C’est un très joli film qu’a construit et imaginé Pedro Ruiz, un collaborateur avec qui je travaille occasionnellement au Devoir. Cette dérive douce d’un enfant de Petit-Goâve a tout pour charmer, tant par le fond que la forme, car son sujet est un séducteur nonchalant, un écrivain hors norme et, chose rare, un écrivain capable de sortir de sa coquille pour venir à la rencontre de son public.
Devant Laferrière, le personnage médiatique plutôt flamboyant que le Tout-Paris reconnaît comme l’un des siens désormais, on oublie qu’il y a l’écrivain acharné, la solitude choisie et nécessaire, la ténacité de l’immigrant, le Caribéen qui grelotte et s’exile à Miami, moins par goût que par renoncement. Dans ce film, on découvre un Dany qui a fait « mister météo » à TQS, mille et un métiers, un Dany proche des gens, de son peuple, d’un petit pays où on le voit déambuler.
On ne dit pas assez l’odeur, l’immense misère qu’on trouve là. La magie de Laferrière, c’est aussi d’en avoir traduit la douceur, les couleurs, l’anarchie et l’immense vitalité. Chaque fois que je le lis, je retourne à Haïti mais beaucoup plus loin encore; je me remémore la peau noire et si douce de l’amant caribéen, je revois ces sourires éclatants de blancheur, cette enfance portée comme un fleuron, jamais quittée, toujours présente. Lire Laferrière, c’est se sentir humain, au-delà des frontières, de la langue et de la couleur. C’est devenir Japonais ou Haïtien ou immigrant. C’est aussi se sentir intelligent.
Présenté ce soir à la Grande Bibliothèque à 18h en présence du cinéaste et de l’écrivain. Puis à compter de dimanche, le 22 novembre au Cinéma Parallèle.