Voyages et escapades

Révolution culinaire en Catalogne

À Barcelone, la gastronomie s’éclate.

Un p’tit côté gourmand gourmet? Direction Barcelone! Où la fine gastronomie s’est largement démocratisée… Des tables chères, oui, mais d’autres plus abordables et toujours savoureuses.

Depuis une dizaine d’années, la Catalogne et sa métropole, Barcelone, fraient parmi les plus grands, à côté de Paris, de la Toscane ou du Périgord, dans la liste des destinations les plus courues des voyageurs gastronomes.

Serait-ce uniquement parce que la mer et le climat de cette région permettent une abondance de produits frais savoureux qui façonnent depuis toujours une cuisine méditerranéenne typée regorgeant de coquillages, de tomates fraîches ou con­fites, d’ail allumé, d’herbes aux parfums de terre et de soleil? Oui. La Catalogne est effectivement le berceau d’une gastronomie du sud à l’huile d’olive jamais banale.

Du pan amb tomaquet – pain grillé à l’ail et à la tomate écrasée – aux très typiques espardenyas – muscle du concombre de mer qui fond dans la bouche – en passant par mille confections aux épinards, muscat, coques, pignons, truffe, la table même la plus traditionnelle abonde en belles surprises.

Le fameux elBulli
La tradition, donc, bien sûr. Mais si cette destination a grimpé tant d’échelons gastronomiques, c’est surtout parce qu’une révolution culinaire y a eu lieu. Démarrée dans un restaurant, elle a su faire des petits dans toute la région. Et même dans le monde entier.

Depuis le milieu des années 1990, la Catalogne est le cœur d’un mouvement avant-gardiste mené par un chef mythique, Ferran Adrià, au restaurant elBulli, aujourd’hui fermé.

Même si on n’a jamais mangé chez lui, il suffit d’avoir commandé autre chose qu’un steak-frites au resto depuis le début du millénaire pour avoir goûté des plats inspirés ou influencés par son approche dite « moléculaire » ou « moderniste », que le sommelier François Chartier, un collaborateur d’Adrià, a largement diffusée au Québec.

Son esprit est partout dans la gastronomie contemporaine. Parfois très simplement, dans une petite mousse de type espuma déposée sur un poisson ou un gâteau. Parfois de façon plus élaborée. Les faux caviars aux saveurs improbables – melon, pomme, huile d’olive –, c’est lui qui les a inventés. Les poudres aux couleurs vives, les écumes, les gelées venues de nulle part qui donnent aux plats des allures de Picasso… encore lui. Et si vous entendez les mots cuit sous vide, pensez Adrià.

Les idées du chef ont infusé une énergie créative incroyable partout dans les cuisines.

« Ferran Adrià a créé une atmosphère de jeu autour de toute la table », dit Carme Ruscalleda, une autre grande toque étoilée de la région de Barcelone. « Personne n’a plus d’imagination dans ce domaine », ajoute Juan Mari Arzak, grand chef basque précurseur et ami personnel d’Adrià. C’est une nouvelle « lumière », résume-t-il, que le Catalan a jetée sur leur métier.

À la fin de juillet 2011, toutefois, el­Bulli a fermé ses portes. Le chef a décidé de se concentrer uniquement sur ses expérimentations et de lancer un organisme de recherche en cuisine. Plus de service aux tables pour lui.

La Catalogne et Barcelone perdent-elles ainsi leur principal attrait touristique? Pas du tout.

D’abord, aller à elBulli était de toute façon presque impossible. Le restaurant recevait des millions de demandes de réservation. Or, fermé six mois par année pour cause de recherche, il ne pouvait en satisfaire que quelques milliers.

Ensuite, ce qui attire tant les voyageurs, c’est l’esprit créatif contagieux d’Adrià et de son équipe: on sent encore partout cette énergie. Plus que jamais, même.

Signe qui ne se dément pas: sur la liste San Pellegrino des 50 tables les plus extraordinaires du monde, où elBulli a longtemps été considéré comme le numéro un des meilleurs restaurants, qui vient en deuxième position? Un autre catalan, El Celler de Can Roca, à Gérone, lui aussi absolument original (on y servait à un moment un dessert hommage à un but du joueur de soccer Lionel Messi!). « Il y a beaucoup de jeunes qui font des choses intéressantes partout en Catalogne », précise Joan Roca, le chef du Celler, qui re­fuse d’être considéré comme le dauphin.

Parmi les grands, il y a encore le Sant Pau, à Sant Pol de Mar, où officie Carme Ruscalleda, et le Can Fabes, à l’extérieur de Barcelone lui aussi.

Fière pépinière
La Catalogne, ce n’est heureusement pas que les grandes adresses chics et chères. C’est surtout une foule de petits restaurants traditionnels accessibles et de jeunes tables imaginatives qui incarnent la nouvelle fierté gastronomique catalane.

On pense, par exemple, au Dos Palillos à l’hôtel Casa Camper – eh oui! Camper, la marque de chaussures, a un hôtel – dans le Raval, quartier de Barcelone en pleine transformation. Ouvert par un ancien d’elBulli, Dos Palillos est un restaurant de tapas… à la japonaise.

Le TapaÇ24, situé à deux pas de la très élégante Passeig de Gràcia, vaut aussi le détour. Lancé par Carles Abellàn, un autre ex-elBulli, ce bar à tapas de style traditionnel affiche des prix abordables. Sauf que les plats ont ces petites touches de raffinement que l’on attend d’une table dirigée par un chef qui a fréquenté l’avant-garde?: seiches miniatures dans leur encre, mousse au chocolat extra-fine avec huile d’olive…

Les nouveaux phares, toutefois, s’appellent Tickets et 41º Experience. Installés dans le quartier traditionnel des spectacles de Barcelone, ils ont été ouverts au début de 2011 par… les frères Adrià, Ferran et Albert, le pâtissier de la famille. Au Tickets, ceux qui n’ont pas pu goûter à la cuisine d’elBulli trouveront les classiques qui ont fait connaître la cuisine moléculaire, comme les trompe-l’œil (ça a l’air de sushis mais ça n’en est pas, ça a l’air du tartare mais il n’y a pas un gramme de viande, ça a l’air du lait mais ça goûte le gaspacho, etc.) ou les « sphérifications », ces bulles couvertes d’une fine pellicule de gelée qui déroutent le convive en lui donnant l’impression qu’il mange quelque chose de solide alors que tout est liquide à l’intérieur. Au 41º Experience, on s’attable pour un repas de… 41 plats, assortis à la musique et aux cocktails, svp!

Le bras droit de Ferran Adrià à elBulli a fondé avec deux autres anciens le restaurant Compartir, à Cadaqués, une table très accessible?; et le pâtissier de Can Roca a ouvert à Gérone un glacier qui s’appelle Rocambolesc.

Bref, elBulli n’est plus, mais la cuisine catalane la plus déroutante, elle, continue sur son heureuse lancée.

Bon voyage. Et buen provecho!

Le transport pour ce reportage a été fourni par Air Transat, qui assure une liaison directe entre Montréal et Barcelone, trois fois par semaine – les jeudi, vendredi et samedi –, du 5 avril au 27 octobre. Transat offre aussi deux vols directs au départ de Toronto, les vendredi et samedi, du 21 avril au 27 octobre.

 

Consultez quelques-unes des meilleures adresses de Catalogne, selon Marie-Claude Lortie.

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