Générale

La beauté selon Sophie Paquin

Il est beau, il est (encore) jeune, il a une bonne job (de contrats en contrats, mais bon), il est gai (de saunas en saunas, mais bon), il aurait pu avoir des enfants, un bungalow en banlieue, un chum steadé, une vie pépère mais ce n’est pas le cas. Il travaille beaucoup pour oublier mais le travail l’oublie parfois. Il a un rêve, peut-être deux, mais ça ne suffit pas.

J’ai l’impression de rêver lorsque je l’entends me dire: « Moi aussi, avant, j’étais comme toi, j’avais encore des illusions. » Je pars à rire. J’en use, c’est mon droit d’aînesse.

« Mon chou, des illusions, j’en ai eu, j’en ai perdues, je les ai même toutes perdues. Pis j’en ai retrouvées, surtout dans le regard neuf que pose mon B sur toutes choses. C’est pour ça que c’est un privilège d’avoir un enfant. Mon B me disait la semaine dernière: « Maman, moi je sais tout« . Je lui ai répondu que moi je ne savais plus rien. Il m’a balancé, du haut de ses quatre ans: « Pas grave, je vais t’apprendre des choses maman.«  »

« Et c’est vrai. Il m’apprend l’espoir, il m’apprend le « beginner’s mind », à me pitcher sans « savoir » parce que c’est l’ostie de « savoir » qui nous empêche de reprendre les mêmes expériences sans filtre (l’amour, par exemple). Nous, on « sait ». Mon B, lui, il me demande « Est-ce qu’il y a de la salade dans la salade de chou? » et c’est le plus beau koan auquel je puisse réfléchir. »

« Mais il n’y a pas que mon B qui m’aide à garder espoir. Je te dirais que j’aimerais avoir une religion, ce serait plus simple. Mais finalement, je me suis bien entourée, ça aussi c’est crucial. Pas de rabats-joie, de cyniques, d’amers chroniques et de verbeux qui ne passent jamais à l’action dans mon entourage. Mon embarcation est trop fragile pour traîner des poutres mortes en arrière de moi. Je peux aider un temps mais en insufflant une énergie, un courage, une idée. Je crois à l’inspiration. Après, les jardiniers jardinent dans leur petit jardin secret. Je veux bien fournir le compost. » « Je m’entoure de passionnés, d’illusionnistes peut-être, mais qui font de grandes et petites choses porteuses d’espoir et d’illusions. Nos métiers font partie du monde de l’illusion; toi, tu es un chasseur de perles. Et quarante ans, c’est l’âge des récoltes. C’est l’âge où l’on redonne aux autres aussi ce qu’on a récolté, en expérience, en sagesse, en sérénité, en beauté. »

Oui, mais vieillir m’emmerde. Y’a rien de drôle là-dedans.

« De grâce, tu ne vas pas me la jouer « j’ai perdu toutes mes illusions et j’ai lu tous les livres, hélas! ». S’il nous reste 30-40 ans à tirer ensemble, je ne veux plus entendre ça, c’est compris? On fait tous notre possible mais vieillir avec grâce c’est quand même l’élégance ultime, une politesse à rendre aux autres. Vieillir s’apprend, comme le reste. Mais le sentier des regrets et du passé, c’est un misérable cul-de-sac. Mon grand-père est mort jeune à 96 ans, j’ai l’intention d’essayer de faire pareil. »

Toi, t’as pas de mérite, tu vieillis pas. T’es comme la tite vieille qui raconte l’histoire dans le film Titanic. Pis tu vas aller pitcher le bijou en coeur caché sous ta jaquette rose, au bout de tes bras, à la fin de ta vie. Tu vas être tripante jusqu’au générique. Au fait, je sais pas si tu t’es fait faire de la chirurgie plastique mais que penserais-tu si je me faisais enlever ça… (choisir un bout d’anatomie que seul son propriétaire voit et sur lequel il obsède chaque fois qu’il se brosse les dents devant le miroir)?

« Non, je n’ai pas touché à la chirurgie. Le syndrome Micheline Charest, tsé, celle qui ne se voyait pas aller, très peu pour moi. On en reparlera dans dix ans. Et puis, peut-être que je choisirai de mettre des vieilles photos de moi dans les magazines, ça fera pareil. Tu penses vraiment que tu vas être plus heureux après le bistouri? I doubt it. Et après, ce sera le lissage des genoux? »

Ben quoi? Toi tu vas en trek au Népal pour te refaire une beauté?

« Ce n’est pas la première raison, mais oui, les voyages initiatiques font ça. Je suis CERTAINE que ce que j’y puiserai contribuera à ma « beauté intérieure » et que tout ça suinte vers l’extérieur. Vanité de ma part, sûrement. D’ailleurs, c’est une raison très très très secondaire du trek des femmes pour le développement et la paix. Je n’apporte aucune crème anti-rides et beaucoup de crème solaire. Nos Himalayas sont immenses et nos horizons bien rétrécis. Je sais que ce que je trouverai là-bas, c’est moi toute nue, dépouillée de son décor. Et y’a encore ben de l’ouvrage à faire. C’est le plus freakant de toute l’affaire. »

Il m’a promis d’être juché sur mon épaule et que je pourrais lui parler chaque fois qu’une côte serait plus difficile à grimper. Je lui promets la même chose ici. En attendant, réfléchis bien à ça mon chou: Est-ce qu’il y a de la salade dans la salade de chou?

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.