Société

Couples : la COVID-19 fragilise les familles

Stress, fatigue, conciliation télétravail-famille, insécurité financière… La pandémie a miné le quotidien de bien des couples.

Lorsque la première vague de la pandémie a déferlé sur le Québec, Mélanie et Simon se sont retrouvés du jour au lendemain coincés dans leur appartement de cinq pièces avec leur fillette de quatre ans. « Ç’a eu raison de nous ! » lance la jeune trentenaire, la voix brisée.

Jointe au téléphone, elle raconte avec une tristesse encore palpable ces derniers mois qui se sont soldés par une séparation. «Dire qu’on ne l’avait pas senti venir serait mentir, précise-t-elle. Avant la pandémie, on ne se voyait presque plus seuls mon chum et moi, entre le boulot, la garderie, les activités, les amis… Est-ce que ça serait allé aussi vite sans le confinement ? J’en doute. »

Son couple est loin d’être le seul à avoir cédé sous la pression de la COVID-19. La thérapeute conjugale et familiale Leila Serrar en témoigne. « Avant l’automne, je n’avais jamais reçu autant de demandes de rendez-vous pour des crises conjugales, de l’anxiété et de la dépression », dit-elle.

Selon ses observations, cette hausse sans précédent aurait commencé lors du confinement en mars 2020, bien avant qu’on ne voie plus le bout de cette crise sanitaire. Elle serait également davantage marquée chez les couples avec enfant.

À ce jour, les sources officielles n’ont pas quantifié avec précision les effets dévastateurs de la pandémie sur les relations conjugales. On note toutefois qu’au-delà des arcs-en-ciel confiants du printemps 2020, celle-ci a fait éclater de nombreuses unions.

Nécessaire équilibre

Le tourbillon du quotidien – et les distractions qui viennent avec celui-ci – est salutaire pour bien des amoureux. « Un couple peut faire beaucoup de millage quand tout tourne normalement. Certains partenaires arrivent justement à vivre presque sans se voir », concède la psychothérapeute et sexologue Sylvie Lavallée. Il est en effet assez rare qu’on se dispute avec une personne qu’on ne fait que croiser.

« Il y a bien des choses qu’on réussit à éviter de cette façon, parfois sans même s’en rendre compte. Sauf qu’il n’y a rien d’ordinaire dans la situation qu’on vit en ce moment », dit-elle avec un léger soupir.

Aux prises avec des sources d’inquiétude inédites, vivant dans un espace restreint, sans autres échappatoires que numériques, un couple peut en arriver à ne plus pouvoir poursuivre une relation, boiteuse ou pas, selon Katherine Péloquin, psychologue et directrice du Laboratoire d’étude du couple de l’Université de Montréal. « Un couple, c’est d’abord des individus. Les facteurs de stress pèsent sur eux en premier. Ça peut être difficile de maintenir une relation quand on ne va soi-même pas bien », rappelle-t-elle.

C’est ce qui a joué dans le cas de Mélanie et de son ex. « Nos fondations n’étaient plus assez solides, malgré notre histoire. J’aurais aimé le voir plus tôt… Il aura fallu un arrêt complet du monde et un repli forcé sur nous-mêmes pour nous en rendre compte. La pandémie nous a obligés à regarder les choses en face et à assumer cette petite fin du monde. Notre petite fin du monde. »

Moral en déclin

Les raisons d’être anxieux se sont multipliées au cours de la dernière année : perte d’emploi, précarité financière, incompatibilité télétravail-famille, vie sociale en veilleuse, angoisse à l’égard de la santé de nos proches… « Et c’est sans compter le clivage persistant entre les partenaires, notamment dans la répartition de la charge mentale et des tâches récurrentes du quotidien », souligne la chercheuse Katherine Péloquin.

Le grand perdant ? L’équilibre, pilier des relations de couple durables et saines, selon Leila Serrar, directrice de la Clinique psychothérapeute Montréal. Ces nouveaux stress sont exacerbés par « le manque de ressourcement dans les activités sociales, sportives, culturelles… », énumère-t-elle. Or, le bien-être des individus fait souvent le bonheur des couples qu’ils forment.

Depuis le printemps 2020, nos vies sont chamboulées, insiste Katherine Péloquin, qui conjugue recherche et pratique en clinique. « Tous ont dû s’adapter à une vitesse hors du commun, sans jamais vraiment pouvoir souffler. Cet épuisement finit par transparaître sur les couples », dit-elle. Et cela, qu’ils vivent ensemble depuis longtemps ou pas.

Place à la créativité

Gabrielle l’a appris à la dure. « La pandémie a eu un effet dévastateur sur le moral de mon copain. Ç’a fini par jouer sur nos moments ensemble, sur ce qu’on s’apportait mutuellement. Les choses ont finalement craqué au début de l’automne, quand on nous a demandé de nous confiner une seconde fois. »

En couple depuis à peine un an au moment du premier confinement, la jeune femme et son ancien amoureux ont choisi de vivre ensemble du jour au lendemain. « On a pris la décision même si on n’était pas tout à fait prêts, en nous disant que ça ne durerait qu’un temps, raconte Gabrielle, en lâchant un rire triste. Les débuts se sont bien passés, mais la réalité nous a vite rattrapés. C’était trop, trop vite. »

Pour s’en sortir, les couples doivent faire preuve de créativité, mais aussi de résilience. Ils doivent se réserver des moments de solitude, ou encore à deux, qui les détournent du quotidien. Surtout, ils ne doivent pas éviter d’avoir des conversations un peu plus ardues, histoire de rectifier le tir là où il le faut, estime Sylvie Lavallée.

« Même pour les couples les plus forts, qui prenaient déjà le temps de veiller sur eux, les derniers mois ont été particulièrement difficiles, souligne la psychothérapeute et sexologue. Je vous laisse donc imaginer ce que 2020 a pu faire à ceux qui étaient d’emblée fragiles. »

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