Club de lecture

Quatre livres audio lus par leur auteur

Créé en 2008, Audiolib publie des livres audio de qualité qui permettent de découvrir de grands auteurs. Idéal quand on est pris dans des bouchons de circulation, quand on marche en forêt ou qu’on relaxe sur la plage!


 

Le titre : L’énigme du retour

 

L’auteur : Dany Laferrière

 

L’histoire : À l’annonce du décès de son père mort en exil, le narrateur retourne en Haïti, son pays natal, plus de trente ans après avoir été contraint de le fuir. Commence alors un long voyage initiatique où, entre des retrouvailles bouleversantes, ses souvenirs d’enfance et la réalité brutale d’une île qui n’est plus vraiment la sienne, l’auteur partage ses réflexions sur les condamnés à l’exil.

 

L’univers : Lumineux. L’énigme du retour est un long poème autobiographique dans lequel l’écriture de Dany Laferrière n’a jamais paru aussi inspirée. Pour ne pas dire solaire.

 

La voix entendue : Celle de l’auteur. Familière. Celle que l’on a l’habitude d’entendre à la radio et à la télé. Mais plus envoûtante encore et stoïque.

 

Les premières phrases :

« LE COUP DE FIL.

 

La nouvelle coupe la nuit en deux.

L’appel téléphonique fatal

que tout homme d’âge mûr

reçoit un jour.

Mon père vient de mourir.

 

J’ai pris la route tôt ce matin.

Sans destination.

Comme ma vie à partir de maintenant.

 

Je m’arrête en chemin pour déjeuner.

Des œufs au bacon, du pain grillé et un café brûlant.

M’assois près de la fenêtre.

Piquant soleil qui me réchauffe la joue droite.

Coup d’œil distrait sur le journal.

Image sanglante d’un accident de la route.

On vend la mort anonyme en Amérique.

 

Je regarde la serveuse circuler

entre les tables.

Tout affairée.

La nuque en sueur.

La radio passe cette chanson western

qui raconte l’histoire d’un cow-boy

malheureux en amour.

La serveuse a une fleur rouge tatouée

sur l’épaule droite.

Elle se retourne et me fait un triste sourire.

 

Je laisse le pourboire sur le journal

à côté de la tasse de café froid.

En allant vers la voiture, je tente d’imaginer

la solitude d’un homme face à la mort

dans un lit d’hôpital d’un pays étranger. »

 

Pour écouter un extrait.

La raison de l’écouter : Parce que c’est un roman qui en dit long sur la condition humaine. Un ouvrage inclassable à mi-chemin entre la prose et la poésie. Un ouvrage à la sonorité unique, qui se rapproche de la tradition du haïku, ces courts poèmes japonais de trois verts, où la nature et l’instant tiennent une place importante.

 

En un mot : Universel.

 

Éditeur : Boréal – 290 pages.

 

Format : Livre audio 1 CD MP3 – suivi d’un entretien avec l’auteur. Durée : 5 h 48.

 

 



 

Le titre : Courir

 

L’auteur : Jean Echenoz

 

L’histoire : C’est l’histoire d’une légende. Celle d’Émile Zatopek, ce coureur de fond tchécoslovaque qui resta invaincu de 1948 à 1954 sur le 10 000 mètres (25 tours de piste) et qui, avec ses quatre titres olympiques et ses dix-huit records du monde, devint l’un des plus redoutables instruments de propagande pour le régime communiste en place à Prague.

 

L’univers : Véritable biofiction, Courir slalome entre deux terribles événements du XXe siècle : l’occupation allemande et le rideau de fer. Mais Echenoz ne s’embarrasse pas trop des détails historiques. À l’image de la foulée du célèbre coureur, sa trame narrative est tendue du début à la fin. En fait, elle suit telle une flèche la trajectoire de cet athlète d’élite, qui défend malgré tout les couleurs de la Tchécoslovaquie communiste.

 

La voix entendue : Celle de l’auteur. Une voix douce au timbre rauque. Echenoz a une belle diction, mais sa ponctuation, un peu saccadée, requiert tout de même un bon niveau de concentration à l’écoute.

 

Les premières phrases : « Les Allemands sont entrés en Moravie. Ils y sont arrivés à cheval, à moto, en voiture, en camion, mais aussi en calèche, suivis d’unités d’infanterie et de colonnes de ravitaillement, puis de quelques véhicules semi-chenillés de petit format, guère plus. Le temps n’est pas venu de voir de gros panzers Tiger et Panther menés par des tankistes en uniforme noir, qui sera une couleur bien pratique pour cacher les taches d’huile. Quelques Messerschmitt monomoteurs de reconnaissance de type Taifun survolent cette opération, mais seulement chargés de s’assurer de haut que tout se passe tranquillement, ils ne sont même pas armés. Ce n’est qu’une petite invasion éclair en douceur, une petite annexion sans faire d’histoires, ce n’est pas encore la guerre à proprement parler. C’est juste que les Allemands arrivent et qu’ils s’installent, c’est tout. (…)

Quand tout ce petit monde, il y a six mois, s’est présenté dans les Sudètes, il a été plutôt bien reçu par les ressortissants allemands de la région. Mais à présent, passée la frontière Bohême-Moravie, l’accueil est nettement plus froid sous le ciel bas et plombé. À Prague, le petit monde est entré dans un silence de pierre, et dans la province morave, les gens ne se sont pas non plus massés au bord des routes. Ceux qui s’y sont risqués considèrent ce cortège avec moins de curiosité que de circonspection sinon de franche antipathie, mais quelque chose leur dit qu’on ne plaisante pas, que ce n’est pas le moment de le faire voir.

Émile n’a pas rejoint ces spectateurs, car il a beaucoup d’autres choses à faire. D’abord, ayant quitté depuis trois ans l’école où sa famille n’avait pas les moyens de le maintenir, il occupe en usine un emploi d’apprenti avec lequel on ne plaisante pas non plus. Puis, quand il sort de l’atelier, il suit des cours de chimie dans l’idée d’être un jour autre chose qu’apprenti. »

 

Pour écouter un extrait.

La raison de l’écouter : L’écriture d’Echenoz est épurée et elle résonne avec pertinence. Avec Courir, paru en 2008, il signe sa troisième biographie d’un personnage célèbre. Il avait commencé avec Jérôme Lindon, l’ancien directeur des Éditions de Minuit, en 2001, et puis avec Ravel, le compositeur du Boléro, en 2006.

 

En un mot : Athlétique.

 

Éditeur : Les Éditions de Minuit – 142 pages.

 

Format : Livre audio 1 CD MP3. Durée : 3 h.

 



 

Le titre : L’autre fille

 

L’auteure : Annie Ernaux

 

L’histoire : France, 1950. Enfant unique, Annie joue dehors au soleil. Elle a dix ans. Sa maman épicière, à quelques mètres de là, discute avec une cliente. Annie les écoute d’une oreille distraite. C’est ainsi qu’elle entend pour la première fois sa mère parler de son autre fille, morte à l’âge de six ans. Deux ans avant la naissance de la petite Annie. Elle découvre cette sœur dont ses parents ne parlent jamais. C’est ainsi qu’elle apprend qu’elle n’est plus unique au monde. Qu’elle est moins parfaite puisque vivante. Qu’elle est la remplaçante de la préférée montée au ciel.

 

L’univers : Épistolaire. L’autre fille est une lettre que l’auteure écrit à cette sœur qu’elle n’a jamais connue. Sœur sans qui elle n’aurait jamais vu le jour. Pour de simples raisons économiques. Parce que ses parents ne pouvaient se permettre d’avoir plus d’un enfant en ces années de disette (fin des années trente, à l’aube de la Deuxième Guerre). Annie a donc vu le jour parce que sa sœur aînée est morte. Et cela soulève bien des questions.

 

La voix entendue : Celle de l’auteure. Une femme née en 1940 et qui a ce ton de voix professoral propre à l’accent de l’autre côté de l’Atlantique. C’est à dire classique, mais aussi limpide.

 

Les premières phrases : « C’est une photo de couleur sépia, ovale, collée sur le carton jauni d’un livret, elle montre un bébé juché de trois quarts sur des coussins festonnés, superposés. Il est revêtu d’une chemise brodée, à une seule bride, large, sur laquelle s’attache un gros nœud un peu en arrière de l’épaule, comme une grosse fleur ou les ailes d’un papillon géant. Un bébé tout en longueur, peu charnu, dont les jambes écartées avancent, tendues jusqu’au rebord de la table. Sous ses cheveux bruns ramenés en rouleau sur son front bombé, il écarquille les yeux avec une intensité presque dévorante. Ses bras ouverts à la manière d’un poupard semblent s’agiter. On dirait qu’il va bondir. Au-dessus de la photo, la signature du photographe – M. Ridel, Lillebonne – dont les initiales entrelacées ornent aussi le coin supérieur gauche de la couverture, très salie, aux feuillets à moitié détachés l’un de l’autre.

Quand j’étais petite, je croyais – on avait dû me le dire – que c’était moi. Ce n’est pas moi, c’est toi.

Il y avait pourtant une autre photo de moi, prise chez le même photographe, sur la même table, les cheveux bruns pareillement en rouleau, mais j’apparaissais dodue, avec des yeux enfoncés dans une bouille ronde, une main entre les cuisses. Je ne me souviens pas avoir été intriguée alors par la différence, patente, entre les deux photos. »

 

Pour écouter un extrait.

La raison de l’écouter : Pour sa concision. Pour les questions qu’elle soulève. Pour l’écriture musicale d’Annie Ernaux.

 

En un mot : Poignant.

 

Éditeur : Éditions Nil – 78 pages.

 

Format : Livre audio 2 CD MP3 – suivi d’un entretien avec l’auteure. Durée : 1 h 37.

 

 



 

Le titre : Le voleur d’ombres

 

L’auteur : Marc Levy

 

L’histoire : Celle d’un petit garçon que l’on suit jusqu’au moment où il devient grand. Celle d’un petit bonhomme qui manque de confiance en lui, mais qui a le pouvoir de « voler » les « ombres » de ses proches. Des ombres qui s’empressent de lui confier leurs secrets les plus intimes de ceux qu’elles évoquent…

 

L’univers : Marc Levy parvient ici à réaliser un exercice de style intéressant : commencer l’écriture d’un livre dans un style enfantin pour ensuite la faire évoluer jusqu’à l’âge adulte. Et cela, avec beaucoup de finesse et subtilité.

 

La voix entendue : Celle de l’auteur. Marc Levy parle comme il écrit. Avec une candeur naïve et beaucoup de légèreté. Et comme il maîtrise bien sa ponctuation, il est très agréable à écouter.

 

Les premières phrases : « J’ai eu peur de la nuit, peur des formes qui s’invitaient dans les ombres du soir, qui dansaient dans les plis des rideaux, sur le papier peint d’une chambre à coucher. Elles se sont évanouies avec le temps. Mais il me suffit de me souvenir de mon enfance pour les voir réapparaître, terribles et menaçantes.

Un proverbe chinois dit qu’un homme courtois ne marche pas sur l’ombre de son voisin, je l’ignorais le jour où je suis arrivé dans cette nouvelle école. Mon enfance était là dans cette cour de récréation. Je voulais la chasser, devenir adulte, elle me collait à la peau dans ce corps étroit et trop petit à mon goût.

 

« Tu verras, tout va bien se passer… » Rentrée des classes. Adossé à un platane, je regardais les groupes se former. Je n’appartenais à aucun d’eux. Je n’avais droit à aucun sourire, aucune accolade, pas le moindre signe témoignant de la joie de se retrouver à la fin des vacances et personne à qui raconter les miennes. Ceux qui ont changé d’école ont dû connaître ces matinées de septembre où, gorge nouée, on ne sait que répondre à ses parents quand ils vous assurent que tout va bien se passer. Comme s’ils se souvenaient de quelque chose! Les parents ont tout oublié, ce n’est pas de leur faute, ils ont juste vieilli. Sous le préau, la cloche retentit et les élèves s’alignèrent en rangs devant les professeurs qui faisaient l’appel. Nous étions trois à porter des lunettes, ce n’était pas beaucoup. J’appartenais au groupe 6C, et une fois encore, j’étais le plus petit. On avait eu le mauvais goût de me faire naître en décembre, mes parents se réjouissaient que j’aie toujours six mois d’avance, ça les flattait, moi je m’en désolais chaque rentrée. Être le plus petit de la classe, ça signifiait : nettoyer le tableau, ranger les craies, regrouper les tapis dans la salle de sport, aligner les ballons de basket sur l’étagère trop haute, et le pire du pire, devoir poser tout seul, assis en tailleur au premier rang sur la photo de classe; il n’y a aucune limite à l’humiliation quand on est à l’école. »

 

Pour écouter un extrait.

La raison de l’écouter : Parce que l’auteur raconte cette histoire non seulement avec des yeux, mais aussi avec des mots, des pensées et des réactions d’enfants.

 

En un mot : Lévitation.

 

Éditeur : Robert Laffont – 304 pages.

 

Format : Livre audio 1 CD MP3. Durée : 5 h 24.

 

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