détenons, je crois, le plus faible niveau de pauvreté chez les aînés. Donc, je ne sais pas quelles sont les sources de ce rapport. Les chiffres que j’ai vus sont bons, mais évidemment, nous cherchons toujours à les améliorer.

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Le rapport indique que le Canada n’a pas de stratégie globale pour contrer la violence envers les femmes à l’échelle nationale, bien que vous ayez souvent parlé de protéger les femmes à l’étranger, particulièrement en discutant de notre implication militaire en Syrie. Comment conciliez-vous ces deux approches?

Tout d’abord, je tiens à dire que je ne partage pas cette conclusion. Aucun autre gouvernement ne s’est autant attardé à la question de la violence envers les personnes vulnérables. Nous avons débloqué des sommes pour le programme de prévention de la violence familiale, celle envers les aînés, entre autres. Nous avons accordé davantage de ressources aux différents corps policiers pour affronter ces types de situations et, surtout, nous avons instauré des mesures de renforcement de la justice pénale afin de mieux intervenir contre les auteurs de violence, de s’assurer qu’ils soient emprisonnés, qu’ils ne sont pas libérés rapidement et qu’on ne leur accorde pas trop aisément un pardon.

Oui, des mesures de répression contre la criminalité sont en place, mais qu’en est-il des causes sociales de la violence envers les femmes?

Les programmes des autres partis et des précédents gouvernements se sont tous penchés sur ces causes, et non sur les actions à prendre contre les auteurs de ces délits et, pour nous, ce n’est pas acceptable. La violence doit être traitée pour ce qu’elle est : un crime.

Et comment cela s’accorde-t-il avec votre politique sur la sécurité des femmes à l’étranger?

Notre implication militaire est là pour empêcher la violence généralisée perpétrée par l’organisation armée de l’État islamique (EI) et par d’autres groupes djihadistes à travers le monde et aussi pour fournir de l’aide humanitaire. Une partie de notre politique étrangère dans cette région, comme dans d’autres, consiste à promouvoir l’égalité femme-homme, à s’opposer à des pratiques comme les mariages forcés ou en bas âge, ou encore à des coutumes que nous considérons être barbares, l’excision par exemple.

L’ONU a demandé d’ouvrir une enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. La même requête a été faite ici, chez nous, par plusieurs leaders des Premières nations et certaines victimes de violence, dont cette jeune Autochtone de seize ans, Rinelle Harper. En entrevue, vous avez dit que cette question n’arrivait pas très haut sur votre liste de priorités. Pourquoi?

Nous avons procédé à près de 40 études et nous n’avons rien appris de plus que ce que nous savions déjà. Ce sujet a été étudié à mort. Nous avons mis des ressources dans la prévention, dans les enquêtes et dans l’application de la loi. Maintenant, c’est le temps de passer à l’action.

La prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) a été majorée. Cependant, 160 $ par mois, imposables, ne couvrent pas la moitié des frais de garde de la majorité des parents. Mise à part cette allocation, le gouvernement a-t-il d’autres obligations envers les familles?

Tout à fait. L’approche du gouvernement est d’apporter toute l’aide dont il est capable afin de répondre aux besoins des parents et de leurs enfants. Quand nos enfants étaient très jeunes, Laureen et moi les gardions parfois à la maison; d’autres fois, c’était les grands-parents qui s’en occupaient et nous utilisions, à temps partiel, les services locaux de garderies, ce qui constituait vraiment une très belle expérience pour les enfants. Donc, nous essayons d’avoir des programmes qui répondent à toutes les situations. Je crois que l’aide est substantielle. Est-ce que ça paye pour tout? Non, bien sûr, mais je ne pense pas que les gens s’attendent à ce que le gouvernement paie tout.

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Un rapport de 2005 de la Banque Royale du Canada évalue à 125 milliards de dollars la perte potentielle en revenu annuel des Canadiennes résultant de l’écart salarial femme-homme. Quel rôle le gouvernement joue-t-il pour garantir aux femmes un salaire égal pour un travail égal?

Le salaire doit être égal pour du travail de valeur équivalente. Plus de 40 % des gestionnaires principaux dans notre gouvernement sont des femmes. Nous avons été très dynamiques en favorisant des nominations gouvernementales dans le secteur public, mais aussi en insistant sur une plus grande présence des femmes dans les conseils d’administration et dans les postes de haute direction. Je crois qu’elles sont un atout et je ne comprends par pourquoi certaines organisations sont réticentes à une mesure qui, en fait, serait tout à leur avantage. 

Quels effets constatez-vous de la présence des femmes dans votre travail?

Que du positif. La première chose que j’ai observée, et je ne sais pas pourquoi c’est comme ça, c’est que les femmes sont beaucoup moins portées à se mettre de l’avant de manière agressive que les hommes. C’est évidemment un comportement que nous continuons d’encourager dans toute la société.

Pourtant, des quatre partis, ce sont les conservateurs qui comptent le moins de candidates, seulement 18 %. Est-ce un aspect que vous souhaitez changer?

Je ne nomme pas de candidat à moins que ce ne soit vraiment nécessaire; il y a un processus démocratique pour ça qui existe. Je pense que nous avons démontré par le passé que nous avons présenté des candidates dans des comtés où elles pouvaient être élues et qui l’ont été, alors je crois que c’est le critère absolu.

En général, le Canada accueille annuellement 10 000 réfugiés, ce qui ne représente que 1/60 de 1 % de l’ensemble des réfugiés. Beaucoup semblent dire que nous perdons notre réputation de nation humanitaire.

C’est sans fondement. Au contraire, le Canada demeure, par habitant, la plus importante terre d’accueil au monde. Nous avons été très clairs là-dessus. Nous allons en accueillir davantage et nous allons trouver une façon d’accélérer le processus, mais ce ne sera pas « premier arrivé, premier servi ». Il faut nous assurer que ce sont de véritables réfugiés et privilégier les plus vulnérables. Comme ces gens arrivent d’une zone de guerre occupée par des terroristes, nous avons l’obligation de protéger la sécurité des Canadiens.

Dans cette campagne électorale, votre image est intimement associée à une saine gestion de l’économie. Pourtant, Statistique Canada confirme que, lors du premier semestre de 2015, l’économie canadienne est officiellement entrée en récession.

Il y a eu d’importants soubresauts dans l’économie régionale, particulièrement en Alberta, dus à la rapide contraction des prix de l’énergie. Je n’essaie pas de minimiser cela, mais même la Banque du Canada dit que ce n’est pas un repli de l’économie dans son ensemble. Au contraire, lors du premier semestre de l’année, il y a eu augmentation des emplois, augmentation des revenus de l’État et une importante hausse des exportations de produits non énergétiques. Pendant que d’autres pays ne connaissent pas de hausse d’emplois, qu’ils vampirisent les contribuables dans un tourbillon sans fin de gonflement de la dette et de hausses d’impôt, le Canada vit l’opposé : un budget équilibré, des taux de taxation plus faibles, des profits plus importants et de la croissance. Les autres partis disent qu’il est maintenant temps de dépenser des dizaines de milliards de dollars de plus et de financer tout cela par des hausses d’impôts et des déficits permanents. C’est de cette façon que tous les pays qui ont échoué s’y sont pris. C’est pour cette raison qu’il nous faut garder le cap. 

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Ce texte a d’abord été publié sur Chatelaine

 

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