Les guerres ont forcé l’an dernier deux millions de personnes – l’équivalent de la population des villes de Montréal et de Québec réunies – à quitter leur pays. Ce nombre a doublé en une décennie. Sur 10 réfugiés, 8 sont des femmes. La journaliste bosniaque Zrinka Bralo a été l’une d’elles. Aujourd’hui installée à Londres, elle consacre sa vie à aider les migrants.
Trouver un travailleur social pour une arrivante vulnérable et isolée. Donner des conseils juridiques à une demandeuse d’asile à qui on vient de refuser le statut de réfugiée. Expliquer comment obtenir un logement social à une famille qui, perdue et en choc, débarque du bout du monde. Zrinka Bralo, 47 ans, directrice du Migrant and Refugee Communities Forum de Londres, vit dans un tourbillon d’urgences à régler.
Ces difficultés, elle les a connues. Zrinka Bralo avait 25 ans et était journaliste à Sarajevo quand sa ville, où Serbes, Bosniaques et Croates vivaient côte à côte depuis des générations, s’est enfoncée dans la guerre et le génocide. Elle a passé un an et demi sous les bombardements avant de fuir.
Arrivée à Londres, folle d’inquiétude – elle avait dû laisser sa mère derrière – elle a demandé l’asile. A fini par l’obtenir, surmonter son choc post-traumatique et faire des études en communication. Une survivante… Puis elle a quitté le journalisme pour se consacrer aux Bosniaques rescapés des camps de concentration. « Pour aller mieux, j’avais besoin d’aider », dit-elle. Elle a fini par se joindre au Migrant and Refugee Communities Forum en 2001. L’organisation non gouvernementale (ONG), fondée en 1993, défend les droits des nouveaux arrivants et les aide à s’intégrer.
« Les temps sont tellement difficiles maintenant pour les demandeurs d’asile », dit-elle, assise dans son bureau aux murs tapissés de photos et de coupures de journaux qui témoignent de sa lutte au quotidien. « Les quelques chanceux qui réussissent à entrer au pays se font souvent refuser le statut de réfugiés. Ils n’ont pas le droit de travailler. On les entasse dans des appartements où ils survivent avec un bon de 35 livres sterling par semaine [environ 65 $]. Le gouvernement leur fait la vie dure pour qu’ils rentrent chez eux, mais bon nombre n’ont plus de chez-eux. » Et c’est encore pire pour les femmes, qui représentent 80 % des réfugiés. « La demande d’asile est toujours faite au nom de l’homme et madame est une personne à charge, dit Zrinka. Si elle se sépare de son mari, un défi bureaucratique l’attend. »
Malgré tout, s’émerveille-t-elle, beaucoup se relèvent et réalisent de grandes choses. Elle a donc créé, en 2012, le prix Migrant and Refugee Woman of the Year pour saluer la contribution de ces femmes à peine rescapées de la guerre à la société britannique. Sa vie londonienne ne lui a pas fait oublier d’où elle vient. Avec l’organisme Most Mira (« Pont de la paix » en bosniaque), elle travaille avec les jeunes dans la région de Prijedor, en Bosnie-Herzégovine. Ceux-ci veulent s’en aller car, même si les camps de concentration y ont disparu, la ségrégation est toujours présente et l’économie, démolie.
« Nous tentons de rebâtir des ponts entre les communautés en réunissant des jeunes gens pour leur faire réaliser ensemble des projets artistiques. » Zrinka Bralo ne peut effacer le passé, mais elle s’efforce de construire un avenir meilleur.