Psychologie

L’art de communiquer avec son tout-petit

De ses gazouillis à ses premiers mots, de sa naissance jusqu’à son entrée à l’école, votre tout-petit apprend à communiquer. Un apprentissage qui nécessite votre écoute.

« Observer, écouter, prioriser, comprendre et parler », cinq mots clés pour établir une vraie communication avec votre tout-petit et lui enseigner à s’exprimer! Un atout qui lui servira sa vie durant, car les spécialistes consultés sont unanimes : la communication est un élément fondamental du développement de l’enfant. « Le besoin d’être écouté et compris est à la base du sentiment d’être aimé et de l’estime de soi », déclare d’entrée de jeu la psychologue pour enfants et conférencière Francine Nadeau.

Même son de cloche chez le célèbre psychosociologue français Jacques Salomé. Dans son ouvrage au titre accrocheur, Papa, Maman, écoutez-moi vraiment, il place le besoin de sécurité, qu’il décrit comme celui d’être protégé, reconnu, aimé et entendu, au deuxième rang des besoins fondamentaux de l’enfant. Et ce besoin s’exprime dès la naissance, car bien avant ses premiers mots, bébé vous parle.

Observer

Dès la naissance de leur enfant, la grande majorité des parents apprennent graduellement à reconnaître la signification des pleurs, des cris, des sons et de la gestuelle de leur poupon. « Il faut savoir que chez le nourrisson, les pleurs et les cris servent à exprimer des besoins, et que notre façon de les décoder et d’y répondre sont les premières conversations avec notre enfant. D’où l’importance de bien l’observer. En tentant de le comprendre, on apprend aussi à le connaître », explique Sylvie Desmarais, orthophoniste et auteure du Guide du langage de l’enfant de 0 à 6 ans. « L’enfant doit avoir le sentiment d’être compris avant même que sa communication soit volontaire », ajoute, pour sa part, Mme Nadeau.

Et le dialogue s’établit assez rapidement, car dès l’âge de six semaines, bébé saura vous gratifier d’un sourire de reconnaissance, lorsque vous aurez compris ce qu’il réclamait à grands cris…

Bébé grandit? Continuez de l’observer. Scrutez son visage quand il gazouille ou qu’il vous parle pour mieux décoder ses expressions, ses regards et ses comportements. « Observer son enfant, le regarder jouer, bouger et interagir avec les autres dans les situations de la vie quotidienne permet de mieux le connaître et de suivre son stade de développement. On comprendra aussi mieux par la suite ce qu’il nous raconte », explique Mme Desmarais.

Écouter

L’écoute est à la base de la communication, et les tout-petits ont besoin d’une attention particulière, à ce chapitre. Un jeune enfant qui n’a pas encore tous les mots pour s’exprimer, qui ne sait pas encore nommer toutes ses émotions ni construire une histoire complète a besoin de temps et d’une écoute attentive. Mme Desmarais rappelle quelques trucs de base :

  • Arrêtez-vous et prenez le temps de l’écouter. Il se sentira important, et vous pourrez mieux le décoder.
  • Ne l’interrompez pas. Résistez à la tentation de lui couper la parole pour corriger un mot ou finir une phrase à sa place en présumant que vous avez compris. Laissez-le aller au bout de son histoire.
  • Regardez-le pendant qu’il vous parle. Observez ses mimiques, le ton de sa voix, son regard, autant d’indices qui peuvent vous aider à mieux comprendre ce qu’il tente d’exprimer.

Prioriser

Bien entendu, dans la course du quotidien, il n’est pas toujours facile de s’arrêter pour écouter et observer ou même parler. Selon la psychologue Francine Nadeau, il est pourtant possible de créer un climat d’écoute et de communication, au quotidien.

  • Prévoyez et bloquez des moments de la semaine consacrés au seul plaisir d’être ensemble. Le jeu libre et amusant – oubliez les jeux éducatifs pour ces moments –, le rire, les taquineries sont des moments propices pour donner de l’espace, de l’importance et du temps de qualité aux enfants. Ils peuvent favoriser une meilleure communication.
  • En semaine, au retour à la maison : consacrez moins de temps à la préparation du souper. Oubliez la gastronomie et privilégiez plutôt des moments avec les enfants.
  • Fermez le téléphone, le cellulaire, l’ordinateur et la télé.
  • Impliquez-le dans l’activité du moment, si c’est possible.
  • Établissez une routine d’intimité avec chaque enfant, au moment du coucher. C’est souvent l’heure des confidences.

Comprendre

Votre humeur au retour du boulot n’a pas toujours la même couleur? Idem pour bambin. Querelle avec les amis, gouache renversée sur le beau dessin, punition pour inconduite, jeux amusants et excitants, succès… lui aussi revient de sa journée. « Il est très important d’essayer de comprendre ce que vit l’enfant, d’essayer de se mettre à sa place, explique Francine Nadeau. Est-il turbulent parce qu’il s’ennuie ou qu’il se sent seul? S’est-il passé quelque chose de particulier dans sa journée? »

  • Informez-vous du déroulement de sa journée auprès des éducatrices. A-t-il fait sa sieste? Y a-t-il eu des disputes, des événements spéciaux? En le sachant, vous pourrez mieux comprendre certaines réactions. À votre tour, partagez votre information avec les éducatrices, le matin. A-t-il bien dormi? A-t-il été malade? S’est-il passé quelque chose à la maison? Cela les aidera à mieux décoder ses comportements ou ses remarques.
  • Vous êtes séparée ou divorcée? Tentez d’établir un journal de bord avec l’autre parent dans lequel vous inscrirez, au fur et à mesure, les événements importants et les petits soucis. Cela vous aidera tous les deux. « Pour comprendre un enfant et le décoder, il faut qu’il y ait continuité, explique Mme Nadeau, ce qui est parfois difficile lorsque le couple est séparé. Le petit cahier peut être un bon outil. »
  • Il a l’air bougon, triste ou surexcité? Faites-lui-en la remarque. « Tu sembles ne pas avoir eu une bonne journée » ou « Tu as l’air fâché, ce soir ». Inutile de lui poser des questions en rafale auxquelles il ne saura ou ne voudra peut-être pas répondre sur-le-champ. « En lui disant que vous avez remarqué son état d’âme, vous lui dites qu’il est important, que son sentiment a été entendu, que vous le comprenez, explique Francine Nadeau. Et vous changez son vécu, car il ne sent plus seul avec ce sentiment. Favorisez un moment tranquille où vous lui parlerez ou jouerez. Ou encore, prêtez l’oreille à l’heure du coucher : il est probable qu’il vous racontera. »

Parler

C’est bien connu, pour qu’un enfant apprenne à parler, il faut d’abord lui parler, et ce, dès sa naissance. Lui parler pour lui dire qu’on l’écoute et qu’on le comprend. Pour lui apprendre à nommer les choses qui l’entourent, les gestes qu’il fait ou que nous faisons. Lui parler au cœur du quotidien en utilisant les bons mots. Lui parler pour lui dire qu’on l’aime, pour jouer, pour attirer son attention, pour lui enseigner à manger, à marcher, à jouer. Et aussi pour nommer ce qu’il ressent.

« Dès le berceau, le parent, en décodant et en nommant ce que l’enfant ressent, lui enseigne à identifier ses besoins ou ses émotions, ce qui l’amènera à se comprendre lui-même. Par exemple, si l’enfant pleure parce qu’il s’ennuie, la mère ou le père lui dira : « Ah, tu t’ennuies… tu as envie d’un câlin? »

De son côté, Sylvie Desmarais rappelle l’importance de saisir toutes les occasions du quotidien pour parler aux enfants. « La préparation du repas, les courses au magasin, l’action dans les rues pendant le trajet en voiture sont des occasions de parler et d’inciter le tout-petit à parler et à interagir », soutient la spécialiste.

Celle-ci rappelle aussi l’importance, pour les parents, d’exprimer leurs propres émotions, de raconter des souvenirs ou des anecdotes à leurs enfants. « Nous avons tous espoir que nos enfants nous parlent, nous racontent leurs joies, leurs peines et leur journée, mais nous avons parfois tendance à oublier d’en faire autant avec eux. En s’adaptant à leur niveau et à leur âge, on peut leur parler de nous. On crée ainsi un climat d’échange. »

Bref, en parlant et en exprimant au tout-petit ce que vous ressentez, vous lui enseignez le langage tout en créant un climat de communication dans lequel il sera sans doute plus enclin à s’ouvrir.

En ligne

Un article sur le développement des jeunes enfants.

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