Voyages et escapades

Croatie : une croisière tout en douceur en mer Adriatique

Découvrir un coin du monde en croisière, c’est voyager en mode lenteur. Et, pour ce faire, la mer Adriatique, avec ses chapelets d’îles et de villages côtiers, est une destination de choix. 

Remparts dubrovnik

Les remparts de Dubrovnik. Photo : Marie-Ève Blanchard

Ça y est. C’est parti pour une croisière de huit jours sur la côte de la Croatie et du Monténégro. La Belle de l’Adriatique largue les amarres et quitte le port de Dubrovnik à la nuit tombante.

Ma tête tourne. Le mal de mer ? Pas vraiment. Mon corps tangue avec le navire et s’habitue peu à peu à cet état de déséquilibre. Pas désagréable.

En position allongée, je me laisse ballotter par les flip ! flap ! que fait le bateau en fendant les vagues. Je suis tiraillée entre la fatigue – encore sous l’effet du décalage horaire – et l’excitation de me trouver en sol croate, ou plutôt en eaux croates. Le balancement tout doux l’emportera. Je m’endormirai comme une enfant au son d’une berceuse.

Dubrovnik toits orange

Dubrovnik et ses toits de tuiles orange. Photo : iStock

Entre histoire et tourisme

Plus tôt dans la journée, Dubrovnik s’est dévoilée, souveraine. Une surprise : on y trouve peu de traces de la série de conflits qui a déchiré l’ex-Yougoslavie, et plus particulièrement la Croatie, de 1991 à 1995. Il faut savoir que, depuis les montagnes aux alentours, les obus pleuvaient sur la perle de l’Adriatique.

Depuis, la cité s’est rebâtie. Elle a astiqué les pierres couleur crème de ses maisons et monuments médiévaux, et remplacé les tuiles de ses toits, aujourd’hui d’un orange éclatant. « La reconstruction s’est faite grâce à l’Union européenne. Merci à Toulouse ! C’est cette ville française qui nous a fourni les tuiles », s’exclame la guide touristique.

En fait, la vieille ville de Dubrovnik est peut-être trop propre, trop sage. Elle s’est vidée de ses habitants en raison des loyers prohibitifs, comme bien d’autres cités touristiques sous l’effet des Airbnb de ce monde.

On se croirait presque dans un décor de carton-pâte, surtout dans la rue piétonne Stradun, prise d’assaut par les touristes qui débarquent, entre autres, de ces mastodontes sillonnant les mers avec des cargaisons de plus de 5 000 personnes. Quant à La Belle de l’Adriatique, elle n’accueille pas plus de 197 passagers à son bord et propose plutôt des voyages à taille humaine.

Chaque année, la Croatie et ses 3,9 millions d’habitants reçoivent 14 millions de visiteurs venant surtout d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie. Et Dubrovnik en est un point d’attraction majeur, notamment grâce à la série télé Game of Thrones, tournée en partie dans le coin.

Les gens de passage semblent manquer d’imagination. Ils restent là à s’agglutiner, passant du Palais du Recteur, devenu le Musée d’histoire, à la cathédrale de l’Assomption de la Vierge. Ou ils trottinent à la queue leu leu d’un point à l’autre, comme s’ils voulaient saisir l’âme de cette ville portuaire en quelques pas, alors que Dubrovnik date du 7e siècle… Il faudrait s’y installer pour connaître l’ampleur de son histoire si riche !

Pour échapper à cette frénésie, je quitte la Stradun. Et je grimpe dans les hauteurs pour emprunter les ruelles où la vie s’anime derrière les portes multicolores. Plus tard, j’irai parcourir les 2 km de remparts, datant du 13e siècle – la quasi-totalité tient encore debout, ce qui reste plutôt rare en Europe. La vue, sur la ville comme sur la mer, y est spectaculaire, bouleversante même. Mais les 35 euros (50 $) qu’il faut verser pour y avoir accès valent-ils le coût ? Oui, de toute évidence. Surtout pour les panoramas d’azur et de vent.

Croisière

La Belle de l’Adriatique, aux abords de Dubrovnik. Photo : Croisieurope/Miran Brautovic

Une pause verte à Miljet

Dès le réveil, le lendemain, je me précipite sur le pont soleil pour admirer au loin l’île longiligne de Mljet, l’escale d’aujourd’hui – que 3 km de large sur 37 km de long. Je m’enivre de l’air salin et des paysages où les camaïeux de bleu, de vert et de jaune s’entremêlent. La lumière, cristalline, éblouit.

Après les vieilles pierres, une excursion nature s’avère bienvenue.

Surnommée « l’île verte », elle est recouverte aux trois quarts de forêts, dont celle d’un parc national qui occupe une grande partie de sa superficie. « En raison du tourisme de masse, on a su très vite, dès 1960 en fait, qu’il fallait qu’on protège ces trésors », explique Slevana, notre guide.

Un sentier plutôt odorant où se côtoient les chênes verts, les pins d’Alep, le thym et la sauge sauvages mène jusqu’à Veliko Jezero, l’un des deux lacs salés de l’île aux teintes turquoise. Une oasis de fraîcheur en cette chaude journée.

Un petit groupe de croisiéristes, dont je fais partie, prendra une embarcation pour se rendre jusqu’au cœur de ce plan d’eau, sur l’îlot Sainte-Marie où les Bénédictins se sont installés au 12e siècle. Aujourd’hui, le monastère et l’église de style roman se cherchent une nouvelle vocation : entre un hôtel et un lieu de rencontres œcuméniques. Chose certaine, l’endroit se prête au recueillement… et aux prières.

Dans un abri, aux abords d’un promontoire, des fidèles ont laissé des mots implorant tous les saints de leur donner cet enfant si désiré ou de les aider à recouvrer la santé. Il ne reste qu’une pensée bienveillante à leur offrir.

Sibenik

Une ruelle typique de Šibenik. Photo : iStock

Voir Šibenik, et sourire

Chaque escale est marquée par une expérience unique. La ville fortifiée de Šibenik (prononcer Chibénic), par exemple. Je me perds avec bonheur dans ses dédales de rues pentues, qui datent des 15e et 16e siècles. Évidemment, comme partout, de nombreux logis ont été transformés en chambres d’hôte, mais des « locaux » déambulent tout de même ici et là, chargés de cabas qui débordent de fruits et de légumes frais. De vieilles dames accrochent aussi, entre les balcons, leur lessive sur des cordes à linge de fortune.

Partout, des fleurs rouges, fuchsia, jaunes – autant de rosiers, de bougainvilliers et d’ajoncs – égaient les façades des maisons aux pierres calcaires blanches ou blondes, comme on en retrouve partout dans les îles et dans les villes portuaires.

La cathédrale Saint-Jacques, Sveti Jakov en croate, mérite un arrêt avec sa frise sculptée, qui, sur les murs extérieurs, présente 71 portraits de gens du 15e siècle avec des faciès tantôt tristes, tantôt fiers. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, elle a été construite sur une période de 100 ans entre le Moyen-Âge et la Renaissance.

Cette cathédrale est aussi un lieu de culte important pour la population des environs. Aujourd’hui même, un mariage y est célébré en grande pompe. Ça danse et ça chante à qui mieux mieux sur la place juste à côté.

Au détour des voies piétonnes, plusieurs terrasses invitent au farniente. Et personne ne refusera un demi de Karlovačko, la populaire bière locale. Pour ma part, j’opterai pour le bar à vin Bokal, où les produits du vignoble familial sont à l’honneur. J’en profiterai pour rapporter une bouteille de Pošip, un fort honorable blanc de la côte dalmate.

Palais de Dioclétien

Le palais de Dioclétien à Split. Photo : iStock

Split, une fois dans sa vie

Quel privilège de se réveiller sans presse à 5 h du matin alors que mon cocon glisse vers les prochaines destinations, Trogir et Split. Les rideaux ouverts, je laisse mon regard se perdre vers l’horizon fait de blanc ouateux et de bleu layette.

La côte luxuriante et ses rochers calcaires défilent. Des îlots, petits cailloux qui brûlent au soleil, se succèdent, certains habités, d’autres pas. Quelques hameaux s’adossent à la colline depuis des siècles.

La mer est calme et déserte pour l’instant. En après-midi, des dizaines de voiliers dessineront des arabesques autour de La Belle de l’Adriatique. Comme dans des jeux enfantins. Certains plaisanciers lanceront même des salutations enthousiastes aux croisiéristes sur le pont.

Ce voyage en mer permet ce temps de contemplation. Ni trop trépidante ni trop nonchalante, la croisière propose moult activités et expéditions. Ces dernières varient de 26 à 81 euros (de 37 à 116 $). Mais on peut aussi établir son programme et explorer chaque escale à son propre rythme. Comme je le ferai en partie à Split.

Ah, Split ! J’avais repéré son nom dans l’itinéraire de la croisière et l’avais retenu. Cette ville se trouve à quelque 200 km de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Elles faisaient toutes deux partie de la Yougoslavie, démantelée au terme des conflits dans les Balkans.

En ce dimanche ensoleillé, la ville s’est faite belle avec, en arrière-plan, ses ruines romaines. Une foule joyeuse a pris d’assaut la promenade, la Riva , sur le front de mer. Les touristes se mêlent aux petites familles croates qui fêtent la Saint-Domnius.

Durant ce jour de célébrations, selon les coutumes locales, on doit se procurer un objet en bois qui portera chance tout au long de l’année. D’où la présence des nombreux étals qui débordent de chaises, de jouets et de bols.

Je me suis invitée à la fête et je n’ai pas pu m’empêcher de faire l’achat d’une cuillère en noyer. Pourquoi bouder sa chance ?

Mais on va à Split surtout pour le palais de Dioclétien, l’une des ruines romaines les mieux conservées en Europe et qui recèle des trésors inestimables. Pas étonnant qu’il soit, lui aussi, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’empereur romain Dioclétien s’est offert l’éternité en construisant ce monument qui a traversé les siècles. Sa dépouille est enterrée quelque part sous ses pierres… Et encore aujourd’hui, les guides touristiques prononcent son nom avec une certaine déférence.

Je me sens projetée dans la grande histoire de l’humanité. Et je mesure mes mots… Voir et toucher des mosaïques blanches et noires qui datent du 5e siècle laisse une profonde impression. Ici et là, des témoins de pierre et de granit : des remparts invincibles, des fragments de colonnes romaines et même un sphinx rap porté d’Égypte au moment de la construction, qui s’est échelonnée de 295 à 305.

La résidence de l’empereur romain Dioclétien, de 215 m de long sur 181 m de large, abrite aujourd’hui en son sein bars, restos et boutiques. Elle fait partie du cœur même de Split.

Un peu abasourdie par tant de faits historiques, je fais faux bond à notre guide, trop bavarde à mon goût. Marcher jusqu’à s’étourdir dans les rues historiques de la deuxième ville en importance de Croatie… et aboutir devant une boutique Zara – non, je n’y ai pas magasiné.

La tête pleine d’images fortes, je regagne le port où mouillent La Belle de l’Adriatique, trois autres gros navires et autant de traversiers qui relient les îles. Je rentre affamée après cette longue journée de randonnée. Dois-je le préciser, les repas à bord sont succulents et généreux – mention spéciale pour le foie gras à la compote de figues et de pommes. Le chef, Richard Moll, adapte les menus pour ceux qui suivent un régime alimentaire particulier, végétarien ou sans gluten, par exemple. « On arrive à faire une cuisine de qualité où que l’on soit, partout dans toutes nos croisières », précise-t-il. CroisiEurope 64 compte plus de 50 bateaux qui sillonnent mers, fleuves et canaux dans plusieurs régions du monde… et une centaine de chefs cuisiniers !

Bien repue, je monte sur le pont supérieur pour jeter un dernier coup d’œil à la côte. Le navire se détache du port de Split à 23 h sous un éblouissantfeu d’artifice, et la musique de la grande fête bat son plein. L’apothéose.

Kotor

Les bouches du Kotor, au Monténégro, parmi les plus belles baies au monde. Photo : iStock

Dépaysement absolu

La fin du périple approche. Mais avant de regagner Dubrovnik, le paquebot fera un détour par le Monténégro et les bouches de Kotor, parmi les plus belles baies au monde.

Dès l’entrée dans ces passages étroits, au petit matin, tous les gens à bord se précipitent sur le pont supérieur pour admirer ce paysage grandiose qui se déploie. Les yeux fermés et les cheveux dans le vent, quelques-uns se prendront même pour Jack ou Rose à la proue du Titanic dans le célèbre film éponyme. Et pourquoi pas, d’ailleurs ? Qui n’a pas envie de s’envoler ?

J’ai laissé ma place à l’avant à Daniel, 57 ans, et Rolande, 60 ans, qui se tenaient la main comme de jeunes amoureux. Ils en sont à leur première expérience en croisière. « D’habitude, on fait notre propre itinéraire pour les voyages en Europe ou en Amérique du Nord. Mais cette année, j’avais besoin de repos. Et je ne suis pas déçu », lâche cet ingénieur alsacien.

J’ai visité Kotor le cœur léger. J’ai apprécié chaque pas dans la vieille cité médiévale où se côtoient des maisons restaurées avec goût – sans clinquant –, des monuments historiques et de jolies boutiques de souvenirs. Les citadins ont façonné leur ville en la tournant vers la mer Adriatique tout en l’accrochant bien solidement à la montagne.

La Belle de l’Adriatique remet le cap vers Dubrovnik, qui signera la fin de cette formidable excursion de huit jours. Je remonte sur le pont soleil. Pour une dernière fois.

Le sourire fendu jusqu’aux oreilles, les larmes aux yeux, je savoure le moment. Détendue, comme rarement. « Tu verras, cette croisière va te changer à jamais ! » m’avait confié plus tôt dans la semaine Axel Araszkiewicz, responsable des relations extérieures à CroisiEurope. J’avais pris cette remarque à la légère, mais là, je dois lui donner raison.

Inoubliable, ce périple.

 

Le prix de cette croisière varie selon la saison. À partir de 1 769 euros (environ 2 600 $). Notre journaliste a été l’invitée de Croisieurope, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu du reportage. Elle a voyagé avec Air transat, qui propose des vols vers l’europe, dont la Croatie.

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