Société

60 mots qui racontent notre histoire

Nous avons demandé à 60 femmes parmi les plus influentes du Québec de nous donner leur définition d’un mot associé à la réalité féminine ou aux combats féministes actuels ou passés. L’objectif n’est pas modeste : dresser, au moyen de ces définitions, un portrait aussi fidèle que possible de ce que signifie être une femme aujourd’hui.

Les listes de ces 60 personnalités et des 60 mots ont été élaborées par l’équipe de rédaction du magazine. Elles ont fait l’objet de nombreuses discussions aussi animées que passionnantes ! Puis est venue l’autre étape délicate : déterminer quel mot serait confié à qui et, surtout, veiller à se tenir loin des clichés. Donner à Pauline Marois ou à Dominique Anglade le mot politique ? Pas question. Nous avons donc remis les jumelages au hasard : 60 noms dans un sac, 60 mots dans un autre, et on pige ! C’est ainsi que Valérie Plante a obtenu le mot pornographie, Manon Massé, rides, Mitsou, sexe, et Safia Nolin, masculinisme. Le résultat ? Une mosaïque fascinante… de définitions révélatrices et étonnantes. Bonne lecture !

Accouchement, selon Françoise David

« Quand j’ai accouché, dans les années 1980, c’était un acte encore très médicalisé. Ça a beaucoup changé depuis et j’ai pu le constater il y a trois ans, lorsque ma belle-fille m’a donné l’immense privilège de me laisser assister à la naissance de ma petite-fille. La manière d’aborder l’accouchement, c’était le jour et la nuit ; l’accueil, l’ambiance, le respect de la femme qui accouche… Elle pouvait faire ce qu’elle voulait ! J’ai écrit un texte très intime après ça à mes amies proches, dans lequel je disais que si les hommes comprenaient à quel point le cadeau de la vie est difficile à donner et beau, peut-être que les femmes seraient plus respectées. C’est un geste qui, théoriquement, si on se comporte bien avec notre planète, assure la survie de l’humanité. »

Aujourd’hui retraitée, Françoise David a été présidente de la Fédération des femmes du Québec de 1994 à 2001. Elle a contribué à l’organisation de la Marche des femmes contre la pauvreté Du pain et des roses en 1995 et à celle de la Marche mondiale contre la pauvreté et la violence en 2000. Elle été coporte-parole de Québec solidaire de 2006 à 2017 et députée pour Québec solidaire de 2012 à 2017.

Affirmation, selon Kim Thúy

Photo : Martin Girard

« Je suis heureuse d’avoir dit oui au mot affirmation, qui m’avait déplu au premier abord. Ce mot s’est révélé être celui qui me guide le mieux depuis quelque temps. Dans le dictionnaire, affirmation est décrit comme une action, une manière de manifester de façon indiscutable. C’est aussi une qualité et une façon d’affirmer sa personnalité. Et le mot affirmatif, c’est « dire oui » en ne laissant planer aucun doute. À 51 ans, je peux dire que l’âge m’a permis d’arriver là. De m’affirmer. Pas parce que je crois détenir la vérité. C’est plutôt une affirmation de soi, une façon d’être confortable avec qui l’on est, de percevoir et de profiter de toute la liberté qui nous est offerte. Ça ne peut pas être un plus beau mot. »

Originaire du Vietnam, l’autrice Kim Thúy s’est enfuie de son pays natal à l’âge de 10 ans avec les boat people, avant de s’installer au Québec. Son premier livre, Ru, a remporté de nombreux prix, dont celui du Gouverneur général du Canada en 2010. Il est en voie de prendre vie au cinéma.

Agression, selon Anyck Béraud

« J’ai hâte que ce mot disparaisse de notre vocabulaire. Ça me donne des frissons de penser à toutes ces femmes, ces enfants ou ces groupes stigmatisés qui sont encore victimes d’agression. Ce qui est bien, par contre, c’est que ça ne passe plus sous silence. Je songe à la victoire de ces femmes qui ont persisté dans leur dénonciation et leur poursuite contre le puissant producteur américain Harvey Weinstein. Une digue a cédé avec cette cause. Je pense aussi, même s’ils ne sont pas parfaits, aux mécanismes mis en place pour permettre aux victimes d’appeler à l’aide. Mais on n’est pas à l’abri des reculs. »

Anyck Béraud est correspondante à l’étranger pour ICI Radio-Canada Télé.

Photo : Martine Doyon

Aidante naturelle, selon Micheline Lachance

« Les aidantes naturelles sont des femmes de cœur qui s’oublient pour accompagner un être cher. Du jour au lendemain, elles deviennent infirmières, surveillantes, soutien moral, etc. Ce qu’il faut pour être aidante naturelle ? De la générosité et de l’abnégation. De la patience et de la débrouillardise. Une bonne santé aussi, car chez ces femmes-orchestres, l’épuisement est monnaie courante. Et alors, l’aidante naturelle est rongée par la culpabilité. C’est un secret de Polichinelle que, de tout temps, ce rôle de l’ombre a incombé aux femmes. La révolution féminine n’a pas allégé leur tâche. L’avènement des maisons des aînés, communément appelées CHSLD, devait les soulager. Mais à voir ce qui s’y passe aujourd’hui, je soupçonne que le pendule va revenir à la case départ, c’est-à-dire qu’on va à nouveau s’efforcer de garder à la maison nos êtres chers en perte d’autonomie. Facile d’imaginer que les aidantes naturelles vont reprendre leur bâton de pèlerin. »

Journaliste et romancière, Micheline Lachance a été rédactrice en chef de Châtelaine de 1989 à 1994. On lui doit notamment Le roman de Julie Papineau.

Photo : Laure Morali

Allaitement, selon Joséphine Bacon

« Pour mon recueil de poésie Bâtons à message [NDLR : paru chez Mémoire d’encrier en 2009], je m’étais inspirée de tout ce que les aînés me racontaient. Un jour, l’un d’entre eux m’avait dit qu’au temps du nomadisme, quand il y avait une famine, des femmes donnaient parfois le sein à leur mari pour qu’il puisse continuer à marcher et à chasser pour nourrir son clan. C’est beau, non ? Les femmes qui allaitent peuvent nous sauver de la famine. Toutes les femmes ont ce pouvoir.»

La poète innue Joséphine Bacon, aussi réalisatrice, traductrice, parolière et enseignante, se consacre à transmettre la tradition des aînés de sa nation. Elle détient d’ailleurs un doctorat honoris causa en anthropologie de l’Université Laval pour sa contribution à la recherche en milieu innu.

Ambition, selon Monique Leroux

Photo : Livier Samson Arcand

« L’ambition est rattachée à l’énergie créatrice. Elle permet le dépassement et mènevers l’excellence. L’ambition a parfois une connotation négative, ce qui n’a jamais été le cas chez moi. Je suis convaincue qu’on peut être ambitieux avec des valeurs humaines ; pour soi-même, pour sa communauté, pour son pays et pour le Québec. L’ambition donne l’élan nécessaire pour réaliser un rêve et pour avancer. Par contre, être ambitieux par tous les moyens possibles n’est pas acceptable. Il faut l’être dans le respect des gens et des valeurs comme l’intégrité et la collaboration. L’ambition fait partie, avec l’audace et l’action, de ce que j’appelle mes “trois A”: trois mots qui m’ont toujours inspirée et qui continuent de le faire.»

Monique Leroux a dirigé le Mouvement Desjardins de 2008 à 2016. Aujourd’hui administratrice de sociétés, elle préside également le Conseil sur la stratégie industrielle, qui se penche sur les incidences de la pandémie de COVID-19 sur les industries canadiennes.

 

Photo : Franca Perrott

Argent, selon Mariana Mazza

« L’argent représente une liberté de temps, de choix et de création. Je peux me permettre, avec l’argent, d’utiliser mes temps libres pour faire des choses que j’aime sans me sentir mal de ne pas travailler. Je ne le vois pas comme une finalité, mais comme un outil pour réaliser des projets. Faire de l’argent, ce n’est pas de la chance. Je suis chanceuse, par contre, d’avoir un métier qui me passionne et qui me donne des revenus. J’ai l’impression que c’est mal vu d’avoir de l’argent quand on est jeune. C’est comme si on l’avait volé. On ne devrait pas envier les gens pour l’argent. Le luxe, c’est de trouver un métier qu’on aime et de l’exercer. »

Mariana Mazza a été couronnée humoriste de l’année au gala Les Olivier, en 2017, en plus de voir son premier spectacle solo, Femme ta gueule, récompensé par le Félix du Spectacle d’humour de l’année au gala de l’ADISQ, toujours en 2017.

 

Photo : Jean-François Leblanc

Autonomie, selon Francine Pelletier

« L’autonomie, c’est la capacité de se tenir la tête haute, peu importe les circonstances. C’est la capacité de faire des choix, de pouvoir bouger, évoluer, se tromper, recommencer…en comptant d’abord sur soi, sur ses propres ressources, sur qui on est et sur ce qu’on sait faire. Une femme autonome, c’est comme un pays autonome. C’est avoir tout ce qu’il faut pour voler de ses propres ailes.»

Journaliste de longue date et documentariste, Francine Pelletier signe une chronique dans Le Devoir depuis 2013. Elle enseigne le journalisme à l’Université Concordia.

Avortement, selon Sophie Gagnon

Photo : Xavier Legault

« Je fais partie de la toute première génération de femmes nées dans un pays où l’avortement n’était plus criminel [NDLR : la Cour suprême a décriminalisé l’avortement en 1988]. Mais c’est un droit qu’on ne peut tenir pour acquis. Il existe encore des barrières, notamment en milieu rural. Si le combat de nos mères et de nos grands-mères a été celui du droit à l’avortement, le nôtre sera celui de l’accessibilité. Par ailleurs, l’enjeu de l’avortement illustre bien pourquoi j’ai choisi d’être avocate. Je considérais que le droit était l’un des outils les plus efficaces pour réaliser des idéaux de justice sociale. De fait, l’accès à l’avortement au Canada a été gagné à force de nombreuses batailles judiciaires. Ça me donne du courage de penser à ces luttes menées par des générations antérieures. »

Sophie Gagnon est avocate et directrice générale de Juripop, dont la mission est d’améliorer l’accès à la justice au Québec.

Barbie, selon Isabelle Picard

« J’ai grandi avec la Barbie popularisée par Mattel, mince, blonde, voluptueuse, mais aussi avec son équivalent autochtone,la Pocahontas de Disney. Cette héroïne romantique, taille fine, longs cheveux noirs et sex-appeal, se veut le symbole de la belle “Indienne” stéréotypée, rappelant la princesse autochtone, l’image de la femme aux mœurs libres sur laquelle de nombreux hommes fantasment encore. Choisissant le mode de vie européen, elle est pour plusieurs la bonne version de ce que devrait être une femme autochtone, tout comme Barbie se veut la version parfaite de la femme blanche, dans une perfection qui manque de couleurs et de formes.»

L’ethnologue huronne-wendate Isabelle Picard est Première spécialiste aux affaires autochtones à Radio-Canada. Elle a auparavant agi comme consultante auprès d’organisations autochtones et allochtones.

Beauté, selon Khate Lessard

« La société nous impose un certain modèle de beauté. Mais, selon moi, une belle personne, c’est celle qui dégage tellement de sa beauté intérieure qu’elle en devient belle à l’extérieur. Ça a pris du temps avant que je me rende compte de ça. Avant de commencer ma transition, j’avais un modèle de ce à quoi je voulais ressembler et c’était presque un poids sur mes épaules. Un jour, on comprend qu’aller chercher son idéal physique de beauté ne nous rend pas plus heureux. Et la beauté, c’est un mot heureux. »

L’influenceuse Khate Lessard multiplie, depuis quelques années, les conférences auprès des jeunes à propos de sa transition et de la diversité sexuelle. Elle est la première candidate trans à avoir participé à l’émission Occupation Double, sur la chaîne V, en 2019.

Carrière, selon Geneviève Fortier

Photo : CNW Group/ Promutuel Assurance

« Une carrière, c’est avant tout une suite de passages. Il n’y a donc rien de définitif ou d’absolu, on est libre de s’y promener. C’est également une occasion fabuleuse d’embrasser ses ambitions, qu’elles soient grandes ou petites. Il n’y a personne de mieux placé que soi pour établir ses limites, s’il y en a ! C’est aussi une panoplie de succès et de demi-succès, desquels on apprend toujours quelque chose. Il n’y a aucun mal à essayer et même, parfois – souvent si nécessaire –, à se tromper. Enfin, une carrière, c’est une chance unique de contribuer à faire changer les choses pour le mieux dans la société, peu importe le métier ou le rôle que l’on occupe. C’est en quelque sorte se dévouer à une mission beaucoup plus grande que soi. »

Geneviève Fortier est cheffe de la direction de Promutuel Assurance. Elle était auparavant première vice-présidente ventes et distribution de SSQ Assurance. Elle est aussi l’une des leaders de L’effet A, dont la mission est de propulser l’engagement professionnel des femmes.

Charge mentale, selon Luce Julien

Photo : Arcouette&Co

« La charge mentale, c’est réussir à tout réussir : sa vie professionnelle, sa vie de conjointe, de mère, de fille et d’amie. C’est beaucoup, tout ça. J’ai deux garçons dans la vingtaine et j’ai eu la chance d’avoir un conjoint qui en a pris soin autant que moi, sinon plus. Sans ça, je n’aurais jamais pu avoir cette carrière. J’ai des images très fortes de moi travaillant 60-70 heures par semaine pour gérer la couverture journalistique de crises comme le verglas. Avec la COVID-19, la charge mentale est devenue très lourde pour les parents, mais aussi pour les enfants de personnes âgées en résidence ou en CHSLD. C’est effrayant à dire, mais j’ai la chance de ne plus avoir mes parents. J’ai perdu ma mère l’an dernier. Elle vivait en CHSLD. Aujourd’hui, je porte son jonc et je pense à elle chaque fois que je me lave les mains.»

Luce Julien est la première femme à occuper le poste de directrice générale de l’information à Radio-Canada. Celle qui compte une vingtaine d’années de service chez le diffuseur public a aussi été rédactrice en chef du quotidien Le Devoir de 2016 à 2018.

Choix, selon Christiane St-Germain

Photo : Bénédicte Brocard

«J’ai toujours trouvé que c’était important d’avoir le choix dans la vie et j’ai travaillé fort pour avoir ce privilège. Faire des choix, comme avoir une famille, ça vient avec des contraintes, mais quand tu as choisi de vivre ces contraintes-là, tu les acceptes davantage. Faire des choix, ça ne signifie pas toujours faire ce que tu veux quand tu veux. Mais lorsque c’est toi qui choisis, ça te donne plus de force, plus de courage pour traverser les moments difficiles. J’ai choisi la monoparentalité très tôt dans ma vie. C’est un choix que j’ai assumé complètement, qui n’a pas été facile, mais qui m’a donné et me donne encore de grandes joies. »

Christiane Germain est cofondatrice et coprésidente de Germain Hôtels.
Elle est présidente du conseil d’administration du Musée national des beaux-arts du Québec et est engagée dans de nombreuses causes caritatives. Elle a reçu l’insigne de chevalière de l’Ordre national du Québec en 2009.

Clitoris, selon Katherine Levac

Photo : Andréanne Gauthier

« Le clitoris est un symbole de féminité et d’affranchissement, surtout quand on sait qu’il y a plein de femmes dans le monde qui n’ont pas le droit d’avoir cet organe. Le clitoris, c’est aussi très coquin et très le fun. C’est la première fois qu’on voit dans les médias de vraies images de ce à quoi ça ressemble. C’est comme si on se réappropriait cette chose-là. Il y a 15 ans, lorsque j’étais au secondaire, tout ce qui avait rapport au plaisir et à la masturbation, on n’en parlait pas. Je sens que ça commence à changer. Et j’aimerais que ça ne soit plus tabou pour les générations futures. Je souhaite que les élèves dessinent autant des clitoris que des pénis sur les pupitres. »

Découverte de l’année au gala Les Olivier 2015, l’humoriste franco-ontarienne est aussi comédienne. Sa première animation au festival Juste pour rire 2019, pendant laquelle elle a dévoilé sa pansexualité, a fait grand bruit.

Colère, selon Martine Delvaux

Photo : Valérie Lebrun

« Ce mot est très chargé en ce qui concerne les femmes. Il y a comme un interdit autour de la colère. S’il y a une chose que les femmes ne doivent pas montrer, c’est de la colère. C’est comme si ça nous défigurait. Quand on est en colère, on ne correspond plus à la définition de ce que c’est, une femme. En même temps, c’est une émotion extrêmement importante d’un point de vue féministe. Elle constitue le moteur du militantisme et même de la création. »

Professeure au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal, Martine Delvaux est une militante et autrice féministe. Elle a fait paraître en 2019 Le boys club (Éditions du remue-ménage), dans lequel elle dénonce les cercles réservés aux hommes en situation de pouvoir.

Consentement, selon Anne-France Goldwater

Photo : Ben Meir Ohayon

« C’est grâce aux guerrières qui nous ont précédées si, aujourd’hui, alors que Châtelaine et moi abordons la soixantaine, nous voyons un changement de cap aussi important dans le statut de la femme au sein de notre société. La promotion de la culture du consentement au Québec laisse derrière nous de nombreuses années de silence et permet à des femmes comme moi de s’épanouir. »

Avocate en droit de la famille, Anne-France Goldwater a obtenu le droit pour les conjoints de même sexe de se marier. Elle a aussi représenté Lola en Cour supérieure et devant la Cour d’appel du Québec dans la célèbre cause « Éric contre Lola ». Elle a été L’arbitre de 2011 à 2018, sur la chaîne V.

Contraception, selon Fanny Britt

Photo : Maude Chauvin

« Sans diminuer l’importance cruciale de l’accès légal aux moyens de contraception, je ne peux m’empêcher de constater que ce fardeau repose encore presque entièrement sur les épaules des femmes. Disons-le crûment : on ne tombe enceinte que si un homme éjacule en nous. Les femmes sont pourtant les seules à être stigmatisées pour leurs “erreurs”, et elles doivent toute leur vie faire le choix entre la prise de médicaments aux effets parfois invasifs et des grossesses non désirées à l’issue parfois difficile. Et dire que de nombreux hommes rechignent à se faire vasectomiser alors qu’ils sont certains de ne plus vouloir d’enfants ! Cette inégalité me choque profondément. »

Dramaturge, traductrice et autrice, Fanny Britt a signé les essais Les tranchées (Atelier 10, 2013) et Les retranchées (Atelier 10, 2019), des réflexions intimes sur la maternité et la famille.

Droits, selon Marie-Louise Arsenault

Photo : Jean Bernier

« De tout temps, les droits ont été une bataille majeure pour les femmes, alors que la liste de leurs devoirs, elle, n’a jamais cessé de s’allonger. Il nous a fallu nous battre pour avoir le droit de nous éduquer, le droit de travailler, le droit d’être payées en conséquence. Et que dire du droit de disposer de notre corps à notre guise, acquis fragile sans cesse remis en question ? Depuis le début du mouvement #MoiAussi, nous montons au front pour un droit fondamental, jusque-là balayé du revers de la main : celui de vivre sans connaître la peur d’être agressée. Lorsqu’on a demandé à Nina Simone [NDLR : autrice-compositrice- interprète américaine et militante pour les droits civiques, décédée en 2003] de définir sa conception de la liberté, elle a répondu : “l’absence de la peur”.

Or, ce combat ultime pour une vie libre, loin d’être gagné, risque de changer enfin notre destin sur cette planète. Ne le lâchons pas.»

Marie-Louise Arsenault anime Plus on est de fous, plus on lit !, sur ICI Radio-Canada Première, et Dans les médias, à Télé-Québec.

Éducation, selon Françoise Abanda

« Je pense tout de suite aux valeurs que mes parents m’ont transmises, comme le respect, la compassion et l’entraide. Ce sont des valeurs que j’essaie de mettre en application dans ma vie. Mes parents sont originaires du Cameroun et moi, je suis née au Québec. Ça me fait deux belles cultures que je tente de transmettre aux gens. J’ai toujours pu compter sur ma mère, une femme forte, qui était cheffe d’une famille monoparentale. Dans mon sport, il faut moi aussi que je sois forte. Le tennis de haut niveau demande de la concentration et de la confiance en soi. Je suis contente de l’éducation que j’ai reçue. »

À 23 ans, la joueuse de tennis Françoise Abanda peut déjà se vanter d’avoir réussi à passer au deuxième tour des tournois du Grand Chelem de Roland-Garros et Wimbledon, en 2017. La Montréalaise s’entraîne maintenant pour atteindre le top 100 mondial.

Égalité, selon Sonia Lebel

Photo : Émilie Nadeau

« Il y a toujours eu une association, pour moi, entre égalité et équité. L’égalité, c’est offrir la même chose à tout le monde. L’équité, c’est offrir aux gens ce dont ils ont besoin. C’est leur donner des chances égales pour s’épanouir. On parle beaucoup de l’accessibilité de certains postes pour les femmes, mais elles ne désirent pas toutes être des femmes de pouvoir ou des gestionnaires, et il faut respecter ça. L’important, c’est que celles qui veulent accéder à ces postes aient la même chance de le faire que n’importe qui. Les notions d’égalité et d’équité sont très proches de celle de justice. »

Présidente du Conseil du trésor dans le gouvernement de François Legault, Sonia LeBel a aussi été ministre québécoise de la Justice. Elle a occupé le poste de procureure en chef de la commission Charbonneau sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction de 2012 à 2015.

Équité, selon Dalila Awada

« Si l’équité était une personne, elle serait la jumelle incomprise de l’égalité. Pourtant, sans la rigueur de l’équité, l’égalité serait difficile, voire impossible, à mettre en application. Les quotas qui visent à atteindre la parité et la “discrimination” positive à l’embauche sont des exemples évocateurs. Ces mesures sont souvent décriées, présentées comme injustes, en contradiction avec l’égalité. Il importe alors de réitérer que l’égalité est la destination ; l’équité le chemin pour y parvenir. C’est leur mise en commun qui transforme la société, rend ses différentes sphères diversifiées et représentatives de ce qu’est réellement le Québec. »

Chroniqueuse et conférencière, Dalila Awada a cofondé la Fondation Paroles de femmes, qui cherche à faire connaître les revendications des femmes autochtones et racisées du Québec.

Estime de soi, selon Chrystia Freeland

Photo : Will Lew

« Certes, l’estime de soi découle de l’acceptation de soi et de l’amour-propre. Je pense cependant qu’elle émane surtout du respect de soi et de l’établissement d’objectifs personnels clairs, puis de leur atteinte et de leur dépassement. Il est également important de considérer l’estime de soi plus largement comme un bien social. Nous voulons tous vivre dans un monde où chaque être humain est respecté pour sa valeur et sa dignité intrinsèques – peu importe son âge, son sexe, sa race, sa religion ou son orientation sexuelle. Selon moi, au cœur d’une société et d’un monde sains loge le respect de soi et des autres. Ce sont des valeurs qui me sont chères dans les bons moments comme dans les plus difficiles. »

Chrystia Freeland est vice-première ministre et ministre des Finances du Canada. Comme ministre des Affaires étrangères, elle avait auparavant mené avec aplomb les négociations sur l’accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique.

Famille, selon Marie Chouinard

Photo : Sylvie-Ann Paré

« Dans mon livre Zéro Douze, paru aux Éditions du passage en 2019, il y a deux parties qui racontent bien ma famille quand j’étais petite, dans les années 1960 :

mon père et ma mère sont des amoureux
ils ont fait des enfants
mais avant toute chose ils sont des amoureux
ma mère me l’a dit

C’est peut-être pour cela qu’ils nous mettent au lit très tôt
le soleil de juillet plein nos chambres d’enfants

*

crier
courir
s’enlacer tournoyer
se chamailler
et repartir en riant

mes sœurs et moi sommes un seul corps
multiforme et indomptable »

Marie Chouinard est danseuse, chorégraphe, autrice et artiste multidisciplinaire. La Compagnie Marie Chouinard, qu’elle a fondée en 1986, jouit d’une reconnaissance internationale

Féminicide, selon Carole Beaulieu

Photo : Daphné Caron

« La tuerie de Polytechnique, en 1989, a marqué ma génération. Trente ans plus tard, ces meurtres de 14 étudiantes sont reconnus pour ce qu’ils étaient : une attaque antiféministe. Le terme féminicide a depuis peu été accepté pour décrire de telles tueries, aussi bien que des meurtres en série de femmes en Amérique latine ou des avortements sélectifs de fœtus féminins en Asie. Soyons prudents, tout de même, avec ce mot. Tous les meurtres de femmes ne sont pas des féminicides. Certains sont simplement crapuleux. Le mot féminicide est puissant. Utilisons-le à bon escient. »

La journaliste indépendante Carole Beaulieu a été rédactrice en chef et éditrice du magazine L’actualité de 1998 à 2017.

Féminisme, selon Louise Portal

Photo : Maxyme G. Delisle

« Le féminisme est une marche des femmes depuis des millénaires, à poursuivre notre mission de justice et d’amour. Non par la force et les armes, mais par le déploiement de notre intelligence du cœur. La force de ralliement des femmes sauvera le monde. Le chemin est sans fin, mais nous poursuivons la marche, l’avancée vers l’accomplissement de nos ambitions et de nos rêves. Je nous souhaite de continuer à être nous-mêmes en ce territoire du Québec, où nous pouvons offrir le meilleur de nous-mêmes, libres et épanouies. À la mémoire de celles qui nous ont précédées et qui, par leur sacrifice et leur bienveillance, ont tracé le chemin pour nous. Aujourd’hui, je me choisis dans la liberté de m’obstiner, d’aimer, d’enfanter, de me réaliser. »

Louise Portal fait carrière depuis plus de 45 ans comme actrice, chanteuse, écrivaine et conférencière. Elle a notamment campé le rôle de Diane dans les films Le déclin de l’empire américain et Les invasions barbares, de Denys Arcand.

Humilité, selon Véronique Hivon

« L’humilité permet d’avancer parce qu’elle tasse les égos surdimensionnés qui, trop souvent, bloquent le chemin. Essentielle en politique, elle nous permet d’être à l’écoute et de ne pas penser qu’on a la science infuse. À cet égard, l’humilité comporte de l’empathie pour soi-même et pour les autres, de même que le droit à l’erreur. Dans ce contexte, l’humilité devrait être valorisée chez les humains, et chez les politiciens en particulier. Traditionnellement, c’est une caractéristique qu’on associait aux femmes, qui demeuraient davantage dans l’ombre. Il est temps de la revendiquer et d’en montrer la force, surtout à une époque où l’on recherche un leadership de collaboration. La confiance et le leadership peuvent aller de pair avec l’humilité.»

Véronique Hivon est la députée de Joliette à l’Assemblée nationale depuis 2008. Sous le gouvernement péquiste de Pauline Marois (2012-2014), elle a piloté le dossier « Mourir dans la dignité » et a lancé la première politique québécoise de lutte contre l’itinérance.

LGBTQ2+, selon France Castel

Photo : Andréanne Gauthier

« Les êtres humains sont des êtres humains, peu importe leur orientation sexuelle ou comment ils se définissent. Mais pour certaines personnes aux réalités plus complexes, ou encore pour celles qui se sentent exclues, il est nécessaire de s’identifier ainsi. Si cette terminologie existe, c’est qu’elle a été revendiquée. Je pense qu’il faut prendre en considération tous les genres humains et tous les choix. Et, politiquement, les gouvernements devraient en tenir compte.»

En 50 ans de carrière, la chanteuse, comédienne et animatrice France Castel est apparue dans plus de 70 productions télévisuelles ou cinématographiques. Elle a récemment joué dans le film Tu te souviendras de moi, d’Éric Tessier.

Maternité, selon Evelyne de la Chenelière

Photo : Laurent Theillet

« Un jour, vous tenez un enfant dans vos bras.

Au contact de sa chaleur incomparable, vous respirez l’odeur de son souffle, vous observez la transparence de ses ongles, vous guettez le battement de ses veines minuscules. C’est donc ça, la vie.

Vous êtes responsable de cet enfant dont la confiance est absolue, vertigineuse, troublante.

L’amour qu’il vous porte est égal à son besoin de vous. Immense.

Certains jours, cet amour immense vous galvanise, vous remplit de bonheur, vous fait pleurer de joie.

D’autres fois, ce même amour vous encombre, vous irrite, vous agace.

Vous souhaitez alors que l’enfant grandisse, se débrouille, vous laisse tranquille.

Un moment.

Quelques jours plus tard, vous voilà devenue celle qui attend son coup de fil, sa carte postale, sa visite.

Vous souhaitez alors que l’enfant redevienne petit, vous appelle, vous réclame.

Pour le tenir à nouveau dans vos bras, retrouver sa chaleur, son odeur, ses ongles, ses veines, sa vie.

Un moment.
La maternité est une question de temps.»

Evelyne de la Chenelière est comédienne, autrice et dramaturge. Elle a récemment prêté ses textes et sa voix au premier album solo de Vincent Legault (Dear Criminals), Mille Milles.

Masculinisme, selon Safia Nolin

Photo : Miroslav Dufresne

« Le masculinisme, c’est le mouvement pour le droit des hommes. Pour moi, c’est aussi le point de départ de beaucoup de communautés sur Internet et dans la vraie vie que je trouve dangereuses, comme les Incel et les Men Going Their Own Way. Le masculinisme ne mérite pas d’exister de façon naturelle. C’est un mouvement de conservateurs qui ont peur du féminisme. Ils défendent des arguments comme la surreprésentation des hommes en prison ou encore le plus haut taux de suicide des hommes. Je suis d’accord avec tout ça, mais selon moi, ce sont des réalités qui découlent encore des conséquences d’une société patriarcale. Les hommes souffrent aussi à cause des hommes. Le masculinisme existe juste pour que les hommes détestent les femmes.»

L’autrice-compositrice-interprète Safia Nolin dérange autant qu’elle passionne. Son vidéoclip Lesbian Break-up Song, entièrement réalisé par des femmes, célèbre la diversité en présentant des corps féminins complètement nus, dont le sien.

Ménopause, selon Pénélope McQuade

Photo : Jorge Camarotti

« Je ne sais pas si ça veut encore dire quelque chose, alors qu’on n’a jamais autant parlé de fluidité des genres, qu’il n’y a jamais eu autant de femmes et d’hommes en transition, qu’il n’y a jamais eu autant de femmes qui ne désirent pas avoir d’enfants pour des raisons environnementales ou personnelles et qu’il n’y a jamais eu autant de femmes qui peuvent faire des enfants dans la cinquantaine et même dans la soixantaine. Maintenant que le monde médical permet tout ça, qu’est-ce que ça veut dire, la ménopause, finalement ? Je me demande si ce n’est pas un mot d’une autre génération, appelé à disparaître, et comment il va résonner dans une décennie ou deux.»

Ex-animatrice de Salut Bonjour Week-end, sur les ondes de TVA, Pénélope McQuade a longtemps animé le talk-show estival de fin de soirée de Radio-Canada avant de se retrouver à la radio. Elle est maintenant à la barre de la quotidienne Pénélope, sur ICI Radio-Canada Première.

Mode, selon Diane Dufresne

« Si la mode est éphémère, que fait cette passagère qui impose ses codes vestimentaires depuis des siècles ? Du corset au faux-cul, de Miss Chanel qui reformule les conventions jusqu’à Karl Lagerfeld, l’icône intemporelle. Depuis la COVID-19, sans revers de veste, la mode se démode en même temps qu’elle se réinvente. Le confinement a provoqué une réflexion sur la course effrénée des fashion weeks, brusquant la prodigieuse créativité. L’écoresponsabilité, face aux besoins de la clientèle, impose un ralentissement. La cadence infernale qui incite à la surconsommation et au gaspillage devient obsolète. Une centaine de professionnels du secteur de la mode décident de revoir le système en profondeur en le rendant plus vertueux en fonction des saisons, jusqu’à recycler leurs tissus. Le hub virtuel présente sur Instagram un show en 3D sans podium ni mannequins. Attention ! La mode a plus d’un tour dans son sac dès qu’elle nous met au parfum. Ainsi vit-on ! »

La discographie de cette icône de la chanson québécoise compte une vingtaine d’albums. Son plus récent, Meilleur après, a fait l’objet d’une tournée symphonique en 2019. Excentrique et passionnée, Diane Dufresne manie aussi bien le pinceau que le micro.

#MoiAussi, selon Manal Drissi

Photo : Maude Chauvin

« #MoiAussi illustre la solidarité au temps des réseaux sociaux, alors que ces derniers sont souvent vus comme un outil de division et de tension. Cette initiative a marqué l’imaginaire en démontrant qu’Internet ne tient pas compte des frontières physiques, culturelles ou sociales. #MoiAussi, c’est un mouvement de solidarité qui a donné la parole aux femmes et aux victimes d’agressions sexuelles de tous genres. Les réseaux sociaux leur ont permis de prendre la parole sans qu’elle leur soit donnée par les médias ou un quelconque pouvoir. On a entendu des gens qui, par la force du nombre, ont réussi à avoir le micro. »

Née au Maroc et ayant grandi à Montréal, Manal Drissi aborde la vie avec humour et ironie, que ce soit comme chroniqueuse, humoriste, autrice, conférencière ou animatrice.

Monoparentalité, selon Laure Waridel

Photo : Julie Durocher

« Dans une perspective historique, la monoparentalité peut être associée à une certaine libération. Il n’y a pas si longtemps, les femmes qui choisissaient d’avoir un enfant seule ou qui se séparaient étaient extrêmement mal vues. Devenir mère sans conjoint entraînait de grandes souffrances. La honte associée à leur condition en poussait plusieurs à quitter leur famille et leur communauté. Depuis, il y a eu de grandes mutations sociales, économiques, politiques et culturelles. La séparation des familles est devenue assez commune. La monoparentalité n’est pas facile pour autant. C’est une charge lourde à porter lorsqu’on a un seul revenu et seulement 24 heures dans une journée. Et les parents qui sont seuls, particulièrement les mères, sont parmi les plus vulnérables, que ce soit financièrement ou devant la maladie. »

Cofondatrice d’Équiterre, l’écosociologue Laure Waridel est aussi coautrice du Pacte pour la transition. Professeure à l’UQÀM et conseillère en environnement et en justice sociale, elle a récemment lancé le mouvement proenvironnement Mères au front avec Anaïs Barbeau-Lavalette.

Orgasme, selon Rose-Aimée Automne T. Morin

Photo : Julie Artacho

« L’orgasme, c’est délicieux, c’est une jouissance qu’on nous apprend encore à offrir plus qu’à recevoir, en tant que femmes. C’est un plaisir que plusieurs doivent étrangement revendiquer et dont certaines apprennent même à se passer parce que, bon, il ne faut pas leur en vouloir, il est apparemment plus compliqué à provoquer chez la moitié de l’humanité… Je ne veux pas laisser entendre que l’orgasme est nécessaire – d’ailleurs, il est trop souvent associé à une culture de performance –, mais je crois que celles qui le désirent devraient pouvoir l’embrasser pleinement et l’accueillir aussi fréquemment qu’elles le souhaitent. Dans l’égalité, le très cochon et le consentement. »

Rose-Aimée Automne T. Morin est autrice, animatrice et reporter. Elle a récemment conçu, scénarisé et animé la série documentaire Comment devenir une personne parfaite (ICI Tou.tv).

Du pain et des roses, selon Catherine Dagenais

Photo : André Rider Photographe Inc.

« Au-delà de ce qui s’est passé au début du 20e siècle et dans les années 1970, le pain représente un besoin primaire : celui de manger. Les roses, elles, symbolisent le plaisir, le bonheur. Tout le monde devrait avoir du pain et des roses. C’est très important pour moi de faire avancer les choses et, justement, la SAQ est partenaire des Banques alimentaires du Québec depuis 11 ans. Cet organisme aide les gens dans le besoin, souvent des femmes, à traverser les épreuves. Ce partenariat m’a fréquemment amenée à dire qu’avant de s’offrir un verre de vin, il est fondamental de s’offrir à manger. Autrement dit, avant d’avoir les roses, il faut avoir du pain. »
[NDLR : l’expression Du pain et des roses a été associée à la grève des travailleuses de l’industrie textile au Massachusetts en 1912. Elle a été reprise par la Fédération des femmes du Québec en 1995, lors d’une grande marche contre la pauvreté.]

Catherine Dagenais fait sa marque depuis 20 ans à la Société des alcools du Québec (SAQ). En 2018, elle est devenue la première femme à en être la présidente et cheffe de la direction.

Pension alimentaire, selon Nathalie Roy

Photo : Émile Nadeau

« Quand j’ai entendu ma mère me dire : “Je voudrais quitter ton père, mais je n’ai pas d’argent pour le faire”, ça m’a marquée à vie. C’était en 1981. J’avais 17 ans et je me suis dit : “Jamais je ne vais rester avec un homme violent parce que je n’ai pas les moyens financiers de partir.” J’avais proposé à ma mère de la faire vivre, elle et mes deux sœurs. Je lui avais dit que je louerais un appartement et qu’elle pourrait retourner aux études et réclamer une pension alimentaire à mon père. Elle avait 40 ans. À mon grand regret, elle a refusé et elle est demeurée avec notre bourreau. Elle a finalement divorcé… 23 ans plus tard. Ma mère a exercé ses droits alors qu’il n’y avait plus de pension alimentaire pour les enfants et que, pour elle, la caisse était vide. La pension alimentaire est un droit. J’ose espérer qu’en 2020, les femmes vulnérables n’hésitent plus autant à la réclamer. »

Ancienne journaliste et avocate de formation, Nathalie Roy est aujourd’hui ministre québécoise de la Culture et des Communications. Elle représente la circonscription de Montarville pour la Coalition avenir Québec depuis 2012.

Pilule, selon Catherine Dorion

« Pour les gens de ma génération et les plus jeunes, la pilule a toujours été là. Ça n’a jamais été vu comme une libération de l’obligation de faire des enfants. Mais il est arrivé autre chose. On est plusieurs, comme moi, à ne plus vouloir prendre ce contraceptif en raison des effets indésirables qu’il provoque et il est de plus en plus question d’une pilule pour hommes. Je pense qu’on est rendus là et que c’est de cette manière qu’il faut en parler d’un point de vue féministe. Les couples devraient avoir le choix. Pourquoi faudrait-il que la femme soit obligée de prendre un truc toute sa vie, alors que l’homme n’a pas trop à s’en soucier ? »

Autrice et artiste de scène, Catherine Dorion est députée de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau depuis 2018.

Plafond de verre, selon Marilyn Castonguay

Photo : Éva-Maude TC

« Cette expression me fait penser au combat actuel des femmes. À travers le plafond, on voit l’infini, on croit que ça nous est accessible, et ça nous fait du bien. On a l’impression que tout est ouvert… jusqu’à une certaine limite où l’on se rend compte qu’on peut voir tout ça, mais pas l’atteindre. Le plafond de verre, c’est l’ennemi invisible. Je n’ai jamais ressenti ça, mais ça ne veut pas dire que ça n’existe pas. Le combat se mène sous le tapis et je pense qu’il est beaucoup plus présent qu’on le croit. »

La comédienne Marilyn Castonguay a récemment joué dans la série C’est comme ça que je t’aime, ainsi que dans les films Matthias et Maxime et Jusqu’au déclin.

Plaisir, selon Dominique Anglade

« Ce mot suscite deux réflexions chez moi. D’abord, il y a les petits plaisirs de l’existence. C’est ce que je fais dans ma vie de tous les jours avec ma famille : se donner des câlins, se dire qu’on s’aime ou recevoir des poèmes écrits par mes enfants. Et il y a aussi mon plaisir quotidien et coupable : le chocolat. L’autre volet au plaisir qui m’est cher est celui de l’engagement, celui d’avoir un défi devant soi. J’adore avoir des discussions pour trouver de nouvelles idées et me sentir pleinement engagée. Ce plaisir très réel se renouvelle constamment et peut prendre différentes formes, dont la politique. »

Députée de la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne à l’Assemblée nationale, Dominique Anglade est devenue, en mai 2020, la première femme à diriger le Parti libéral du Québec.

Poils, selon Judith Lussier

Photo : Daphné Caron

« J’ai beaucoup pris la parole dans le cadre de la campagne Maipoils [NDLR : défi qui consiste à cesser l’épilation pendant le mois de mai] et j’ai réalisé à quel point c’est un sujet qui suscite encore beaucoup de réactions. C’est comme si le fait de cesser de s’épiler “confrontait” les gens dans leurs propres décisions. Le rapport au poil est quelque chose de très personnel. T’épiler ou non ne fait pas de toi une bonne ou une mauvaise féministe.

Il faut s’interroger sur l’origine de ce choix. Quand on regarde l’histoire de la vente des produits dépilatoires féminins, on constate qu’il s’agit d’un grand complot capitaliste. L’important, c’est de retrouver sa liberté par rapport aux poils. »

Judith Lussier est journaliste, chroniqueuse et autrice. Elle a notamment écrit l’essai On peut plus rien dire – Le militantisme à l’ère des réseaux sociaux, publié en 2019 (Éditions Cardinal).

 


Politique
, selon Catherine-Ann Toupin

Photo : Andréanne Gauthier

« J’ai le goût de répliquer avec deux autres mots : implication et législation. Implication, parce qu’en ce moment, au Canada et au Québec, c’est le temps ou jamais pour des femmes de se présenter en politique et d’être élues. J’ai envie qu’on n’ait pas juste une parité du nombre, mais aussi une parité au niveau de l’importance décisionnelle dans les cabinets. Et législation, parce que j’ai l’impression que, dans les deux ou trois prochaines années, il va y avoir de la place pour du changement, que ce soit sur le plan des paradis fiscaux, des GAFA [NDLR : géants du web] ou de la création de sociétés plus égalitaires. En ayant des femmes en position de pouvoir qui ont vécu des choses différentes des hommes, on aurait la possibilité de faire de bons choix. »

La comédienne et dramaturge Catherine-Anne Toupin, qu’on a notamment vue dans Unité 9 (ICI Radio-Canada Télé), a aussi créé la comédie à succès Boomerang (TVA). Sa pièce de théâtre L’envie a été jouée à travers le monde. Sa plus récente œuvre théâtrale, La meute, a récemment été adaptée en anglais.

Polytechnique, selon Julie Snyder

Photo : Jean-Claude Lusssier

« Le 6 décembre 1989, un féminicide de masse, commis à l’aide d’une arme semi-automatique obtenue légalement, enlevait la vie à 14 femmes. En moins de 20 minutes.

Trente ans plus tard, le gouvernement Trudeau vient d’adopter un décret qui interdit les armes d’assaut au Canada, dont le modèle utilisé lors de cette tragédie. Il est urgent de dégainer des mesures pour s’attaquer à toutes les violences subies par les femmes. Avant les balles qui sifflent, il y a des sévices que notre société ne sait toujours pas circonscrire. Le tueur de Polytechnique, sa sœur et sa mère ont souffert de la violence perpétrée par le père.

L’an dernier, la Chambre des Communes a adopté les modifications à la Loi sur le divorce pour reconnaître la violence familiale sous toutes ses formes, et ses répercussions sur les enfants. Merci entre autres à Pierre Dalphond qui a mené le dossier au Sénat.

Notre devoir de mémoire envers les femmes tuées ou blessées le 6 décembre 1989 doit s’incarner dans des lois, des mesures de protection, des changements d’attitude et des réformes qui doivent cesser de dormir sur les tablettes.

Tendez l’oreille, les cris des victimes de Polytechnique résonnent encore. À travers ceux-ci, c’est peut-être le vôtre qu’on tente d’étouffer.»

Julie Snyder énergise notre télévision depuis plus de 30 ans. Après avoir produit et animé Star Académie (TVA), elle a été à la barre de la très populaire émission Le banquier pendant 10 ans à TVA. Elle produit et anime La semaine des 4 Julie, sur la chaîne V.

Pouvoir, selon Colombe St-Pierre

Photo : Michel Dompierre

« C’est un nom, mais aussi un verbe, une action. Le pouvoir est une occasion à saisir et il existe en chacun de nous. On peut bien l’utiliser, en abuser ou, encore, ne pas l’exercer du tout. Ça dépend de la personnalité et du bagage des gens. En tant que militante, j’associe le pouvoir au peuple. En additionnant le pouvoir de chacun, on peut en faire un pouvoir plus grand, tout ça dans le respect. Pour moi, le pouvoir, c’est d’en avoir assez pour convaincre les autres qu’ils en ont aussi, si petits se sentent- ils. Et le plus grand pouvoir qu’on a, c’est celui de décider. C’est à celui-là qu’il faut s’accrocher et dire “oui”. »

Cheffe autodidacte, Colombe St-Pierre est copropriétaire du réputé restaurant Chez Saint-Pierre, à Rimouski. Elle milite notamment en faveur de l’autonomie alimentaire.

 

Pornographie, selon Valérie Plante

Photo : La Presse Canadienne / Sean Kilpatrick

« En tant que maman et féministe, le mot pornographie évoque chez moi des sentiments très mitigés. L’accès à la pornographie est si facile que, tôt ou tard, nos enfants y sont exposés. Comme parents, comment pouvons-nous les accompagner devant cette avalanche d’images, la plupart du temps très stéréotypées, qui ne sont qu’une version scénarisée des relations sexuelles ? C’est comme ça que j’ai décidé de l’aborder avec mes enfants : il y a la porno qui, comme une pièce de théâtre, vient avec un scénariste, un caméraman et des acteurs ET il y a la vraie vie, où se vivent les relations sexuelles basées sur la découverte de son plaisir et de celui de l’autre, le consentement et la communication. Finalement, le plus important, pour moi, c’est que mes enfants développent leur esprit critique face à l’industrie de la pornographie et saisissent l’importance de fonder leurs relations intimes sur le respect de l’autre et l’acceptation de soi. »

Valérie Plante est devenue, aux élections municipales de 2017, la première mairesse de l’histoire de Montréal.

Prise de parole, selon Pauline Marois

Photo : Pierre Dury

« C’est l’arme de la démocratie et de la paix. Lorsqu’on prend la parole, on a la possibilité de changer la vie des gens et de faire avancer la société. En démocratie, on permet à des voix de s’exprimer et d’être combattues par d’autres voix. Cette prise de parole a été essentielle toute ma vie. Quand on est engagée politiquement, c’est l’outil le plus précieux qu’on puisse avoir pour donner son point de vue et faire évoluer les causes auxquelles on croit, en s’appuyant sur des recherches, des études et des analyses.

Si ces projets-là ne sont pas présentés, portés et dits, ils ne peuvent évidemment pas être mis en œuvre. La prise de parole permet aussi de dire notre indignation devant les situations qui nous apparaissent condamnables ou critiquables. Elle est une arme et un outil de changement.»

Cheffe du Parti québécois de 2007 à 2014 et première ministre du Québec de 2012 à 2014, Pauline Marois est la première femme à avoir accédé à ces fonctions. Titulaire de nombreux ministères, elle a notamment créé les centres de la petite enfance et a déconfessionnalisé les commissions scolaires à la fin des années 1990.

Procréation assistée, selon Marie Grégoire

Photo : Bénédicte Brocard

« Je pense à toutes les femmes et à tous les couples qui désirent avoir un enfant et qui ne peuvent accéder à ce bonheur parce que la nature ne le leur permet pas. La procréation assistée aide la nature. Il y a quelque chose de très doux là-dedans et en même temps de très douloureux, car ce n’est pas un chemin facile. La procréation assistée, c’est aussi un choix de société. On a décidé d’aider les couples qui vivaient des enjeux de fertilité. Ça a été long, ça a coûté cher et il a fallu encadrer tout ça, mais ce choix était nécessaire. »

Communicatrice et chroniqueuse société, Marie Grégoire a représenté la circonscription québécoise de Berthier pour l’Action démocratique du Québec en 2002 et 2003.

Prostitution, selon Sarah-Maude Beauchesne

Photo : Instagram @lesfourchettes

« C’est un mot sombre, lourd et complexe. Ce qu’il évoque spontanément pour moi, c’est l’abus du corps de la femme, la détresse et la laideur de cette industrie. Mais le livre La Maison, d’Emma Becker [NDLR : paru chez Flammarion en 2019], m’a fait réfléchir et m’a fait découvrir un autre aspect du travail du sexe. Une femme de 30 ans y choisit, par désir et par curiosité, d’utiliser son corps et sa sexualité pour gagner de l’argent. S’il y a quelque chose qui me fâche au quotidien, c’est que la femme n’a jamais vraiment le contrôle sur son corps. Si une personne comme Emma Becker fait le choix de se servir du sien comme ça, je n’ai pas envie de la juger. En même temps, il y a énormément de femmes qui se prostituent pour survivre ou parce qu’elles y sont forcées. C’est un couteau à double tranchant. »

L’autrice Sarah-Maude Beauchesne a tenu pendant des années le blogue littéraire Les Fourchettes, qui a été adapté en série web pour ICI Tou.tv. Elle a créé la télésérie pour adolescents L’académie (TVA) et a aussi contribué à la scénarisation de la série Le chalet (VRAK).

 

Rides, selon Manon Massé

Photo : Québec Solidaire

« La première chose qui me vient à l’esprit, c’est cette citation de la grande poète innue Joséphine Bacon : “J’ai tant de plis sur mon visage. Chacune de mes rides. A vécu ma vie.” [NDLR : extrait d’Uiesh – Quelque part, paru chez Mémoire d’encrier en 2018]. Les rides, c’est la beauté, l’expérience et l’enracinement dans la vie. Plus tu as pris ta vie à bras-le-corps, plus tu as souri à la vie, plus tes rides sont nombreuses. C’est tellement beau, une ride. Un visage ridé, c’est un visage qui a vécu et c’est magnifique. »

Manon Massé est députée de Québec solidaire pour la circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques depuis 2014. Militante engagée pour la justice sociale et les droits des femmes et des minorités depuis 30 ans, elle est aujourd’hui coporte-parole de la formation.

Ruban rose, selon Isabelle Hudon

Photo : Julie Artacho

« Le ruban rose est un mouvement en action, ambitieux et solidaire.

La bienveillance est un attribut très féminin. Et c’est une femme qui a d’abord pensé à attacher des rubans jaunes aux arbres [NDLR : en 1979, l’Américaine Penne Laingen, épouse d’un otage détenu en Iran, en a suggéré l’idée, qui s’est répandue ensuite et est devenue une façon de soutenir les soldats déployés à l’étranger, détenus ou disparus]. Cette campagne a évolué et est maintenant celle du ruban porté, avec une couleur pour chaque cause. Le rose a été choisi pour le cancer du sein. Des femmes entrepreneures ont mis la main à la pâte pour que ce ruban devienne la marque de l’entraide et de la recherche pour lutter contre cette maladie. »

Isabelle Hudon est l’ambassadrice du Canada en France et à Monaco depuis septembre 2017. Elle a auparavant dirigé les activités de la Financière Sun Life au Québec. C’est aussi la cofondatrice de L’effet A, dont la mission est de propulser l’engagement professionnel des femmes.

Sage-femme, selon Catherine Mavrikakis

Photo : Sandra Lachance

« Il y a eu un combat à mener au Québec pour la reconnaissance des sages-femmes. La sage-femme n’existe pas beaucoup dans notre imaginaire : à la télé, des docteurs ou des chauffeurs de taxi mettent au monde les bébés… dans la catastrophe. Or, la mère de Socrate était sage-femme. On dit que toute la pensée socratique de la pratique philosophique, la maïeutique, qui consiste à faire accoucher les âmes, vient de sa mère. Le modèle de la philosophie occidentale est la sage-femme. Mais on l’a occultée. Ce n’est pas étonnant.

Mettre au monde, accueillir dans ce monde la vie, la préparer à venir, c’est un travail éthique qui demande à être célébré. La sage-femme est la sagesse même, la sagesse qui prépare la venue au monde. Il n’y a rien de plus philosophique et
de plus essentiel que cette pensée de l’hospitalité et du soin de celles et ceux qui viendront. »

Avec la dizaine de romans qu’elle a publiés, Catherine Mavrikakis est reconnue aujourd’hui comme l’une des écrivaines les plus influentes au Québec. Elle est aussi professeure au Département des littératures de langue française à l’Université de Montréal.

Sexe, selon Mitsou Gélinas

Photo : Sébastien Sauvage

« Sexe
Moteur, tourbillon, extase.
Tu es aussi peine et abandon. Tu es mon entrée dans l’univers Es-tu toujours ma définition ?

Au cœur de ma vie,

me réserves-tu encore des surprises ?

Je te fais la bise ou je te baise?

Rien n’est mieux que toi

Quand tu me charmes, me touches

Mais laisse-moi à mon tour devenir chasseresse, mon amour »

Comédienne, animatrice, femme d’affaires, Mitsou Gélinas se fait appeler Mitsou depuis que le public l’a découverte comme chanteuse, dans les années 1980. Elle est porte-parole de la Fondation du cancer du sein du Québec depuis 2006, en plus d’être la fondatrice et la directrice de mitsoumagazine.com, une publication en ligne.

Sexisme, selon Kim Thomassin

Photo : Bénédicte Brocard

« J’ai eu des modèles extraordinaires. Des personnes qui m’ont permis de croire que ce qui allait déterminer mon parcours professionnel était la valeur de mes compétences et la hauteur de mes ambitions. La diversité des expériences, des personnalités et des opinions est une véritable richesse qui rend nos organisations plus fortes. C’est le message que je passe autant à ma fille qu’à mes équipes et mes collègues à la Caisse. Bien du chemin a été parcouru, mais on doit rester vigilants parce qu’il n’y a rien d’acquis et encore des obstacles à surmonter pour que les femmes prennent pleinement leur place. »

L’avocate Kim Thomassin est première vice-présidente et cheffe des Placements au Québec et de l’Investissement durable à la Caisse de dépôt et placement du Québec depuis avril 2020.

Solidarité, selon Karine Vanasse

«S o l i d a r i t é

Photo : Geneviève Charbonneau

Parce qu’on s’est toutes dit, à un certain moment, qu’on pouvait sûrement faire sans… mais notre histoire existe dans ces maillons qu’on a osé
et qu’on osera entrelacer.

C’est quand mes bras s’accrochent aux vôtres que je sens la vie qui nous unit.

Une interdépendance que je sens, là, dans le creux des coudes. Et qui vient de la chaleur du cœur. »

Le public a découvert Karine Vanasse en 1999 avec le film Emporte-moi, de Léa Pool. Depuis, la comédienne et productrice bilingue multiplie les projets. On l’a récemment vue dans les séries Blue Moon (TVA) et Cardinal (CTV), pour laquelle son jeu a été récompensé aux Prix Écrans canadiens en 2019 et en 2020.

Soutien-gorge, selon Anaïs Barbeau-Lavalette

Photo : Éva-Maude TC

« Le soutien-gorge est l’une des premières prises de pouvoir des femmes. Dans les années 1970, on l’arrachait et certaines le brûlaient. C’était une prise de possession de son corps et une réappropriation d’un objet imposé par le patriarcat pour des normes esthétiques. Aujourd’hui, ça revient d’une autre façon. Avec la COVID-19, on a vu des femmes porter leur soutien-gorge comme masque, un peu comme si elles disaient : “Je l’ai brûlé dans les années 1970, maintenant je me le mets dans la face pour ne pas crever ! Prenez soin de ce qui compte.” Est-ce que c’est assez clair comme revendication ? »

Anaïs Barbeau-Lavalette est cinéaste, scénariste et autrice. Elle a mis sur pied, avec Laure Waridel, le mouvement proenvironnement Mères au front.

Université, selon Brigitte Coutu

brigitte coutu

Photo : Pierre Manning

« L’université est un lieu où j’ai appris une façon de réfléchir et de structurer ma pensée. Ça m’a apporté une rigueur que j’ai toujours essayé de reproduire dans mon entreprise, notamment pour la standardisation des recettes. Je pense que, si on est rendus là où on est, c’est parce qu’on a accordé beaucoup d’importance à cette rigueur. C’est aussi à l’université que j’ai rencontré deux personnes qui ont été déterminantes dans ma vie : Hélène Laurendeau, avec qui j’ai fait mes stages, et Christina Blais, qui m’a enseigné la chimie alimentaire. Encore aujourd’hui, on travaille ensemble. »

Brigitte Coutu est cofondatrice, présidente et éditrice de RICARDO Media. Elle détient un baccalauréat en nutrition de l’Université de Montréal et un doctorat honoris causa de l’Université Laval, aussi en nutrition.

Vagin, selon Élisapie Isaac

Photo : Le Pigeon

« Le vagin – utsuk en inuktitut – est l’organe le plus puissant qui existe. Nos fils et nos filles sont passés par là. Au-delà de ça, il y a aussi la jouissance qu’il procure. Parler de son vagin, c’est assumer sa sexualité, ses fantasmes. Les femmes ont une sexualité encore plus flyée que les hommes, mais c’est toujours tabou. On a beaucoup parlé des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées, et des victimes d’abus sexuels et de harcèlement. C’est important, mais il faut aussi aborder le fait qu’on a le droit d’être libérées, d’être très sexuelles et érotiques. Il faut arriver à parler de sexualité comme de quelque chose de complètement sain. Être une femme en 2020, c’est très excitant. Ce n’est pas seulement être féminine. On peut également avoir des gestes très “masculins”. C’est important de ne pas juste nous prendre pour un truc. »

Autrice-compositrice-interprète inuite, Elisapie Isaac a vu son plus récent album, The Ballad of the Runaway Girl (2018), récompensé par deux Félix en 2019 : Album de l’année – Autres langues et Réalisation de disque de l’année.

Violence conjugale, selon Monia Chokri

Monia Chokri

Photo : Maude Chauvin

« En réfléchissant à ce mot, je me suis rendu compte que j’avais vécu de la violence conjugale et que je l’avais occultée. De la violence verbale. Ma relation avec cet homme s’est terminée le jour où il a entré son poing dans le mur à côté de mon visage. Je me suis dit que le prochain coup, c’est moi qui l’aurais. Avec le caractère et la confiance que j’ai, je ne pouvais pas imaginer que j’avais subi de la violence. Mais avec le recul, j’ai réalisé qu’en sortant de cette relation-là, j’étais l’ombre de moi-même. La violence conjugale, c’est sournois. Il faut le répéter : ça peut arriver à n’importe qui. Ce n’est pas une question de faiblesse. »

Monia Chokri est comédienne, réalisatrice et scénariste. Son film La femme de mon frère a reçu le prix Coup de cœur du jury au Festival de Cannes 2019.

Voile, selon Michèle Ouimet

Photo : Alain Roberge

« À 20 ans, je ne connaissais rien à l’islam, encore moins au voile. Pour moi, il n’était que soumission, mais au fil de mes reportages dans des pays musulmans, ma vision a changé. La réalité, beaucoup plus complexe que je le soupçonnais, a brouillé mes repères et fait voler en éclats le carcan simpliste dans lequel j’emprisonnais le voile. J’ai découvert que des femmes le portent par choix, parce qu’il fait partie de leur identité culturelle. Par contre, la majorité d’entre elles se voilent. Elles cèdent à la pression des hommes enfermés dans une religion rigide qui leur laisse peu de place. Je suis passée de mon ignorance de femme occidentale à la perplexité, puis de la perplexité à la complexité, car rien n’est simple au pays du voile, pour finalement aboutir à la tolérance si difficile à observer. »

La journaliste Michèle Ouimet a travaillé au quotidien La Presse pendant 29 ans avant de prendre sa retraite en 2018. L’année suivante, elle a fait paraître le livre Partir pour raconter (Les Éditions du Boréal), dans lequel elle propose le récit de sa carrière de journaliste internationale.

Vote, selon Janette Bertrand

Janette Bertrand

Photo : Julien Faugère

« En 1940, l’année où les femmes ont obtenu le droit de voter au Québec, j’avais 15 ans. Mon père était extraordinaire, mais c’était aussi un homme de son temps. Pour lui, les suffragettes étaient toutes des “mal baisées”. À cette époque, je n’étais pas la Janette d’aujourd’hui. J’étais soumise et silencieuse, et je ne savais pas trop quoi en penser. J’ai compris très tard ce que ce mot voulait dire pour moi et à quel point c’était important. Parce que, si on acceptait que les femmes votent, on acceptait qu’elles aient une âme. »

Tout au long de sa vie, comme journaliste, animatrice, dramaturge ou autrice, elle a brassé le Québec pour le faire entrer dans la modernité – les Québécoises lui doivent beaucoup. À 95 ans, elle est toujours soucieuse de traiter de sujets contemporains. Son plus récent roman, Un viol ordinaire (Libre Expression), porte sur les hommes et le mouvement #MoiAussi.

 

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