La cinéaste et auteure de La femme qui fuit présente le documentaire scénique Pôle Sud, conçu avec son amoureux, Émile Proulx-Cloutier, à l’Espace Libre, à Montréal, jusqu’au 21 mai. On découvre ici que les livres sont le moteur de son engagement social.
Je m’identifie beaucoup à la bourlingueuse qu’est Juliana Léveillé-Trudel, à son parcours de backpacker à la recherche d’émotions fortes. Elle a écrit Nirliit après une expérience marquante dans le Grand Nord. Elle s’adresse à une Inuite (déjà grand-mère à 40 ans), morte tragiquement. On y voit toute sa connaissance du territoire et son amour de l’humain. Elle a le regard et la langue justes pour raconter une telle histoire. Et c’est rare. J’applaudis l’authenticité et l’amour qui transpirent de son écriture. On ne sent pas le point de vue d’une Blanche sur un peuple.
C’est le bouquin que j’ai lu et prêté le plus souvent ! J’aurais aimé être Romain Gary, car c’est le plus grand humaniste que je connaisse. Il comprend les hommes et les lit avec une justesse bouleversante, tout en étant amer par rapport à la trajectoire de l’humanité. Ce récit s’inspire de sa vie aux États-Unis, dans les années 1960, marquées notamment par la révolte des Black Panthers. C’est une histoire hallucinante : un chien élevé pour sauter à la gorge des Noirs qu’il voudra déprogrammer. Il y jette un regard complexe sur l’engagement et pose la grande question du Bien et du Mal.
À 19 ans, je suis partie un an, sac au dos, pour aboutir dans un bidonville du Honduras. En marchant, j’ai trouvé El principito, version espagnole de ce classique d’Antoine de Saint-Exupéry. C’est le premier livre que j’ai lu dans cette langue… les pieds dans la boue ! J’ai dès lors voulu monter une pièce de théâtre dans le bidonville. On a adapté le texte à la réalité hondurienne avec des enfants pour qui le théâtre n’avait aucun sens. Puis, le président de la République nous a ouvert les portes du Théâtre national de Tegucigalpa pour cinq soirs. Cette expérience a conduit à la réalisation de mon premier film, Les petits princes des bidonvilles, et m’a convaincue que je pouvais faire un cinéma utile.
Virginia Woolf l’a écrit dans les années 1920, mais c’est tellement contemporain ! C’est le texte le plus féministe que je connaisse. Il revendique la place des femmes dans le milieu littéraire. Il a fallu du temps avant qu’elles puissent écrire de leur propre voix. Longtemps, elles n’ont pu avoir leur chambre à elles, ce petit cocon pour se cultiver. L’auteure traverse cette histoire avec intelligence et humour. C’est tellement d’actualité, car on entend encore « un livre de femme », alors qu’on devrait se foutre du genre de celui ou celle qui prend la plume !
C’est un album presque sans texte. Les illustrations de Marianne Dubuc mettent en scène un gros lion un peu pataud. Il découvre dans son jardin une outarde blessée, qui passera l’hiver dans sa crinière. Voici l’histoire d’une amitié accidentelle, invraisemblable, mais durable. J’aime sa simplicité. Les enfants peuvent la raconter dans leurs mots et de mille façons. Ce qui me touche, chaque fois que je l’ouvre, c’est le caractère improbable des relations qu’on se forge, comme celles qui restent après les voyages.
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