Écrit le 8 septembre à 6 h 18
Musique : The Verve, une cantate de Bach
État d’esprit : très ouvert mais les yeux collés
«Quelle est la différence entre une hockey mom et un pitbull ? Du rouge à lèvres ! » La blague lancée par Sarah Palin, la colistière de John McCain, le candidat républicain à la présidence des États-Unis, lors de son discours pendant le congrès du parti, a bien fait rire les délégués et certainement plus d’une femme de l’Alaska, l’État dont elle est gouverneure.
La nomination d’une femme comme colistière aurait dû réjouir les milieux féministes. Au contraire. Ils ont accusé John McCain, sans doute avec raison, d’avoir choisi une femme sans envergure dans le seul but d’attirer le vote des femmes laissées pour compte depuis la défaite d’Hillary.
Mais voilà que Sarah Palin est plus qu’une femme alibi. Elle plaît à la droite républicaine, qui se méfie de McCain, pas assez conservateur à son goût. Drôle et charismatique, elle fait vibrer l’Amérique profonde, qui ne se reconnaît nulle part dans l’échiquier politique élitiste de Washington. On a beau ne pas être d’accord avec cette Amérique, ses habitants ont droit à une représentation politique.
Cependant, avoir dirigé d’une main de fer une petite ville de l’Alaska et être mère d’une famille de cinq enfants, ce n’est pas suffisant pour devenir vice-présidente des États-Unis. John McCain a 72 ans. Il souffre d’un cancer de la peau. S’il est élu en novembre, le risque qu’il décède ou tombe gravement malade pendant son mandat n’est pas négligeable. Sarah Palin deviendrait alors automatiquement présidente des États-Unis. C’est arrivé neuf fois depuis 1900… Il y a de quoi frissonner d’horreur.
Mais ce n’est pas tant pour cela que les milieux féministes l’ont attaquée. Elle constitue une cible de choix parce que c’est une femme de droite. N’allez pas croire un instant que je suis d’accord avec ses idées. Dieu n’a quand même pas approuvé l’invasion de l’Irak comme elle l’a déclaré. Mais il est temps qu’on cesse de croire que les « vraies » femmes sont naturellement à gauche. Comme si notre instinct maternel nous interdisait de soutenir tout effort de guerre, comme si notre sensibilité nous empêchait de défendre un budget « déficit zéro » !
Dans certains milieux bien-pensants, dès qu’une femme exprime des idées politiques et sociales légèrement à droite de Lénine, elle devient un homme aux yeux de ses ennemies. C’est dépassé et c’est sexiste.
Je discutais récemment de la place des femmes en politique avec une collègue journaliste qui a semblé déçue quand je lui ai confié que le but à atteindre, selon moi, serait la non-différenciation des sexes. Les bonnes idées n’ont pas de sexe.
Quand ce magazine paraîtra, nous serons à quelques jours des élections fédérales. Un seul chef de parti, Elizabeth May, du Parti vert, est une femme. Contrairement à ce qui se passe au sud de la frontière, aucune Canadienne ne frôlera le pouvoir pendant la campagne électorale. Nous allons par contre passer pas mal de temps à nous demander pourquoi si peu de femmes font le saut en politique. On va entendre les mêmes rengaines : « Les femmes ne cherchent pas le pouvoir », « La politique c’est un boys’ club » et, ma préférée, « C’est une question de conciliation travail-famille. » Qui va s’occuper de la famille pendant que maman siège avec les autres élus de la nation ?
Voici comment l’étonnante Sarah Palin a réagi pendant son discours d’investiture : « Pose-t-on cette question à mes collègues masculins ? » Elle a beau être contre le droit à l’avortement et pour celui de porter des armes, madame Palin serait contre le sexisme ? Tiens, tiens.
Mais au-delà de tout, le plus important, c’est d’aller voter. Ne l’oubliez pas.