Lancé avec Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer (1985), il a connu la consécration internationale avec L’énigme du retour (prix Médicis, 2009). Un grand auteur et un grand lecteur.
Fictions (1944)
« On découvre toujours un écrivain par un livre, sauf si on vous l’a présenté : “Avez-vous déjà lu Jorge Luis Borges ?” Sinon, on tombe par hasard sur un livre. Dans le cas de Fictions, c’était un samedi matin de 1977, à la librairie Québec-Amérique, rue Saint-Denis. J’y trouvai trois fées : Rollande Bengle et ses filles Dominique et Annick. Elles m’ont accueilli avec un enthousiasme qui m’a fait croire qu’elles étaient placées sur mon chemin. Aujourd’hui, elles sont mortes, mais chaque fois que j’ouvre Fictions, je pense à elles. »
Sexus, Nexus, Plexus (1949, 1952, 1959)
Composent La crucifixion en rose, récit autobiographique. « En fait, j’aime tout Henry Miller. Ça vibre. Quelle que soit la profondeur de sa déprime, il donne envie de sortir, de descendre la rue en souriant à tout le monde, de s’asseoir à un café, d’ouvrir le journal, de le refermer en commandant un verre de vin rouge, d’accueillir le premier venu comme un ami, de s’intéresser à la jeune fille (une nouvelle Anaïs Nin) qui écrit près de la fenêtre, et, finalement, de commencer Sexus, le cœur en fête. »
Pedro Páramo (1955)
Un homme promet à sa mère mourante d’aller à la recherche de son père. « J’ai lu ce roman à Miami, où j’étais en train d’écrire Pays sans chapeau. Je n’ai jamais senti une pareille proximité avec un livre. Son univers avait pénétré mes rêves. Ce monde étrange où l’on ne pouvait distinguer le rêve de la réalité me rappelait tant celui des dieux du vaudou. C’est vrai qu’Haïti entretient un même rapport avec la mort que le Mexique. Mais surtout il y a l’art sobre et si précis de Juan Rulfo pour décrire un monde extravagant. »
Choses vues (1887)
Sorte de journal intime et de carnet de notes. « Ce gros livre (1 396 pages) dont on ne peut rien jeter ne peut être que de ce vieux fou de Victor Hugo. Hugo reporter intemporel. Je l’entends respirer. Il marche dans Paris et remarque cette femme qui cherche du pain pour nourrir sa famille. Il participe aux discussions de l’Académie française et observe la danse des hommes avec les mots. Il s’élève contre la peine de mort. Il écoute aux portes des salons de l’aristocratie et assiste à l’agonie de Balzac. C’est simple et sans emphase. »
L’espace d’un cillement (1959)
« J’avais 16 ans et j’avais la fièvre quand j’ai lu ce livre intense et musical. Une fête de la parole. Ce roman de l’écrivain haïtien Jacques Stéphen Alexis, qui a trouvé la mort en tentant avec des camarades de renverser la dictature de Duvalier, se passe dans un bordel près de Port-au-Prince. On y croise des intellectuels, des syndicalistes, des espions, des prostituées. C’est l’histoire d’amour à chavirer le cœur entre El Caucho et la Niña Estrellita. La langue souple, ample, presque précieuse, est pour beaucoup dans cet ouvrage. »