Helena Christensen : Ex-membre élite des « anges » de Victoria’s Secret, star des passerelles dans les années 1990, la belle Danoise aux yeux azurés endosse maintenant le confort du nouveau soutien-gorge Comfort-U Back de Bali.
Certaines en sont folles et avouent consacrer pas mal de sous à ce petit plaisir coupable. C’est la preuve que les dessous ont depuis longtemps dépassé le stade de simples vêtements utilitaires. « On estime que les Canadiennes achètent en moyenne six soutiens-gorge par an », indique Viviane Lemire, chef marketing senior chez Hanesbrands (Wonderbra, Bali, Dim). De plus, « les ventes d’articles d’une extrême féminité tels que bustiers et porte-jarretelles sont en hausse depuis 15 ans », note Ève Grenier, vice-présidente de C.J. Grenier, corseterie bien de chez nous fondée en 1860 par son arrière-grand-père.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, on qualifiait les dessous affriolants de vulgaires, de dégradants et de symboles d’inégalité entre les sexes. « Il y a 50 ans, les femmes “bien” ne portaient même pas de soutiens-gorge noirs, cette couleur étant jugée trop osée et réservée aux femmes de mœurs légères », dit Ève Grenier en riant.
Quelques décennies seulement auront suffi pour renverser la vapeur. Sophistiqués, technologiques, ultraféminins, colorés, les sous-vêtements du troisième millénaire illustreraient un nouveau rapport de force dans les jeux de séduction. Bref, lingerie raffinée rime avec femme libre et épanouie. L’hypothèse? Avec l’évolution de son statut, elle est de plus en plus active dans sa sexualité et n’a pas peur de l’affirmer. Libérée de ses inhibitions, elle se sert du string, du balconnet et de la résille pour communiquer son message.
Selon Mariette Julien, auteure de La mode hypersexualisée (Éditions Sisyphe) et professeure à l’École supérieure de mode de Montréal, il ne faut pas être dupe. « Le modèle féminin idéal, ce n’est pas d’être belle. Il faut avant tout être sexy et afficher sa disponibilité sexuelle », dit-elle en soulignant que celles qui consomment de la lingerie polissonne au quotidien subissent, sans s’en rendre compte, les pressions de la société pour se conformer à ces nouveaux canons d’esthétisme. On comprend alors pourquoi les féministes pures et dures crient encore au scandale : les dessous libertins continueraient d’alimenter le stéréotype de la femme-objet.
Tatjana Patitz : Illustre top-modèle des années 1990, la blonde Allemande est l’ambassadrice de la nouvelle collection de Chantelle. À 40 ans passés, la mannequin cible une clientèle plus mature, bien dans sa peau et qui assume sa féminité.
Bombe anatomique
Bourrée de clichés, la lingerie? Peut-être, mais il reste que ça vend! « Pas étonnant, fait valoir Mariette Julien, puisque la société est actuellement en panne de désir. » Selon elle, la lingerie a le pouvoir de doper l’ego et d’apporter une touche aphrodisiaque à notre vie. « La nudité n’est plus érotique du tout. À preuve, même une danseuse nue ne sera jamais complètement nue. Elle aura ses artifices de coquetterie qui font écho aux fantasmes : talons hauts, bas aux cuisses, etc. »
Il semble même que, dans un monde individualiste comme le nôtre, nous érotisons notre corps pour déclencher d’abord notre propre désir. La lingerie est donc un plaisir pour soi, car elle permet de mettre en valeur les atouts féminins. Il est vrai qu’en sculptant, galbant, remontant, gonflant, voilant et dévoilant, les dessous donnent un p’tit coup de pouce à Dame Nature. « Quand on se regarde dans la glace en sous-vêtements sexy, ça confère une certaine allure. Ça peut être une formidable source d’assurance, souligne Mariette Julien. Même s’ils sont cachés sous nos vêtements, nos beaux dessous changent la perception que nous avons de nous-mêmes, nous mettent dans un autre état d’esprit. »
Bar Refaeli : Cette bombe israélienne de 25 ans, copine de Leonardo DiCaprio, est l’une des mannequins le plus demandées actuellement. Pour vanter les mérites de la lingerie bucolique Passionata, elle joue les pin-up modernes.
Explosion de dentelle
« Depuis le début des années 1990, on assiste à un véritable boom dans ce créneau de marché, dit Viviane Lemire. Si bien qu’aujourd’hui il n’est plus rare de s’acheter de jolis sous-vêtements chez des détaillants qui ne proposaient auparavant que des vêtements (Jacob et H&M, par exemple), ou même au supermarché (la marque Joe Style frais chez Maxi & Cie). » L’experte indique que le marché du sous-vêtement frôle les 700 millions de dollars par année au Canada.
Mariette Julien évoque pour sa part que cette explosion de guipure et de dentelle coïncide avec l’ascension des femmes sur le marché du travail. Gravissant à vive allure les échelons du pouvoir fringuées de nos tailleurs à épaulettes, nous aurions compensé le look masculin par des sous-vêtements délicats, comme pour nous rassurer dans notre féminité. « Je pense aussi que la lingerie permet de se laisser aller à une certaine frivolité », ajoute l’auteure.
Fait inusité, la lingerie est un luxe accessible qu’on se permet encore plus en période de vaches maigres. « Les économistes appellent cela le lipstick factor. En temps de récession, les femmes s’accordent de petites fantaisies abordables pour se remonter le moral », renchérit Ève Grenier, qui rappelle que son entreprise familiale a été témoin de ce phénomène à plusieurs reprises en 150 ans d’existence, notamment durant les guerres et les récessions. Ce qui nous fait dire que notre rapport à la lingerie est lié au plaisir depuis plus longtemps qu’on ne le pense. Les préjugés peuvent aller se rhabiller!