Société

Les Proulx : un clan tissé serré

La famille la plus loyale de Rigaud!

 

Une partie du clan à l’ombre  des arbres chez Charlotte,  ma grand-mère

Une partie du clan à l’ombre des arbres chez Charlotte,ma grand-mère

Il était une fois des oncles, des tantes, un père, une mère, des sœurs, des cousins, des petits-enfants, des beaux-frères et une grand-mère qui vivaient ensemble sans se pomper l’air.

C’est un samedi soir ordinaire dans un bungalow de briques rouges du chemin de l’Anse, à Rigaud. Rien de spécial à souligner et, pourtant, un étranger entrant à l’improviste croirait à un remake des noces de Cana, vu la table et ses deux rallonges parées d’une nappe en coton égyptien avec serviettes assorties, les fleurs au centre, les bougies allumées et le nombre indécent de bouteilles débouchées. Douce ivresse, ventres repus, mots d’esprit, réédition d’anecdotes familiales dont on ne se lasse pas. Parmi les classiques, il y a la fois où mon père a répété l’exploit de son propre père, soit caler son gros tracteur Case 685 dans le lac pas tout à fait gelé (« Ben non, Ginette, la glace est épaisse, y’a pas de danger ! »), l’obligeant à louer à fort prix la pépine à Guindon. La fois où je me suis retrouvée seule dans un train stationné pour la nuit au milieu d’un champ, m’étant endormie si profondément que j’avais raté le terminus. La fois où ma sœur Geneviève a traversé le Canada dans un jeep fini qui prenait feu.

Ma mère, ma sœur, moi et mon chum paressant sur le quai.

Ma mère, ma sœur, moi et mon chum paressant sur le quai.

On rit tels de vieux complices renouant après 20 ans de galère par monts et par vaux alors qu’on s’est vus le matin même. Oncle Michel et papa ont réparé la faucheuse dans un concert de mots d’église, Geneviève est allée aux puces avec ma mère, ma tante Christiane et ma sœur Véronique ont ramassé des tomates au jardin pour le cannage, mon homme a aidé oncle Gérald à décharger un voyage de balles de foin. J’ai croisé l’impératrice Charlotte, ma grand-mère, et sa suite de sept minous qui traversaient à la ferme à petits pas très lents. Il fut un temps où elle tirait les vaches en talons hauts. Époque regrettée. « Je déteste être vieille ! » Elle n’a pourtant rien perdu de sa majesté.

Mes nièces, ma cousine, mes sœurs.

Mes nièces, ma cousine, mes sœurs.

Les agapes se sont organisées à la dernière minute, comme souvent. On a le choix de la table : toutes nos maisons sont voisines, sauf la mienne, située à sept minutes de voiture, au bout du village. C’est déjà trop loin à mon goût. Je n’ai pas toujours dit ça. J’ai fait mon baluchon à 18 ans, geste salutaire qui m’a permis de m’affranchir de l’autorité des membres dominants de mon clan. Car il y a du caractère au pouce carré chez les Proulx. Si l’harmonie perdure en dépit de ce voisinage assidu, c’est au prix de frustrations et d’agacements ravalés. La cohésion du groupe prime nos griefs personnels. Est-ce une bonne affaire ? Je n’y ai jamais tellement songé. Comme presque tout le monde dans la famille, j’ai vécu ailleurs, mais mon retour éventuel allait de soi. L’éloignement me condamnait à l’ennui.

Mon père sur son fameux Case 685.

Mon père sur son fameux Case 685.

Chez nous, je retrouve des petits bouts de mon enfance, des gens qui sont toujours de mon bord, une consolation aux déceptions, un abri contre la méchanceté. De la quiétude. De la beauté. Et puis, il y a l’attachement au paysage, à cette terre labourée par mes aïeux au pic et à la serfouette. J’appartiens à ce chemin rocailleux qui mène de la grange à la voie ferrée, à ces champs de graminées mêlées de bourses-à-pasteur et de vesces jargeau, à cette baie venteuse de la rivière Outaouais où nidifient les bernaches au printemps. Je suis là pour en assurer la continuité.

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