Voyages et escapades

Israël en 6 questions

Les nouvelles de cette région du monde sont rarement bonnes. Pourtant, sous les grands titres désolants se cache un endroit fabuleux au passé très riche et au présent plus calme qu’on ne se l’imagine.

Pourquoi aller en Israël ?

Pour un croyant, la question ne se pose pas. Berceau du judaïsme et du christianisme, Israël abrite aussi des lieux sacrés de l’islam, surtout à Jérusalem, ville « trois fois sainte ». Chaque année, des millions de pèlerins venus de la terre entière arrivent ici, seuls ou en voyage organisé, marchent sur les pas de Jésus, prient au Mur des Lamentations ou se recueillent sous le Dôme du Rocher, là où Mahomet serait monté au ciel sur une jument ailée sellée et bridée d’or…

Qu’on soit croyant ou athée, Israël exerce un puissant magnétisme. Sur un territoire 74 fois plus petit que le Québec, cet État réunit un nombre époustouflant de trésors archéologiques, de paysages grandioses, de villes extraordinaires. Au moins 10 000 ans séparent Jéricho, cité la plus ancienne de l’humanité, de Tel-Aviv, métropole moderne et trépidante née il y a 100 ans.

Découvrez Israël en images !
Regardez le photoreportage de Jean-Yves Girard.
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Est-ce dangereux ?

C’est LA question qu’un voyageur se fait poser avant de partir : « As-tu peur ? » Et il n’y a pas de honte à répondre : « Oui, un peu. » Tous les médias du monde ont leurs caméras et leurs micros braqués sur cette région du globe si inflammable qu’une simple étincelle peut y devenir incendie. Une couverture de presse intense donne à penser que l’État tout entier est sur le qui-vive et que sa population est constamment sur les dents.

La réalité est autre, plus banale… plus normale. Les gens vaquent à leurs occupations, les enfants vont à l’école, les jeunes écoutent Beyoncé ou Coldplay dans leur iPod, et impossible de trouver une place libre dans les cafés branchés de Tel-Aviv ou de Jérusalem. « La vérité est que chacun – et chacune – d’entre nous en Israël a assimilé à son quotidien les menaces et les tensions », explique Claude Grundman-Brightman, rencontrée chez elle, à Césarée, à un jet de pierre des vestiges récemment exhumés d’une cité portuaire construite il y a 20 siècles sur la côte méditerranéenne. « La plupart du temps, nous agissons sans y porter plus d’attention que cela. Les femmes jouent un rôle majeur dans cette stabilité en maintenant la routine d’éducation et d’activités régulières au sein de la famille, en plus de poursuivre leur carrière », résume cette mère de trois enfants, figure de proue de la communauté juive francophone, architecte renommée engagée au sein de plusieurs associations culturelles et éducatives.

Il faut dire aussi que les autorités israéliennes ont pris de sérieuses mesures pour éviter les drames autant que possible. À la porte de plusieurs sites historiques ou religieux, de musées, de grands magasins et de restaurants, des gardes armés fouillent les sacs à dos ou à main et tous ceux qui désirent entrer doivent traverser un détecteur de métal, comme à l’aéroport. Sur les routes, des postes de contrôle arrêtent les autos comme cela nous est arrivé : vous devez alors montrer patte blanche, décliner votre identité et indiquer le but de votre voyage. Et il y a également la « barrière de sécurité » érigée par l’État hébreu entre Israël et la Cisjordanie, où vivent environ deux millions d’Arabes palestiniens. Un mur qui court déjà sur plus de 400 kilomètres (sur les 700 prévus) et dont la construction – toujours en marche – a soulevé une controverse internationale. « Cette barrière s’est révélée être le moyen le plus efficace pour pratiquement éliminer les attentats à l’intérieur de nos frontières, explique avec diplomatie Claude Grundman-Brightman. Nous la considérons comme une ligne de défense et non une frontière définitive, en attendant bien sûr le miracle d’une conscience politique éclairée qui réponde à nos prières pour la paix… »

En attendant, les vêtements kaki font partie du paysage, et ce n’est pas un effet mode : le service militaire est obligatoire, trois ans pour les hommes, deux ans pour les femmes. Il est fréquent de croiser dans la rue des bandes de jeunes filles coiffées, maquillées, carabine en bandoulière. Servir sa patrie, d’accord, mais en beauté.

Israël, Palestine, Terre promise, Terre sainte, Comment s’y retrouver ?

Le plus simple est encore d’aller à la source. Pour ce voyage dans l’histoire, la Bible devient le meilleur des guides.

L’Ancien Testament (récit antérieur à Jésus) relate l’origine et le destin des Juifs : la Terre promise par Dieu à Abraham pour ses descendants, un royaume nommé Eretz Israël qui engloberait, selon les interprétations, l’actuel État d’Israël et une partie des contrées avoisinantes ; Moïse, qui libère le peuple hébreu de l’esclavage des pharaons ; l’exode hors d’Égypte ; la traversée de la mer Rouge ; l’arrivée à la Terre promise… Certaines grandes productions hollywoodiennes avec Charlton Heston vous reviennent sûrement à la mémoire. Quant au Nouveau Testament, il suit à la trace Jésus de Nazareth, qui prêche dans toute la Galilée, qui marche sur les eaux du lac de Tibériade… Miracle : ces endroits existent toujours et quand, au détour d’une route, ces noms auréolés d’histoire apparaissent soudain sur un panneau routier – « Nazareth 40 km » –, on a envie de se pincer…

Deux mille ans se sont écoulés depuis que l’archange Gabriel serait apparu à une Judéenne prénommée Marie pour lui annoncer qu’elle porterait le fils de Dieu, conçu par l’œuvre du Saint-Esprit. Nazareth, où Jésus passa une bonne partie de sa courte vie, n’a hélas à peu près rien conservé des temps évangéliques. Point de ralliement des visiteurs, l’impressionnante basilique de l’Annonciation a été érigée… dans les années 1960. On peut aisément passer outre et se diriger tout de suite vers l’est, direction le lac de Tibériade (aussi appelé mer de Galilée). Et, si possible, arriver à l’heure où les rayons du soleil couchant cajolent les eaux calmes et embrasent les montagnes arides du plateau du Golan, sur l’autre rive.

Un joli tableau, quasi inchangé depuis le jour où Jésus, qui prêchait dans les parages, rencontra Simon et son frère André. « Ils jetaient des filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Et Jésus leur dit : “Venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes.” Et aussitôt, laissant les filets, ils le suivirent. » Marc 1,16-18.

Tous les pêcheurs (de poissons) ne sont pas devenus disciples ; leurs descendants ramènent du lac de belles prises qui seront servies sur l’une des tables de Tibériade, municipalité qui a l’âge du Christ et est devenue une station balnéaire prisée des Israéliens. Chez Decks, un restaurant couru, juché sur pilotis, d’où partent le soir des croisières techno, le poisson de saint Pierre (nommé ainsi en l’honneur de Pierre, un autre pêcheur local qui devint l’apôtre préféré de Jésus) est grillé sur un grand feu de bois divers : olivier, mandarine, noyer et cerisier. Une spécialité du coin et un plat… divin.

Comment se comporter dans les lieux saints ?

La religion, à l’instar de la politique, est un sujet très sérieux avec lequel on ne badine pas. Athées, agnostiques, sceptiques, incrédules, animistes, peu importe : tous doivent respecter la formidable dévotion presque tangible et parfois troublante exprimée par des millions de croyants. Cela veut dire aussi se plier à des règles de comportement et d’habillement rigoureuses, ou sinon en subir les conséquences. Un conseil d’autant plus essentiel pour atteindre le Mur des Lamentations.

Équivalent pour les juifs de ce qu’est La Mecque pour les musulmans, le Mur des Lamentations (appellation considérée péjorative par certains, alors dites plutôt Mur occidental, traduction exacte de l’hébreu HaKotel). Il s’agit de l’unique vestige du Second Temple de Jérusalem, édifice gigantesque détruit en l’an 60. Aujourd’hui, c’est comme une vaste synagogue à ciel ouvert séparée en deux sections : à gauche, les hommes ; à droite, les femmes. Encore faut-il s’en approcher, privilège refusé aux hommes dont la tête n’est pas couverte.

Les femmes doivent également observer une certaine réserve dans leur habillement : jupe sous le genou, épaules couvertes et pas de couleurs criardes, s’il vous plaît.

Enfin, voilà le Mur. Plus on se rapproche, plus l’émotion est intense. Des juifs qu’on dirait en transe prient en se balançant d’avant en arrière. D’autres restent immobiles, le front collé sur la pierre, l’embrassent. D’autres encore cherchent un interstice où glisser un bout de papier sur lequel ils ont écrit une prière, un appel à l’aide, une demande précise, des remerciements pour faveur obtenue. Plusieurs non-juifs les imitent en silence.

Le Mur fait 48 mètres de longueur et 18 de hauteur et compte des milliers de fissures, vite comblées : des gens grimpent sur les épaules d’un ami pour en trouver une qui soit encore vide. Une fois par mois, ces missives, qui renferment toute la misère et tout l’espoir du monde, sont cueillies puis enterrées.

En principe, pour qui n’est pas juif et se dit athée de surcroît, toucher le Mur ne devrait pas être bien différent de toucher un mur ordinaire. « Quand je viens ici avec des non-juifs, certains regardent curieusement tout ça, un peu amusés », reconnaît Alice Marciano, guide professionnelle depuis 23 ans. Par contre… « Par contre, il y en a d’autres qui vibrent d’émotion. Il faut dire que c’est le dépouillement de l’endroit qui touche les gens et surtout la ferveur. » Et gare au « syndrome de Jérusalem » : l’aura mystique de la ville crée parfois des réactions bizarres chez des esprits trop sensibles. On en a vu s’identifier à des personnages de la Bible et du Nouveau Testament…

Où Jésus a-t-il été enterré ?

Cette question, vieille de 20 siècles, a refait surface récemment, alors qu’un documentaire produit par James Cameron, réalisateur du film Titanic, causait une commotion internationale : on aurait trouvé, non seulement la tombe de Jésus, mais aussi celles de Marie Madeleine et de leur fils, Judas. Dan Brown n’aurait donc rien inventé ? Autre bombe : la tombe supposée de Jésus contiendrait des ossements, ce qui contredirait la Résurrection.

Où est le vrai, où est le faux ? Le débat n’est pas près de s’arrêter et les fidèles ne devraient pas être moins nombreux à envahir l’église du Saint-Sépulcre. Car sous ses voûtes reposerait le tombeau du fils de Dieu. « Ici, dans la basilique du Saint-Sépulcre, je m’agenouille devant le lieu de sa sépulture », a dit dans son homélie le pape Jean-Paul II lors de son séjour en Terre sainte en l’an 2000.

Devant l’édicule, chapelle qui, au cœur de la basilique, abrite la tombe, une file d’attente s’étire. La fébrilité est palpable. Un pope orthodoxe grec peu commode garde l’entrée : quand un jeune homme en short est repoussé sans ménagement, chacun s’examine des pieds à la tête pour s’assurer que son look ne créera pas d’incident protocolaire. Une fois à l’intérieur, après une première pièce sombre, il faut se courber pour entrer dans une deuxième, la chambre mortuaire, plus petite et plus sombre encore. Quelques chandelles, juste assez d’espace pour trois personnes et un grand rectangle de marbre fissuré. Le tombeau. Hélas ! à peine a-t-on le temps de s’imprégner du mystère qui habite la pénombre et d’effleurer d’un doigt tremblant la sainte pierre qu’il faut vite laisser sa place à ceux qui attendent.

Tant pis. Heureusement, l’église du Saint-Sépulcre au complet est une absolue merveille à explorer.

Construite, détruite, reconstruite, à nouveau détruite et reconstruite encore une fois – pour reprendre les mots d’Amos Oz  –, l’église reposerait sur le site du Golgotha, la « colline du crâne », où Jésus a été crucifié. C’est d’ailleurs là que se trouvent les cinq dernières stations du chemin de la Croix, la Via Dolorosa. Ce qui reste aujourd’hui de la basilique originale (IVe siècle) remonte surtout aux croisés (XIIe siècle), avec çà et là des ajouts plus récents. Depuis 1752, trois « branches » du christianisme se partagent le Saint-Sépulcre : catholiques romains, Grecs orthodoxes, Arméniens orthodoxes. Trois Églises orientales (copte, syrienne et éthiopienne) ont elles aussi obtenu un petit droit de cité : ainsi, les coptes occupent une partie du toit. Un ménage à six réglé dans les moindres détails et propice à d’inévitables échauffourées : la dernière remonte à 2004 et a fait 12 blessés. Sans oulier que les clés de la porte d’entrée principale sont la responsabilité de la même famille musulmane depuis 900 ans !

À part les lieux saints, que faut-il voir absolument ?

Massada : Plusieurs Hérode ont régné sur cette région, dont Hérode Antipas, qui fit décapiter Jean le Baptiste pour offrir sa tête sur un plateau à la belle Salomé. Mais c’est son père, Hérode le Grand, roi de Judée, né en 74 avant J.-C., qui a laissé des traces importantes de son passage sur ces terres. Il a entre autres fait construire la formidable forteresse de Massada au sommet d’une montagne escarpée et aride près de la mer Morte, théâtre il y a 2 000 ans d’événements terribles devenus mythiques. Les Romains, qui contrôlaient la Judée, assiégèrent pendant des mois 900 rebelles juifs retranchés dans la forteresse ; quand les légionnaires arrivèrent à leurs fins, ils découvrirent que les assiégés avaient préféré le suicide collectif à la reddition. Massada fut ensuite laissée à l’abandon pendant des siècles et des siècles. Accessibles au public à pied ou par téléphérique, les ruines restaurées et le site de Massada ne sont rien de moins que spectaculaires.

Jaffa : Les origines de cette cité portuaire sont si anciennes qu’elles se perdent dans la nuit des temps. Conquise par des pharaons, le roi Salomon, Richard Cœur de Lion et Napoléon, Jaffa prend sa revanche et c’est à son tour de ravir le cœur des visiteurs, charmés par ces rues pentues déboulant vers la Méditerranée et décorées d’édifices biscornus. Jaffa offre aussi un point de vue unique sur une autre ville toute proche, décorée de plages dorées, une métropole branchée, moderne et éclectique : Tel-Aviv.

Le musée Yad Vashem : Dès la création de l’État d’Israël, en 1948, un mémorial de l’Holocauste a été aménagé à Jérusalem sur un immense terrain. Ce lieu de mémoire comprend depuis 2005 un tout nouveau musée. La Shoah y est expliquée du point de vue des Juifs, d’une façon originale et chronologique, pour en dévoiler tout le machiavélisme et toute l’horreur.


Deux mille ans séparent l’époque du Christ, quand la région comprise entre la Méditerranée et le fleuve Jourdain s’appelait Palestine ou Terre sainte, et la réalité complexe d’aujourd’hui (Israël, bande de Gaza, Territoires palestiniens). Tenter une explication, même sommaire, prendrait des pages et des pages. Plus simple et bien plus intéressant : plongez dans l’Ô Jérusalem de Dominique Lapierre et Larry Collins. Les auteurs relatent les circonstances qui ont mené à la création de l’État d’Israël, en 1948, date du « début de ce conflit entre Juifs et Arabes qui n’allait plus s’éteindre », explique Lapierre en préface de la réédition récente de l’ouvrage, publié originalement en 1972. Ils ont reconstitué les événements, rencontré tous les acteurs principaux, sans parti pris. Le résultat : un voyage fascinant dans l’histoire ancienne et la situation actuelle.

Autre livre pour comprendre Israël aujourd’hui : Une histoire d’amour et de ténèbres, d’Amos Oz, sans doute l’auteur israélien le plus connu à l’étranger. Détail important : Oz est aussi l’un des fondateurs du mouvement La paix maintenant. Né en 1939, Amos Oz met brillamment en mots sa vie, sa famille et son pays. C’est parfois un peu complexe, mais jamais assez pour qu’on perde le fil. C’est aussi plein d’humour. « Détruite, reconstruite, à nouveau détruite et reconstruite encore une fois […] Jérusalem est une vieille nymphomane qui presse ses amants comme un citron avant de s’en débarrasser en bâillant à s’en décrocher la mâchoire ; une veuve noire dévorant ses partenaires en pleine action. »

Ce reportage a été réalisé à l’invitation de l’Office national israélien de tourisme-Canada.

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