Chroniques

Trois heures de vacances

But de l’exercice : éteindre ma tête, m’instiller un sentiment de liberté.

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L’hiver est fini. Celui-ci du moins. Mais à ce temps de l’année, l’impatience du Québécois moyen monte plus vite que le mercure. On n’en peut pus.

Or, la vraie vie, elle, continue. Et le brouhaha qui vient avec. Période de pointe au bureau. La maison serait due pour un grand ménage du printemps. C’est l’anniversaire du filleul avec, comme chaque année, le dilemme du cadeau à offrir. Le dernier disque de Machinchose est moins bon que son précédent. Véro lance un nouveau quelque chose. Le pont Champlain s’effrite sous nos roues. La société ABC révolutionne le bouton à quatre trous. La twittosphère s’entre-déchire à propos de la dernière niaiserie de Joe Blogue.

M’en fiche. Obama peut quitter Michelle pour Beyoncé ou Poutine envahir le Bhoutan, je veux pas le savoir. Je n’ai qu’une envie, que le monde s’arrête une minute, le temps de me laisser descendre. Je rêve d’une retraite fermée dans une suite cinq étoiles de l’abbaye de Saint-Benoît-du-pus-capable. Toute seule, au soleil et dans le silence le plus complet. Avec service aux chambres, massages sur ma terrasse privée et framboises au petit-déjeuner.

Mais comme je n’ai ni la fortune ni la vie de Paris Hilton, ça n’arrivera pas. Alors place au fantasme de deuxième catégorie : 48 heures sans obligations, sans radio, sans télé, sans musique, sans journaux. Deux jours à dessiner et à faire des confitures, à souper d’une pomme et de chocolat noir, à passer la soirée au lit avec Henning Mankell en faisant des miettes de chips ou de biscuits dans les draps, avant d’éteindre à 20 h 30. Ou à 3 h du matin.

Mais ça non plus, 48 heures « pas de cadran pas de capote », comme le chante Richard Desjardins, ça n’entre pas dans l’horaire d’une travailleuse-citoyenne-conjointe-maman-maîtresse-de-maison. Trois heures, alors ? Ça doit se faire, trois heures ? On connaît le slow food, le slow travel, pourquoi pas la quick vacation ? Yes.

Quand même raisonnable, je planifie mon évasion pour que personne ne se couche sans manger ou me cherche dans tous les hôpitaux. Ensuite, je me pousse le temps d’une soirée ou d’un après-midi. But de l’exercice : éteindre ma tête, m’instiller un sentiment de liberté. Tout devient possible. Se perdre dans un quartier inconnu. Entrer dans un cinéma trois minutes avant le début d’un film qu’on ne pensait pas avoir envie de voir. Fureter une demi-heure dans une boutique qui vend du matériel d’ébénisterie, histoire de découvrir un nouvel univers. Ou alors, comme le prescrivait Julia Cameron (auteure de The Artist’s Way, Penguin Books, 1992), inviter son artiste intérieur (tout le monde en a un !) à une grande sortie.

L’emmener au Dollarama pour flamber 10 dollars en bidules à utiliser dans un bricolage. Armé de son téléphone intelligent, l’envoyer en safari photo dans le quartier avec un mandat précis : 12 clichés de nature. Ou d’objets communs pris sous un angle inédit. De détails d’architecture que personne ne voit jamais. Ça marche à tous les coups. J’oublie tout. À mon retour, on dirait qu’il fait (un peu) plus chaud sur ma terrasse. J’allume la radio. Ça va mieux. Prête pour le mois de mai.

Louise.gendron@chatelaine.rogers.com

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