Beauté

Comment sont fabriqués les soins de beauté

Curieuse d’en savoir plus sur un cosmétique anti-âge, depuis sa création jusqu’à la livraison en magasin? La marque québécoise Jouviance nous révèle comment ses petits pots sont fabriqués.

Photo: Unsplash / Bee Naturalles

Les crèmes cosmétiques ne naissent pas en un claquement de doigts! Chez Jouviance, c’est toute une équipe – composée de cadres, de scientifiques et d’experts en marketing – qui planifie le lancement d’un produit. Si tout va bien, la nouveauté devrait se trouver dans nos trousses beauté trois ans plus tard.

Point de départ: place aux discussions! Il faut d’abord choisir les ingrédients actifs que l’on souhaite utiliser en tenant compte des tendances et de ce qui se fait ailleurs, notamment en Europe et en Corée du Sud – la «K-Beauty» (pour Korean Beauty) est réputée pour son avant-gardisme en soins de la peau.

Si ces ingrédients ont une odeur, il faudra la masquer, car les clientes préfèrent un produit inodore. «L’un de nos concurrents proposait une crème qui sentait le maïs. Ce n’était pas très attirant!» se souvient Rima Amroun-McMahan, responsable marketing chez Jouviance.

On détermine ensuite la mise en forme qui convient le mieux – un baume fondant ou un gel, par exemple – et le prix. La sélection du contenant est primordiale. Si la lotion jaillit en éclaboussures lors de l’utilisation, ou s’il reste trop de crème hors d’atteinte au fond d’un flacon, la cliente risque d’aller voir ailleurs. «Un mauvais conditionnement peut tuer un produit!» précise-t-elle.

De la chimie top niveau

Ces spécifications sont ensuite acheminées au laboratoire de recherche et de développement Dermolab Pharma, à Sainte-Julie, où les produits Jouviance sont fabriqués. Ici, une équipe en sarraus blancs concocte les prototypes à partir d’une «bibliothèque» d’ingrédients qui proviennent de partout sur la planète. «Il n’y a pas énormément de composants actifs québécois. On se sert des ressources disponibles et on essaie de sortir des sentiers battus de la canneberge et de l’érable», dit Benoit Barbarin, formulateur cosmétique chez Dermolab Pharma.

Combien de prototypes seront nécessaires? «Une vingtaine, en théorie. Mais ça peut atteindre la cinquantaine. On peut passer cinq ans à concevoir une crème», dit Nathalie Pelletier, directrice, science et formation chez Jouviance et Functionalab. Cela prend l’expertise d’un bon chimiste! «Il faut connaître tous les ingrédients et s’assurer qu’ils se combinent bien, en trouvant la quantité maximale d’actifs que l’on peut -intégrer sans affecter la stabilité du produit et sans nuire à l’action des autres éléments», précise la Dre Suzanne Gagnon, dermatologue et cofondatrice de la clinique Dermatologie Face au temps, à Laval.

Les fabricants ne contrôlent pas la façon dont leur produit est utilisé. Une consommatrice peut ainsi décider de s’enduire le visage d’une double dose, en espérant voir se multiplier les résultats. «Elle risque alors d’irriter sa peau ou de neutraliser d’autres constituants. C’est pour cette raison que nous ne pouvons pas mélanger tous nos pots pour économiser du temps», note la Dre Gagnon. Les chimistes doivent viser l’équilibre entre efficacité et sécurité.

Une crème anti-âge analysée

  • Agents de conservation (environ 1 %)
    Ils peuvent être d’origine synthétique, comme le triclosan, ou naturelle, comme la vitamine E. Ils empêchent la crème de rancir et la protègent contre le développement de bactéries et de moisissures. «L’idée est de minimiser la quantité de conservateurs au maximum, parce qu’ils risquent de changer la couleur et la texture d’un produit», dit Roger Southin, cofondateur et président de Jouviance.
  • Émulsifiants (5 à 7 %)
    Ils permettent de lier la phase aqueuse et la phase huileuse, et d’assurer la stabilité du produit (comme le jaune d’œuf dans une mayonnaise!).
  • Ingrédients actifs (1 à 10 %)
    Ceux qui sont censés avoir un effet sur la peau, comme les peptides. Mais attention, un pourcentage plus élevé n’est pas nécessairement synonyme d’une plus grande efficacité, comme le rappelle Benoit Barbarin, de Dermolab Pharma.
  • Phase huileuse (8 à 20 %)
    Les lipides et les ingrédients solubles dans l’huile. «Une personne à la peau grasse cherchera une texture légère, comme un gel, tandis que celle dont la peau est sèche désirera une crème plus riche, qui contient plus d’huile», explique la Dre Chantal Chiasson, dermatologue.
  • Phase aqueuse (40 à 80 %)
    Il s’agit du fameux «aqua» (eau), souvent en tête de la liste des ingrédients, ainsi que de tous les composants qui sont solubles dans l’eau, comme la glycérine.

Choisir teintes et textures

Étape suivante: trouver la teinte de la crème anti-âge. Un défi de taille. La consommatrice préfère habituellement un soin blanc ou rosé, mais de nombreux composants peuvent conférer aux mixtures une coloration plutôt beige.

Il ne faut pas non plus négliger un autre aspect essentiel des cosmétiques: la texture. «La formulation de notre crème Antiâge 3 en 1 est vraiment délicate. Une année que nous l’avions fabriquée en hiver, l’eau du laboratoire était plus froide et la consistance a été plus épaisse… Nous avons eu des plaintes», se remémore le biochimiste Roger Southin, cofondateur et président de Jouviance.

Si le produit est granuleux, trop gras, trop liquide ou instable, on recommence jusqu’à ce qu’on obtienne la recette parfaite. Celle-ci sera alors gardée, tel un secret d’État, sur un serveur sécurisé auquel seule une poignée de personnes a accès. «Même moi, je ne connais pas la formule de la sauce!» lance Rima Amroun-McMahan.

Un, deux, un, deux, tests!

Commence ensuite une batterie de tests. Il faut d’abord veiller à ce que les agents de conservation utilisés soient à toute épreuve.

Ensuite, on vérifie la stabilité de la préparation à trois températures: 44 °C, 22 °C (la température ambiante moyenne dans une maison) et 4 °C. Le but est de s’assurer qu’après trois mois, elle aura bien résisté à tous les climats. «Nous ne sommes pas maîtres du transport et de la livraison. Au Québec, le produit prend parfois la route à -20 °C», souligne Benoit Barbarin.

En parallèle, les essais cliniques débutent auprès de personnes choisies parmi une banque de candidates rigoureusement sélectionnées. C’est le moment de mesurer l’empreinte des rides, leur longueur, leur profondeur, mais aussi la fermeté de la peau, son hydratation et sa couleur. C’est ce qui permettra d’indiquer sur l’emballage qu’après quelques mois d’utilisation, «le grain de la peau s’est affiné à 90 %», ou que «95 % des utilisatrices sont satisfaites», par exemple.

Et puis, après avoir pesé et mesuré tous les ingrédients gardés dans un immense entrepôt (semblable à un Costco, sauf qu’on y trouve des extraits de rose bulgare et de thé vert à la place des boîtes de thon!), on peut enfin passer à la production, qui se fait habituellement en une journée.

On entre dans la salle de fabrication couverte d’un masque, d’un bonnet et d’un sarrau, sans bijoux, sans maquillage, sans même la moindre trace de mascara – tout ça pour éviter les risques de contamination. C’est ici qu’on émulsifie des dizaines d’ingrédients, à chaud ou à froid et dans un ordre bien précis (c’est ça, le secret de la «sauce»!), dans la cuve en acier inoxydable d’un mélangeur géant.

Le produit fini est ensuite versé dans les flacons qui défilent sur un tapis roulant. Par égard pour la cliente, «on ajoute toujours 1 ml à la quantité prévue», révèle Nathalie Pelletier. Ils sont finalement vérifiés, étiquetés, puis mis en boîte.

Prêts pour les comptoirs beauté des pharmacies? Pas tout à fait. Les contenants passeront encore de 7 à 10 jours en quarantaine sous une pellicule plastique, afin de permettre à Jouviance de les inspecter une dernière fois. Ils pourront ensuite enfin commencer leur périple vers les détaillants… et nos trousses beauté.

Coulisses d’un labo


La «bibliothèque» des ingrédients actifs, garde-manger des potions magiques.


Au laboratoire, on travaille à trouver les combinaisons optimales d’ingrédients.


Les ingrédients sont transportés sur une fourche à palettes, accompagnés de la recette (secrète).


Pâte à gâteau licorne? Non, malaxage d’ingrédients du sérum yeux Restructiv FocusFX.


Pompes et flacons sont assemblés à la main. (Photos: Vanessa Fontaine)

 

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