Non, je ne vous dirai pas que je crois que toutes les femmes ont peur des maillots. Ce serait faux. Je ne vous écrirai pas non plus qu’il n’y a rien de plus facile que d’enfiler un bikini puis d’aller se planter les pieds dans le sable. Ce serait un mensonge. Il y a autant d’émotions, fortes ou pas, liées à ces petits bouts de tissu qu’il y a d’être humains – et de silhouettes – sur la planète. Et moi, j’ai vécu la gamme au grand complet.
Petite, je refusais de porter quoi que ce soit qui n’était pas rose, brillant et à volants. J’avais une véritable obsession pour les vêtements «fifille» (maillots compris), dégoulinants de références aux princesses de Disney et de plutôt mauvais goût. Pas question que je patauge dans une piscine gonflable sans me sentir au top de ma féminité, fièrement vêtue d’un maillot une-pièce fuchsia à jupette en paillettes. La superstar des partys de cours arrières, c’était moi.
Ado, j’ai suivi des tonnes de régimes drastiques et passé des heures et des heures et des heures au gym. Résultat: j’avais une taille d’enfer, à rivaliser avec… avec moi-même version «au mieux de ma forme physique». (Ne nous leurrons pas, je n’avais pas non plus la shape de Naomi ou de Gisèle – c’est une job à temps plein, être mannequin.) Là, j’ai acheté mes premiers bikinis. Des micros triangles faits de nylon tout mince, qui ne supportaient pas grand chose, mais qu’est-ce qu’on s’en foutait? Tout tenait miraculeusement bien en place de toute façon. Des deux-pièces dans des nuances néon genre «Hey, m’as-tu vue sur la plage, moi, moi, moi?». Rien que d’y repenser, un mélange de grande gêne et de petite fierté me monte aux joues.
Jeune adulte, j’ai commencé à prendre du poids comme on prend de l’âge. Lentement, doucement, presque trop facilement. Les bikinis ont été rangés au fond du tiroir, puis jetés aux poubelles. J’ai commencé à magasiner dans le rayon «costumes de bain une-pièce amincissants et franchement déprimants», la mort dans l’âme. J’ai jeté mon dévolu sur des modèles épais et lourds, noirs de préférence, avec tissu plissé à la taille, super soutien au niveau des seins et culotte large. Les larmes me montaient aux yeux dès qu’on m’invitait à m’exhiber, à la piscine ou au spa. Faut dire que mon style «vieille dame prisonnière dans un corps de jeune fille» n’aidait en rien mon estime de moi. Je me sentais laide; je l’étais très probablement.
Il y a quelques années, j’ai découvert la blogueuse américaine GabiFresh, qui vouait un amour inconditionnel aux «fatkinis», comme elle surnommait les bikinis pour les grosses. Je pense que je suis tombée illico sous le charme de Gabi. Un peu en amour, aussi. Enfin, une fille qui me ressemblait et qui se montrait en deux-pièces moulant, le bonheur aux lèvres et la confiance dans le fond des yeux! Elle ne m’a pas donné envie de la copier, non (à chacune son opinion, mais moi, mon ventre mou, je le soumets à mes semi-tendres regards seulement), mais elle m’a donné envie d’emprunter sa force et d’imiter son assurance. J’ai couru dans les boutiques faire le plein de tankinis fashion aux coupes modernes, aux imprimés tendances et aux couleurs flash. Je me suis vite sentie mieux dans mon corps (et dans ma tête), et j’ai repris goût aux baignades dans l’eau salée ou chlorée.
Aujourd’hui, j’éprouve un drôle de détachement face à tout ça. Peut-être que j’ai tout donné au costume de bain. Peut-être que je me suis sentie assez bien et assez mal pour remplir une vie toute entière. Peut-être que mon maillot de bain et moi, on a vécu tout ce qu’on avait à vivre ensemble. Parce qu’il se trouve désormais au même niveau que le t-shirt et le jean, dans mon cœur. Un item mode à (r)acheter au besoin, sans trop d’excitation ni de peine. Une déception lorsque j’en trouve un qui me va bien, sans plus; un plaisir lorsque je déniche un modèle qui me plaît particulièrement ou qui me fait une taille fine, des beaux seins ou des fesses fermes.
Le plus surprenant, dans tout ça, c’est ma beach attitude. Celle d’une fille qui n’a pas honte de son corps, pour qui se dénuder est un geste commun et naturel, comme pour tout le monde. Celle d’une fille qui n’est pas fière de son corps, non plus, mais qui y travaille fort à tous les jours, comme tout le monde. Et qui fait tout pour y arriver, un morceau de spandex à la fois.
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