Chère Léa,
Connais-tu une mère ravie de laisser sa progéniture en garderie 50 heures par semaine? Moi pas.
Il me semble qu’il y a plusieurs types de personnes. Ceux qui font carrière, à qui le travail apporte, en plus des sous pour payer les factures, la reconnaissance, la satisfaction, le sentiment de se réaliser.
Et il y a les autres (beaucoup plus nombreux) pour qui le boulot sert à gagner sa croûte sans beaucoup d’épanouissement à la clé et qui achètent des billets de loterie en rêvant de chanter Bye bye boss. Ces gens-là ont deux vies. L’une pleine de lunchs, d’arénas, de rendez-vous chez le pédiatre. L’autre remplie de ponctualité obligatoire, de rendement à fournir, de pirouettes pour régler le casse-tête de la semaine de relâche.
La plupart d’entre eux se désâment pour faire tenir leurs deux vies dans une seule.
Leur taper sur les doigts parce que leurs enfants n’ont pas une vie de conte de fées est parfaitement injuste. Et inutile : ils se sentent assez coupables comme ça.
Depuis 20 ans, l’État (avec nos sous de contribuables) a mis en place un filet, constitué de congés parentaux et d’un réseau de services de garde, qui a changé la donne pour les familles. Ce n’est pas parfait (pas assez de places en CPE, par exemple.) Mais mettons qu’on relativise quand on pense qu’une mère américaine a droit à un congé de maternité de 12 semaines (non-payées!) si elle travaille pour une entreprise de plus de 50 employés.
Tout le monde fait sa part, donc. Il ne manque plus qu’une révolution : celle de la souplesse dans le marché du travail. On parle de temps partiel, d’horaire flexible, de congés sans solde, de retour progressif, de parcours professionnels adaptés, de services de garde sur le lieu de travail. Certaines grandes entreprises s’y sont mises. Mais pas grand-chose dans les PME. Parce que c’est compliqué pour un commerce ou un petit bureau qui fonctionne avec 20 employés. Mais aussi parce que deux employés à demi-temps coûtent plus cher qu’un employé à temps plein.
Et que les PME n’en ont pas les moyens tout simplement.
Le monde patronal dit depuis des années que c’est la démographie qui va faire bouger les choses. On parlait du choc 2013 : à partir de cette année-là, disait-on, les jeunes travailleurs ne seraient plus assez nombreux pour compenser les départs à la retraite. Le manque de main-d’œuvre obligerait les entreprises à s’adapter davantage aux besoins de leurs employés. Et tout commencerait à changer.
Y crois-tu? À voir l’économie du Québec, la dette, le taux de chômage, on dirait plutôt que ce beau jour a autant de chances d’arriver que la société des loisirs qu’on nous promettait quand j’étais enfant.
C’est sans espoir? Je ne veux pas y croire. Car une chose me turlupine : oui on travaille fort. Oui la vie coûte cher. Mais mettons-nous toujours nos sous et nos valeurs à la bonne place? Y aurait-il moyen de faire autrement? Il me semble qu’on ne fera pas le tour de cette question en deux billets. Je fouille et te reviens.
Louise